15. Des Flèches (part. 3)

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Je suis surprise. Matt pose sa main droite sur le manche d'une dague, je l'imite. Il zyeute les alentours cherchant la provenance de cette menace. Un deuxième sifflement. Matt m'écarte. Une seconde flèche érafle la tête de Matt, qui sert les dents. Mon cerveau fuse. Soudain, je repense à une phrase que je considérais comme une vérité générale à une époque. Les adultes ne pensent jamais à lever la tête. Je lève la mienne.

- Dans les arbres ! je crie en évitant une autre flèche.

Matt m'imite. Il lance une dague qui vient se ficher dans le buste d'un homme que je n'avais pas vu. Il tombe lourdement au sol. J'en repère un autre. Je vise le cœur. A cause de ma blessure, je rate mon coup. Mais ma lame vient tout de même se planter dans son épaule. Cela suffit à lui faire lâcher sur archer. Matt arrache la première flèche, laissant un creux dans l'arbre. Il court vers l'arc. Le prend. Et décroche une flèche. L'homme tombe au sol, sans vie.

Je suis stupéfaite. Je m'approche du second homme, récupérant ma lame. Matt fait de même, il l'essuie et la range.

- Tu ne devrais pas utiliser ses lames plates. Elles sont bien pour passer inaperçu sous un vêtement certes, mais pas si bien que ça pour un combat. Utilise plutôt tes dagues ou ton épée à lame courte, il me regarde droit dans les yeux, crois-moi.

Alors que je suis son conseil en troquant mes deux lames courtes contre mes dagues, il prend rapidement un carquois sur un homme et finit de le remplir avec celui du second. Je sors également mon baudrier avec mon épée dedans. Je l'accroche dans mon dos, mettant mon sac pas dessus. Matt, lui, est obligé de glisser son carquois dans son sac – étant trop épais pour le mettre correctement. Il laisse cependant son sac ouvert, pour qu'il puisse s'en servir à tout moment. Quelques craquements se font entendre.

- Tery, on décampe, vite, m'ordonne-t-il en regardant aux alentours. C'était des guerriers, ils étaient là pour moi.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il part en courant. Je le rejoins difficilement.

- Pourquoi ? je ne peux articuler que ce mot étant essoufflée par ce début précipité.

Lui aussi n'a pas assez de souffle pour sortir une phrase. Il se contente de me dire : plus tard. Je me demande pourquoi Le Conseil aurait envoyé des guerriers pour le tuer. En temps normal, lorsqu'une personne lambda s'enfuit Le Conseil ne prend pas la peine d'envoyer des unités. Il la laisse à son propre sort. Peut-être y a-t-il un rapport avec son Examen. Mais alors pourquoi vouloir le tuer et non le ramener ?

Perdue dans mes questionnements, je ne m'étais pas rendue compte que j'avais ralenti le pas. Ou alors c'est Matt qui l'a accéléré. Certainement les deux. D'ailleurs, il me rappelle à l'ordre en me criant de le rattraper. Il accélère encore un peu. Je m'oblige à me caler sur son rythme effréné. Sans prévenir, il change de direction. Il dévie sur la gauche. Nous nous éloignons progressivement de la rivière. Je commence à angoisser. Si nous perdons la rivière, nous perdons la ville. Si nous perdons la ville, je ne donne pas cher de notre peau. Pas plus de quelques semaines, je pense. Je stoppe la peur qui m'étreint. Il est extrêmement rare que Matt perdre son sang-froid comme maintenant pour laisser place à la peur. Il n'est pas rare qu'il s'énerve lorsqu'il est stressé justement, mais qu'il exprime de la peur c'est une autre histoire. Ma respiration est irrégulière. Il faut que j'arrange cela.

Inspire. Expire. Expire. Inspire. Expire. Expire. Inspire. Expire. Expire.

Concentre-toi Tery.

Inspire. Expire. Expire.

Des foulées régulières.

Inspire. Expire. Expire.

Une respiration régulière.

Inspire. Expire. Expire.

S'il y en a d'autres, il faut les semés.

Inspire. Expire. Expire.

Brusquement, Matt bifurque à droite. Je me forme à être sereine. La panique ne fait qu'empirer les choses.

Concentration.

Régulier.

Ne pense pas, il faut économiser ses forces.

Inspire. Expire. Expire. Inspire. Expire. Expire. Inspire. Expire. Expire.

Peu à peu, nous nous approchons de la rivière. Nous avons zigzagué. Matt longe la rivière. D'un coup, il bifurque, mais à droite cette fois-ci. Oui, j'y vois bien. Il court vers l'eau. Il veut traverser la rivière. Je le suis. J'ai du mal à avancer avec le courant. J'ai soif. Je force, mais peine à traverser. Après un court instant d'hésitation. Je plonge mes mains vers l'eau. Malgré les reproches de Matt qui fusent vers moi, je bois de grandes gorgées. Une pierre dépasse de l'eau. Je monte dessus et saute jusqu'à l'autre rive. J'atterris de justesse. J'ai failli tomber. Nous nous enfonçons alors dans ce côté-ci de la forêt.

J'ai l'impression de concourir pour une course de vitesse, sauf que celle-ci ne semble pas avoir de fin. Mes jambes me brûlent. Mon dos aussi. Mes pieds sont endoloris. Mais il faut continuer. Mes poumons sont en feu. Et je lutte pour faire partir deux points de côtés. Mais il ne faut pas s'arrêter. Si je m'arrête, je serai encore plus fatiguée. Il faut rester en action. Cependant l'idée de s'allonger est tellement alléchante. Que j'y réfléchis tout de même. Le crépuscule illumine le ciel.

Mon corps se raidit lorsque je sens une odeur putride. Je la reconnais immédiatement. Des créatures. Bizarrement, je n'ai plus aucune envie de m'allonger ici. Sans demander notre reste, nous accélérons la course. Inutile de préciser qu'une bataille avec quelques créatures, maintenant, n'est pas bon à imaginer. Nous faisons attention où nous posons les pieds. Malgré nos efforts, nous faisons du bruit. Cependant celui-ci est camouflé par celui de la rivière.

Rapidement, nous semons cette odeur. Il fait nuit. Seule la lune nous permet d'avancer.

Nous ne continuons pas notre course encore très longtemps, à mon plus grand plaisir. Juste le temps de mettre une bonne distance de sécurité entre les créatures et nous.

- On va se reposer. Si nous continuons, on risque d'être trop fatiguer pour pouvoir tout récupérer avant le jour.

- Je ne sais pas si j'ai assez de force pour faire le premier tour de garde, je murmure en m'asseyant.

- Moi non plus, avoue-t-il.

Inutile d'en rajouter plus. Nous savons que nous ne sommes pas capables de dormir à tour de rôle pour cette. Nous n'avons pas vraiment le choix. Il va falloir faire sans garde et prier pour que personne – créature ou guerrier ne nous trouve.



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