J'entends mon sang battre à mes tempes et mes poumons lutter pour récupérer le plus d'air possible. Mes cuisses se tendent sous la différence de vitesses adoptées. Je décélère. Encore. Jusqu'à m'arrêter. La végétation reste semblablement la même malgré les kilomètres déjà parcouru. Je m'attendais à voir d'innombrables paysages différents, mais au final, le monde est plus vaste que ce que j'aurai pensé.
L'après-midi touche à sa fin et le crépuscule sera bientôt là. Mais apparemment le section de Victhorion a pour habitude d'établir un campement avant la tombée de la nuit. Alors, nous suivons ce rythme et restons à l'écart. Avant que nous nous installions pour manger, profitant de la lumière que le soleil nous apporte pour ces dernières minutes, je prends Matt à part.
- J'ai une faveur à te demander.
- Je t'en prie, dis-moi.
- J'aimerai que tu arrêtes de te comporter comme un abruti avec Wyden.
- Tu es vraiment en train de me traiter d'abruti ?
Il croise les bras, vexé et blessé. Je ne m'adoucis pas pour autant et c'est important qu'il le comprenne.
- Nous avons assez de personnes à dos comme cela, il faut que nous soyons soudés. Et tes petites gamineries nous empêchent de l'être.
- Ce ne sont pas des gamineries, j'ai mes raisons.
- Bien, alors vas-y je t'écoute.
Je lève la tête, toujours l'expression dure et sérieuse.
- Je ne l'aime pas.
Je lève les yeux au ciel en pouffant. Je secoue ma tête de gauche à droit, mais il n'est pas possible. Avant que je ne dise quoi que ce soit, il reprend la parole.
- Je vois bien comment il te tourne autour.
- Arrête tu dis n'importe quoi. Et puis même, cela n'a pas d'importance.
Il ne dit rien et me regarde fixement, les sourcils froncés.
- Je déteste quand tu es possessif comme cela et tu le sais très bien.
- Je te protège, c'est tout.
- Je suis assez grande pour me protéger toute seule ! Wyden n'a rien fait de mal.
- Mais il va le faire.
- Tu ne le connais pas.
- Toi non plus.
Nous restons là, tous les deux, à nous toiser comme deux gamins. Je croise mes bras. Je le fixe sans broncher. Il m'agace à faire cela. Sérieusement, nous devons vraiment avoir l'air de deux débiles, mais je n'en ai rien à faire. Je sais que j'ai raison de lui tenir tête.
- On ne va pas rester indéfiniment comme cela, dit-il. tu sais que j'ai raison.
- Tu as tort.
Jonas nous appelle, mais aucun de nous ne bouge ni même détourne le regard. Jonas s'approche et nous redemande de venir manger, mais nous restons de marbre. Il passe plusieurs fois la main devant nos yeux, mais c'est plus énervant qu'autre chose. Cependant, je ne serai pas celle qui détourne le regard pour lui en lancer un meurtrier.
- Vous me saoulez là !
Jonas nous pousse alors violement sur le côté et part. Par réflexe, nous décroisons les bras et, par la même occasion, quittons notre jeu de regard. Je souffle. Lui aussi. Il le regarde avec insistance et et il hausse les sourcils, indifférent. Alors je le supplie avec mes yeux et il lève les siens au ciel.
- Tu ne peux pas te comporter avec quelqu'un comme cela juste parce que je m'entends bien avec lui. Je ne vais pas rester seule, avec toi, toute ma vie.
Ma voix s'est adoucie. Nous allons essayer de calmer le jeu.
- Je le sais.
- Alors arrête cela. Tu fragilises notre petit groupe. Ils sont déjà dix fois plus nombreux que nous, alors si tu sèmes la discorde entre nous s'en est fini.
Il souffle lentement en fermant les yeux. Il prend sur lui. Matt me fait signe d'approcher et il me prend dans ses bras. Il pose son menton contre ma tête. Je le serre, mais ce n'est pas pour autant que j'abandonne mon idée.
- Ce n'est pas avec un câlin que tu vas m'amadouer.
Un petit rire sort de sa bouche.
- Ça je le sais bien.
Il se laisse aller contre moi avant de prendre à nouveau la parole.
- Je n'ai pas voir des hommes te tourner autour. Même si nous n'avons pas les mêmes géniteurs, tu restes ma sœur et c'est normal que je veuille te protéger.
Intérieurement, je fonds à ses paroles.
- Mais ce n'est pas comme cela que tu vas m'aider, bien au contraire.
Il hoche la tête et je m'écarte de lui. C'est bon, il va prendre sur lui et faire un effort. Je le remercie d'un baiser sur sa joue. Enfin, nous rejoignons les deux soldats. Et pour la première fois, ce court repas se déroule dans une ambiance détendue et ponctuée de rires. C'est le plus beau cadeau qu'il pouvait me faire. Le sourire aux lèvres, je vois le crépuscule se bousculer.
Je marche, tourne en rond sans trop de but. Matt est absorbé par la lecture de sa carte, Wyden s'est éclipsé à la rivière pour se laver et Jonas s'amuse avec son arme, perdu dans ses pensées. Je m'assois près de ce blondinet. Il contemple son couteau, le faisant tourner entre ses doigts. Son visage est paisible.
- Tu vas bien ? Je sais que cela est la première fois que tu pars plusieurs jours de Lowick.
- J'ai toujours voulu faire ça et c'est encore un peu tôt pour que mes parents commencent réellement à me manquer.
Il me sourit en me disant de ne pas m'en faire. Mais cela fait un moment que je n'ai pas parlé ou plaisanté avec lui. Il ne parle pas trop quand nous sommes tous ensemble, et quand il le fait c'est soit pour détendre l'atmosphère soit pour redresser une situation. Pourtant, comme cela, il semble à l'aise.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Jonas me questionne. Tu me regardes bizarrement.
Il esquisse un sourire en approchant son visage du mien comme s'il pouvait obtenir une réponse en la lisant dans mes yeux. Je secoue la tête.
- Je me demandais si tu te sentais bien dans notre petit groupe.
Il hausse les épaules.
- Ton ami, Matt, est vraiment sympa avec moi. On rigole bien.
Un sourire illumine son visage. Je le regarde de manière suspecte. Ne me dîtes pas que Jonas aime bien Matt de la façon dont je pense. Il intercepte mon regard et prend un air surpris.
- Quoi ? Non pas comme ça !
J'hausse mes sourcils.
- Non, je... En fait je t'ai menti.
Il affiche une petite mine. Sur quoi m'a-t-il menti ? Je le questionne du regard, l'encouragent à poursuivre. Il ne peut pas juste s'arrêter là. Jonas se replace correctement contre le tronc d'arbre et prend une grande respiration. Je vois ses épaules s'abaisser tandis qu'il expire.
- Et bien je ...
- Jonas si tu veux te laver c'est maintenant ou jamais parce que je prendrai pas ton tour de garde pour que tu puisses te nettoyer tranquillement dans la rivière, lance Wyden le coupant dans sa phrase.
Il se tourne vers moi et recommence sa phrase mais Wyden le rappelle à l'ordre. Alors il se lève. Il ne va pas me laisser comme ça ! Je lui attrape le poignet et lui lance le regard le plus insistant que j'ai en stock. Il me fait une moue désolée.
- On en parlera plus tard, d'accord ?
- J'espère bien !
Je le lâche alors et le laisse s'éloigner.
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Guerrière
Science Fiction2183, Westen : 2 751 habitants Cela fait maintenant un siècle qu'un virus a contaminé la majeur partie de l'espèce humaine, les mutant en créatures ignobles. Westen, ville entourée d'immenses murs la protégeant, est dirigée par un système sexiste et...