16. Agitations Nocturnes

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Nous sommes de la même étoffe que nos songes - Et notre vie infime est cernée de brouillard...

William Shakespeare, La Tempête


Mon père se tenait sur le pas de la porte, sa tenue de guerrier en piteux état et ses armes accrochées un peu partout. Je m'empêchai de crier de joie et de courir vers lui, je ne devais pas savoir qu'il était là puisque je ne devrais pas être en haut de l'escalier à guetter cette situation. Par contre ma mère ne se gêna pas. J'avais les larmes aux yeux. Cela faisait plusieurs longs mois que je ne l'avais vu. Je mis mes mains sur ma bouche pour ne pas faire de bruits.

Mon père, grand homme d'une carrure imposant écarta ma mère pour aviser la situation qu'il venait d'interrompre. Il se tourna vers l'autre homme qui alors parut beaucoup moins impressionnant.

-        Etharius, que fais-tu ici ? s'exclama mon père enjoué.

-        Mattelos a délibérément enfreint une de nos lois. Il a saccagé des livres éducatifs.

Mon père prit le manuel des mains de Matt et observa. Puis le reposa et posa une main sur l'épaule de l'homme. Celui-ci sursauta.

-        Ce n'est qu'un enfant et ce n'est rien de grave voyons. Sinon, comment vont les affaires du Conseil ? Vous avez résolu le problème des champs ?

Etharius acquiesça, les sourcils froncés. Apparemment il n'appréciait pas la tournure des événements.

-        Voudrais-tu faire part à l'Aîné que je souhaiterai obtenir une audience prochainement, merci.

Tout en parlant il le raccompagna jusqu'à l'entrée. Il le poussa gentiment dehors et ferma la porte. Puis, il se retourna vers nous. Et c'est alors que je...


Je me réveille en sursaut pas un hurlement. Le soleil n'estpas encore levé. Je mets quelques temps à réaliser quelle situation se déroule devant moi. Matt vient de se faire entailler le biceps gauche. Je me lève brusquement. Empoigne mes deux dagues et fonds sur la créature. En quelques coups, elle s'effondre. Matt court alors vers son sac, le prend et me crie de faire de même.

-        Il y en a d'autres qui viennent ! m'avertit-il.

Sans perdre une seconde, nous nous mettons à courir le plus vite possible. Sans réfléchir, nous fusons au travers de la forêt. Evitons les arbres. Mes foulées sont d'une rapidité étonnante. Grâce à l'adrénaline provoquée, je réussis à ne pas énormément me laisser distancer par Matt, beaucoup mieux entraîné que moi. Mes pieds martèlent le sol avec frénésie. Mon estomac se retourne à cause de ce réveil mouvementé. Mais je ne m'arrête pas. Dans un élan, je me rapproche de Matt.

L'aube nous éclaire. Nous contournons un rocher. Je donne le meilleur de moi. Mes cuisses me poussent le plus loin possible. Elles me piquent. Nous retournons près de la rivière. La longeons. La traversons. Nous courons sur la rive. J'hésite à dire à Matt de se rabattre sur la terre, à gauche. Courir sur des galets me tord de temps à autre les chevilles. Cependant, il n'a pas l'air décidé à ralentir pour bavarder. Et mon souffle effréné ne me permet pas d'articuler un mot. J'halète. Mon cœur bat la chamade.

Bientôt, nous ralentissons. Nous reprenons notre souffle, cependant sans arrêter.

-        Pourquoi... la rive... et pas à... côté ? j'articule entre deux respirations.

-        Les créatures... elles n'aiment pas le soleil.

J'éclate – comme je le peux – de rire. C'est certainement nerveux, mais sur le moment je trouve cela absurde. Des créatures qui n'aiment pas le soleil – à présent complétement levé, comme moi qui n'aime pas le poireau.

-        Leur peau ne la supporte très mal si tu préfères, développe Matt.

J'hoche la tête. C'est pour cela que nous sommes près de la rivière. Puisqu'ici, le soleil n'est pas bloqué par les arbres, et il est reflété par l'eau. Là où il y a de multiples rayons de soleil, les créatures y sont vulnérables. Je comprends. C'est pourquoi lors de ma première rencontre avec l'une d'elles, elle n'était pas très réactive. Elle était affaiblie. J'aime de plus en plus cette rivière, étonnant non ?

Nous courons encore quelques temps avant de faire une pause. Je tente de calmer les battements de mon cœur. J'ai faim. J'ai soif. Mes muscles me brûlent. Je suis fatiguée. Mon regard croise celui de Matt et il reflète le mien.

-        Nous ne pouvons pas manger tout de suite. Il ne nous reste que trois viandes séchées. Sinon nous n'en aurons pas assez, m'informe-t-il sans que j'ai besoin de formuler une question.

Je regrette alors d'avoir mangé deux tranches de viande séchée, il y a deux jours. Je m'approche alors de l'eau. J'y plonge mes mains et les frotte en elles. Puis, les plaçant en coupe, j'amène l'eau à ma bouche. En me retournant, je vois Matt enlever sa veste.

-        Viens par ici, je vais te nettoyer ta plaie.

-        Ce n'est rien.

Je l'ignore et lève les yeux au ciel. Ce n'est peut-être rien maintenant, mais je n'ai pas besoin d'avoir des connaissances en médecine pour savoir que si elle s'infecte ce ne sera pas jolie. Je pose mes affaires, sors le désinfectant ainsi que le baume – au cas où et m'approche de lui. Je pose son bras sur mon genou relevé. Je me suis habituée aux différentes cicatrises sur son corps, mais cela me fait toujours bizarre. Elles témoignent des nombreuses fois où il aurait pu y rester. La plaie n'est pas profonde. Je désinfecte rapidement. Il faut prendre des précautions avec ce genre de choses.

-        Les tiennes vont mieux ?

Un petit sourire se dessine sur mon visage. A chaque fois qu'il s'inquiète pour moi, il me regarde comme cela. Il penche inconsciemment sa tête à gauche, avec un léger froncement de sourcils.

-        Pourquoi tu fais ce sourire ? ses yeux rieurs me questionnent alors que je secoue la tête. Laisse-moi y jeter un œil.

Je retire ma veste noire et tends mes bras. Les entaillent ont cicatrisé. Puis, il me retourne et remonte mon débardeur jusqu'à mon omoplate.

-        Alors ?

-        Bof. Passe-moi le baume.

Il me tend une main.

-        Il ne faut pas en abuser. Nous n'en avons pas beaucoup.

Il ne dit rien, mais me lance un regard par-dessus mon épaule l'air de dire « mais pour qui me prends-tu ? ». Je lui donne. Il m'en applique un peu et laisse retomber mon vêtement.

-        Pourquoi des unités guerrières veulent te tuer ?

-        Il faudrait que tu dormes un peu, tu es épuisée cela se voit sur ton visage. Rattrape la nuit que n'a pas terminer, je prends le tour de garde, me glisse-t-il avec un regard me faisant comprendre qu'il ne veut pas en parler.

Je capitule à contre-cœur. Si on nous tue, j'aimerai savoir pourquoi. Mais je ne refuse pas son offre. Dormir un peu ne me fera pas de mal. Je m'allonge sur le ventre pour laisser le baume faire son effet durant mon sommeil.

-        Réveille-moi si tu penses qu'ils nous ont retrouvés, je murmure avec de sombrer.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant