25. L'Entretien

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Aime tout le monde, ne te fie qu'à bien peu.

William Shakespeare, Tout est bien qui finit bien.



Je n'écoute que d'une oreille ce que dit le professeur. Je fixe l'horloge en face de moi. Dans quelques minutes, cela va sonner. Dans quelques minutes, j'aurai fini mon éducation. Dans quelques minutes, je ne reviendrais plus ici. Le petit homme svelte qui enseigne aux autres un nouveau sujet de biologie ne fait pas attention à moi. Il sait que je connais déjà ce chapitre grâce à mes heures d'études le soir. Plus que deux minutes. Je suis attendue chez la dirigeante de Lowick après avoir terminé les cours. C'est pourquoi mes affaires sont déjà rangées lorsque la sonnerie nous assourdit.

Après un salut général, je traverse les couloirs en direction de la sortie. Avant le dernier tournant menant à la rue, une voix m'appelle. Dans la cohue, j'aperçois Chreas. Il me fait signe de l'attendre. Alors qu'il se fraie un chemin vers moi, je viens à sa rencontre. Il me sourie sous ses cheveux mal coiffés. Je lui renvoie son sourire.

-        Tu comptais pas partir sans me dire au revoir j'espère !

-        Non, bien sûr que non ! je rigole ironiquement.

-        J'ai appris que c'était ton dernier jour, alors j'te souhaite... je ne sais pas, tout ce qu'il y a de mieux.

-        Toi aussi et de la patience parce que tu dois en avoir besoin avec tous ces élèves.

-        Ouais, mais ce ne sont pas de mauvais garnements, affirme-t-il en ébouriffant les cheveux du dernier enfant quittant sa classe.

Il sourit tandis que l'élève rouspète après lui. J'ai vraiment été chanceuse d'avoir eu ce professeur. Je l'adore. Il me fait la bise et me laisse partir. Après un signe de main à son intention, je disparais au tournant pour enfin abandonner l'établissement scolaire multicolore.

Je suis de moins en moins les panneaux, connaissant le chemin vers le centre de la ville où se situe les infrastructures administratives. Tandis que je marche, je repense à ce que Matt m'a dit il y a de cela deux jours. Il faudrait quand même qu'il m'en reparle pour éclaircir la chose. Si les guerriers nous recherchent, ils doivent savoir que nous sommes dans cette ville, peut-être sont-ils dehors à nous attendre. Cependant, si Westen et Lowick sont en guerre, est-ce que Lowick prendrait le risque de voir apparaître de nouveaux conflits à cause de deux étrangers ? Je ne pense pas. Alors peut-être que les deux villes pourraient faire un arrangement entre-elles pour que nous soyons livrés au Conseil. Mais pour cela il faudrait déjà qu'il y ait un dialogue entre elles, ce qui n'a pas l'air d'être le cas. Mais si cela arrivait ? Cela veut dire que l'on devrait quitter la ville, mais pour aller où puisqu'ils nous traqueraient ?

Différentes idées et solutions improbables me viennent en tête lorsque j'arrive à destination.

Un haut bâtiment décoré de sculpture se dresse devant moi. Je n'y avais pas fait attention lors de ma première venue. Je n'étais pas en état... En repensant à ce moment, à tout ce sang sur moi, ma gorge se noue. J'ai beau prendre une profonde respiration, j'ai du mal à faire disparaître ce nœud. A mon entrée, un homme et une femme – des forces me demande la raison de ma présence.

-        Lesly m'attend.

Cette simple réponse leur suffit apparemment puisqu'ils me laissent passer. Je monte les escaliers jusqu'à me trouver devant une belle porte bordée de graphiques taillés dans le bois. L'écriteau m'indique que je suis au bon endroit. Je signe ma présence par trois coups portés sur ces deux battants dignes d'une œuvre d'art. Une voix d'autorise l'entrée. Je pénètre dans la pièce en poussant les deux battants sur mon passage. Lesly est assise en face de moi et m'invite à faire de même. Un grand homme blond que je connais être le général est debout à sa droite. Son air blasé ne le quitte pas à ce que je vois. J'en glousse intérieurement.

-        Bonjour Theresy, tu sais pourquoi tu es ici ?

-        Evidemment.

-        Bien, commence-t-elle en appuyant son coude sur l'appuie de son fauteuil.

Dans son mouvement, ses cheveux immaculés ondulent en reflétant le peu de soleil de cette après-midi nuageuse. Ses yeux semblent ailleurs, comme si elle pensait à autre chose. Comme si derrière cette conversation, elle devait répondre à une toute autre question que seule elle connaît.

-        J'ai eu le rapport de tes professeurs qui sont satisfaits de ton travail et les derniers ont décrété que tu avais terminé ton éducation. Gabany, le médecin de ton ami, m'a dit que Mattelos était en bonne voie de guérison et qu'il fallait encore attendre une semaine pour qu'il ait retrouvé sa complète mobilité et ses aptitudes.

Son flot de paroles me donne l'impression qu'elle en a marre de toujours faire ce genre de compte rendu et que peu importe ce qui va suivre, elle sait déjà comment va se finir notre entretien.

-        Alors maintenant la question qui se pose est ' qu'est-ce que tu vas pouvoir faire cette semaine ?'.

Son hochement machinal de tête semble vouloir me convaincre qu'elle se pose cette question en ce moment, ce qui n'est certainement pas le cas.

-        Tu vois, jusqu'à avant-hier, je comptais te demander de travailler dans nos champs à au Sud-Est de la ville pour que tu rembourses les soins de ton ami, en quelque sorte, réfléchit-elle en me donnant la mauvaise impression que sous ce 'quelque sorte' il y a beaucoup plus. Mais... ce n'est pas le cas.

Elle se redresse brusquement sur son siège et aplatit ses paumes sur le bureau de bois. Je la regarde, intéressée. J'aimerai beaucoup que cela ait un rapport avec mes tests, mais je ne pense pas que le général ait apprécié ma prise de décision vers la fin.

-        Mais, tu ne sembles pas du même avis. Parce-que tu as demandé que Tray te fasse passer des tests pour entrer dans les forces de Lowick, étonnant non ?

Je ne précise pas que c'est en fait Jonas qui a pris cette initiative. Sa question reste en suspend, je ne compte pas y répondre. Elle connaît ma réponse. A la place, je monte ma main à la base de mon cou en penchant la tête. Mes sourcils se froncent dans une moue curieuse.

Lesly fait signe au général – alias Tray de prendre la parole. Il s'éclaircit la voix. Inconsciemment, il commence à faire les cent pas dans la salle.

-        Suite à ces trois tests prolongés, il débute en me lançant un regard entendu, j'ai remarqué plusieurs choses. Tout d'abord, ton stress te fait perdre tes moyens et c'est une très mauvaise chose. Tu as des côtés impulsifs. Tu donnes l'impression de mener des conflits intérieurs et ça te joueras de très mauvais tours. Tous ces affreux éléments me poussent à te refuser.

Il fait une pause autant dans son compte rendu que dans sa marche. Il a l'air de chercher ses mots ou de la tournure de la situation.

-        Par contre, tu as de bonnes aptitudes autant dans la course, le combat, que le lancé de couteaux. Et je serais stupide de ne pas prendre en compte ce dernier point.

Son avis est mitigé, et mon ressenti en est tout autant. Je pense, ou j'espère du moins, qu'il va pencher en ma faveur. Mon cœur bat à tout rompre dans mes tempes. J'attends. Encore. Il se décide ? Je trépigne d'impatience et je ne peux empêcher ma jambe gauche de tressauter.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant