42. Quatre Chiffres

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Oh ! Combien ce monde de jours ouvrables est encombré de ronces !

William Shakespeare, Comme il vous plaira

J'avance à tâtons à la suite de Matt. Je me demande alors comment une pièce aussi sombre a bien pu être conçue. Peu importe quels mystères elle regorge, je ne pense pas que nous puissions en retirer quelque chose. Une odeur étrange, que je n'ai jamais senti nulle part ailleurs, me pique les narines. Elle est aigre, ancienne, et travaillée : quelque chose à vous faire tourner la tête. Mes doigts prennent appui sur le chambranle, gardant un repère dans ce trou noir. Ma main gauche glisse alors sur le mur, survolant les contours de cette pièce. Alors que je m'attendais à sentir une paroi rugueuse, je découvre alors un matériau lisse et d'une fraîcheur surprenante vue la canicule hivernale de ces derniers jours. C'est alors que mes doigts rencontrent un rehaussement. Il y a quelque chose sur ce mur. Mes mains viennent encercler cette chose d'un matériau bien différent. Mon indexe relève chaque particularité de ceci en glissant au-dessus. Jusqu'à ce que j'appuie un peu trop fort. Je réprime alors un cri lorsque je deviens aveugle, éblouis par une lumière blanche bien trop forte. Me cachant les yeux, je calme mes battements frénétiques de cœur. Rien de plus ne se passe. Aucune alerte, aucun bruit, aucun écroulement. Je lève alors les yeux, m'adaptant petit à petit à l'éclairage excessif

Dans une vision floue, je distingue Matt accourir près de moi pour fermer la porte.

- Je vois que tu as trouvé l'interrupteur, sourit-il comme si ce jour était le plus beau de sa vie.

- Le quoi ?

- Cela est sûr maintenant. Je ne sais pas comment cela est possible mais cette pièce est alimentée en électricité. C'est la première fois que je vois la magie de cette énergie.

Un sourire béat se dessine sur son visage. Suivant son regard, je vois un grand carré incandescent au plafond. Les yeux m'en tombent. Comment cela est-ce possible ? Telle une enfant, mes doigts pressent de nouveau ce bouton. Instantanément ce feu s'éteint, nous jetant dans l'obscurité. Puis de nouveau, j'allume la lumière. Un soleil emprisonné dans un carré. Décidément, les hommes de l'Ancien Temps étaient bien plus performants que nous ne le seront jamais. Soudain, un hurlement déchire l'atmosphère.

- Theresy. Le remède.

Me rappelant à l'ordre, je me précipite dans ce décor artificiellement lumineux pour chercher notre passe vers la liberté.

Mes doigts parcourent le plan de travail recouvert de carreaux anciennement blancs, laissant quelques traces dans la poussière. Seulement, je te tombe que sur d'anciens bocaux vaseux avec des noms trop complexes pour être utilisés dans le langage courant. Mais aucune fiole. Tandis que mes mains, pressées, continuent de décaler différents objets, mes yeux ne peuvent s'empêcher de lancer des regards indiscrets à une sorte de grand placard. Je voulais procéder par étape, étagère par étagère, tiroir par tiroir, afin de ne rien oublier. Mais je suis sûre que cette machine regorge de secrets. Je lâche alors tout ce que je tiens, me redresse et m'approche. Une main sur la poignée, je tire. Le battant résiste. Un rapide coup d'œil m'indique qu'un gros carré cuivré cèle ce rangement. J'appelle alors mon meilleur ami. Je crois que nous avons ce que nous cherchons.

- Un cadenas à chiffres.

Matt me lance un regard.

- Tu as une idée de la combinaison ?

Je secoue la tête. Je n'ai aucune idée de ce que cela pourrait bien être.

- Et toi, tu ne te souviens pas avoir vu une suite de quatre chiffres quelque part ? Même si cela pouvait te paraître... anodin, dis-je en me souvenant d'un bout de papier que m'avait fait passer Gabany.

Je me penche immédiatement au-dessus de cette petite machine en composant un code. Deux. Un. Sept. Cinq.

- L'année de mort de ton père ? Sérieusement Tery...

Je coupe Matt d'un geste plein d'espoir et lui rétorquant que je lui expliquerai. Seulement, rien ne se produisit. Tout compte fait, c'était débile d'avoir pu penser que cela marcherait. Pourquoi ça aurait pu fonctionner ? Mais pourquoi Gabany m'avait glissé ce papier avec comme unique inscription cette suite de chiffre ? pensé-je.

- Tu penses à une date ?

Matt acquiesce. Ses doigts se posent sur les rouages du cadenas. Deux. Zéro. Sept. Six. 2076, la fin de l'Ancien Temps, bonne idée. Mais rien ne se produit. Retentant sa chance, Matt fait tourner à nouveau tourner les rouages numérotés du cadenas. Deux. Zéro. Neuf. Quatre.

- Deux-mille-quatre-vingt-quatorze, le début de l'Ere Nouvelle. Tu penses vraiment que ce code correspond aux grandes dates comme celles-ci ?

- Ce sont les plus importantes, Matt hausse les épaules.

Pendant que mon binôme s'acharne sur ce petit bout de métal, je regarde autour de nous dans le but de trouver un indice. Je m'approche des bocaux et les inspecte à nouveau. Rien n'a changé depuis la dernière fois que je les ai vu, pourtant cette fois-ci une idée m'apparaît comme une évidence. Je referme les tiroirs et attrape les pots déposés sur le dessus du plan de travail. Je retourne chaque bocal au nom imprononçable. Quelques inscriptions sont gribouillées sous chaque pot. De multiples initiales suivies de quatre chiffres séparés d'un point. MELAIMP 04.79 sous le premier ; MELAIMPo 11.78 sous le deuxième ; MELAIMP 01.79 ; MELAIMPV 10.79... parmi de nombreux autres bocaux.

Je dépose en vitesse ceux-là et pousse Matt pour prendre possession du petit boîtier. Je compose alors une combinaison. Quatre chiffres. Qui, dans un clic, ouvrèrent instantanément le cadenas.

- Deux, zéro, sept, neuf... Deux-mille-soixante-dix-neuf. Pourquoi cette date ?

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant