30. Lesly (part. 4)

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Un bruit éclate. Je le maintiens. Mon coude appuie sur son thorax et mon corps le bloque. Après quelques secondes, je lâche la pression de ma main sur son poignet. Je me redresse et lui tends la main. Il accepte. Il pose sa paume sur son épaule avec laquelle il fait des rotations.

-        Soit je suis vraiment rouillé, soit tu t'es vraiment améliorée.

-        C'est les deux, si tu veux mon avis. Il faut dire que j'ai eu un bon professeur.

-        On recommence ?

-        Désolée de te décevoir, mais l'heure est déjà dépassée. Direction la douche !

Une fois dans les vestiaires, Matt ouvre grand les yeux.

-        Tu ne m'avais pas dit que les vestiaires étaient mixtes, enfin une ville qui a des bonnes idées !

Je ne réponds pas et lève les yeux au ciel. Je retire mes chaussures et mes vêtements en m'enroulant dans une serviette. Je m'avance vers une cabine de douche. C'est la dernière douche que je prends ici. Malgré tout, c'est assez nostalgique de se dire ce genre de choses. Même si ce n'est pas ce genre de vestiaire qui me manquera. Ce soir, nous partirons. Il faut que je prévienne Wyden que je ferai plus nos entraînements nocturnes. Je n'aurai qu'à lui dire que ce n'est plus la peine. Que à partir de ce soir je m'exercerai, la nuit certes, mais avec Matt.

Une fois rincée, je me sèche rapidement. Je m'assois sur le banc et commence à m'habiller, toujours entourée de ma serviette. Je vois Wyden s'approcher de moi.

-        Alors, ce premier entraînement avec ton co-équipier d'origine ? Il est pas trop abîmé ?

Je le regarde, lui, avec son sourire insouciant. Je fronce les sourcils.

-        Tu ne veux pas me poser ce genre questions plus tard ? Ce n'est pas trop le moment, là.

Il lève les mains en évidence et recule jusqu'à se retourner. Un petit sourire se dessine au coin de mes lèvres. En fonction des moments, il peut être très sérieux, et à d'autres ne pas du tout faire attention à ce qu'il entoure, de façon presque immature. Je me dépêche d'enfiler un short et un débardeur. Je me chausse et récupère mes affaires. Je m'avance vers la sortie en le bousculant gentiment. Il me remarque alors et me suit.

-        Alors ?

-        Je l'ai battu à chaque fois.

-        Ah ! C'est grâce à moi ça.

-        Tu n'es pas étouffé par ta modestie toi.

Tandis qu'il commence à débattre sur lui-même et ce qu'il a pu m'apporter, je regarde la sortie courir vers nous à grands pas. Et je me dis que je la passerais pour la dernière fois. Je veux retarder ce moment. Je le coupe et m'arrête de marcher.

-        Au fait, ce n'est pas besoin de venir ce soir. Je vais continuer à m'entraîner, mais avec Matt.

Il ne dit rien et me fixe.

-        Tu m'as déjà appris beaucoup de choses, mais c'est important de s'exercer avec le bon co-équipier.

-        Je vois.

Il se mordille l'intérieur de la lèvre. J'aimerai bien le remercier, pour tout. Mais cela ferait trop adieu, et mon but n'est pas de l'informer de notre départ. Alors, pour éviter qu'il se pose des questions, ou qu'il ne m'en pose, je lui claque une bise sur la joue comme à notre habitude.

-        A demain, je le salue et m'effaçant une dernière fois par la porte de la Caserne.

Sur le chemin du retour, tous les trois, parlons de tout et de rien. Même si Jonas n'est pas au courant, je profite de ces derniers moments. Quand nous arrivons devant la porte, je bloque le passage de Matt. Nous sommes tous les deux dehors, j'ai fermé la porte. Je l'entraîne à l'ombre de la maison d'en face. Il me questionne du regard. Je lui prends les mains et il se laisse faire.

-        Je sais comment nous libérer de cette traque.

Avant qu'il ne me coupe pour me dire que ce n'est pas la priorité et que nous devons nous préparer à partir, je lui lance un regard entendu. Il ne dit rien.

-        Nous avons besoin de quelque chose dont Le Conseil ne peut pas se passer. Une chose, unique, qu'il cherche. Quelque chose d'assez important et urgent pour que, malgré la tension actuelle, Le Conseil fasse partir ses meilleurs guerriers et en nombre conséquent.

Je vois dans ses yeux que, même s'il ne sait pas que quelles tensions je parle, il a compris où je voulais en venir.

-        Le remède.

-        Exactement. Les guerriers ont quatre jours d'avance, mais nous pouvons les rattraper. Il suffit qu'on arrive avant eux et que l'on prenne possession du remède. L'Aîné acceptera notre liberté contre l'unique liquide qui peut sauver la vie de son hériter, soit de vingt-quatre ans de formation intensive.

Un sourire si beau, si sincère, si pur, écarte les lèvres de Matt. Il me prend dans ses bras et me serre fort contre lui. Je colle ma tête contre son torse et passe mes bras autour de lui. Son souffle chaud me rassure. On réussira et tout se passera bien. Mais pour l'instant, il faut partir. Partir de cette ville. Partir sans dire aurevoir. Partir pour vivre. Peu importe la raison ou la manière la plus importe, le résultat reste le même. Et ce résultat prend effet ce soir.

Nous rentrons à la maison. Ce soir, je souris et ris à table alors qu'au fond de moi je suis brisée de savoir que je vais devoir quitter à jamais ce foyer. La seule vie de famille que je n'ai jamais eu. Je suis restée 20 jours ici, baignée dans cet amour familial. Et c'est ce qui me manquera le plus. Et cette sensation est renforcée par le fait que je ne pourrai pas leur dire aurevoir. Pas leur laisser un mot. Pas une explication. Ils devront se contenter de ce que racontera Lesly et Tray. Avec tout ce qu'ils ont fait pour moi, je ne suis même pas capable de leur laisser une lettre d'adieu. Ils seront déjà assez mêlés comme cela à notre disparition ; fuite, peu importe le mot qu'ils emploieront.

Cette fois-ci, avant de monter me coucher et que Jonas ne parte pour son tour de garde, je leur fais tous un gros baiser dans lequel j'y mets toute ma reconnaissance et mon affection. Matt est encore autour de la table à converser avec Gabany. Lorsque je suis dans ma chambre, je prends mes affaires de soldats et les étends sur une chaise. Lorsque je déplie ma veste à bouton doré, je la secoue bien dans tous les sens. Je ne veux pas qu'il y ait la moindre poussière. Soudain, un papier tombe d'une des poches. Je le regarde et pose ma veste. Je le déplie et trouve un nombre inscrit dessus. Je fronce quelques instants les sourcils avant de comprendre. Je me tourne dans la direction de la salle à manger. Même si des murs et un étage nous sépare, je me sens proche de Gabany. Je souris, le remerciant en silence. Lorsque je penche à nouveau mon regard vers l'inscription faite à la vas-vite, je comprends que c'est une date. 2175. Je ne sais pas quel événement a eu lieu, mais je connais sa date. Date qui m'est familière. Tristement familière. Mon cœur fait un bond, puis se sert. Je reste bloquée sur place. J'ai du mal à respirer. Mon cerveau a du mal à fonctionner. Je n'arrive pas à faire de rapprochement probable. Pas que je ne veuille réaliser. Mes mains font trembler le bout de papier. Pourquoi cette date ? Pourquoi j'ai l'impression, qu'au final, je ne sais rien de ce qui m'a entouré tout au long de ma vie ? Pourquoi est-ce que Gabany ne m'a pas concrètement répondu ? Et puis, surtout, pourquoi la date de la mort de mes parents est écrite sur ce bout de papier ?

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant