12. Une Douche Froide

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PREMIER SEIGNEUR : La trame de notre vie est tissue à la fois de bien et de mal. Nos vertus seraient fières si nos fautes ne les flagellaient pas ; et nos vices désespéreraient s'ils n'étaient pas relevés par nos vertus.

William Shakespeare, Tout est bien qui finit bien.


Une brise souffle, faisant crisser les feuillages. Le vent berce les plus jeunes branches dans un lent rythme régulier. Les teintes bleus marines du ciel ont été saupoudrées d'un voile azure. Mes paupières sont lourdes, mais refusent de se fermées. J'imagine sans problème de grands cernes venant embrasser mes yeux. La fatigue a endormi mes membres. Je meurs de chaud et ma vision se trouble par spasme. J'apporte ma main à mon front trempé de sueur. Je suis brûlante. Une vilaine fière s'est installée en moi durant les dernières heures. Cependant, mon ventre est beaucoup moins douloureux. Cela est certain, ces baies resteront mes pires ennemies dans cette forêt.

Néanmoins, le soleil va bientôt se lever et je serai plus vulnérable, plus facilement visible. Je vais dès maintenant commencer à marcher le long de la rivière. Mieux vaut être en avance qu'en retard, surtout que cette fièvre risque de me faire perdre du temps. 

J'inspire un grand coup et fais passer ma jambe gauche à côté de ma droite. Je viens poser mes deux mains sur ma gauche et m'apprête à amorcer ma descente. Au moment où je fais basculer mon bassin dans le vide j'enroule mes bras autour de la branche. Suspendue dans le vide, je balance mes jambes engourdies vers une branche plus basse. Je pose mes deux pieds dessus.

Ma vue se trouble soudainement. Je plisse rageusement mes paupières pour les rouvrir ensuite en râlant. J'essaie de recouvrer une visibilité normale avec grande difficulté. Tout à coup, tout redevient clair sans aucune explication mais je ne vais pas m'en plaindre. Alors, rassemblant toute ma concentration, je m'élance entièrement sur cette branche pour y atterrir accroupis. Malgré l'effort, je répète l'opération plusieurs fois.

Arrivée en bas, je peine à rester debout. Mes battements de cœurs sont affolés et ma tête tourne. Mais je ne sais si cela est dû à la fatigue, à la fièvre ou bien à l'effort. Avoir des connaissances en médecine m'aiderait beaucoup. Je m'approche lentement de la rivière et me jette à genoux devant elle. Je plonge mécaniquement mes mains dans son eau et l'apporte à mon visage. Grâce au froid, j'essaie d'apaiser la fièvre qui m'habite, seulement cela réussit juste à rendre ma migraine plus présente. J'arrête alors et bois avant de me relever.

Je marche doucement le long de la berge. Au moins, je ne me perdrais pas dans cette pénombre. Pas à pas je traverse les buissons. Arrivée à l'aurêt de la forêt, j'aperçois la grande plaine qui borde ma ville. D'ailleurs, dois-je dire "ma ville" ou "leur ville" ? Je ne sais pas si je peux encore me considérer comme une habitante de Westen.

Le soleil va se lever d'une minute à l'autre et je préférerai ne pas être vue par la majorité des gardes. Je n'aime pas les regards hostiles. Je m'avance alors dans les herbes hautes. A plusieurs reprises, ma vue se brouille mais elle s'éclaircit très rapidement par la suite. Cela m'agace fortement. Je ne vais pas me laisser abattre par de simples baies tout de même ! Je me mets à trottiner. N'est-ce pas moi qui disais que le sport m'aidait à y voir plus clair, à me sentir mieux ? 

Mes foulées s'agrandissent encore et seul le bruit des herbes à moitiées sèches me parvient. J'ai traversé la moitié du champ et ma migraine s'est calmée. Je vois le mur se rapprocher de plus en plus. J'y suis presque. Ma vue se floute. Encore un effort. Je me rapproche encore de la berge. Je ralentis le pas pour finir à l'arrêt à quelques dizaines de centimètres du mur. Je pose mais paumes à plat contre cette surface fraîche. Puis, dans un souffle, je me laisse glisser au sol.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant