28. S.A.F.E.

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Fermez les portes sur l'esprit de la femme et il s'échappera par la  fenêtre ; fermez la fenêtre et il s'échappera par le trou de la serrure ; bouchez la serrure et il s'envolera avec la fumée de la cheminée.

William Shakespeare, Comme il vous plaira.



-        Tu étais où ? Je t'ai cherché partout ! J'étais morte d'inquiétude, tu n'as pas honte ?

-        Faeny, doucement d'accord, j'étais juste partie faire quelques tours du quartier pour bien me réveiller.

-        Pendant tout ce temps peut-être ? Mais oui bien-sûr et moi je suis la dirigeante !

-        Oui, juste cela et après je suis allée voir Matt. Tu sais que c'est aujourd'hui que l'on doit lui retirer ses points de suture.

Je vois dans ses yeux qu'elle ne me croit qu'à moitié, elle doute, mais cela me suffit. En tout cas, mon histoire est suffisamment crédible pour qu'elle veuille bien se calmer.

Avant que Gabany parte, il me demande de le suivre à la cuisine. Une fois hors d'écoute, il me sourit et murmure.

-        Je sais très bien que tu n'y étais pas, j'étais là-bas, moi, ce matin. Mais ne t'en fais pas, je ne lui dirais rien, il me fait un clin d'œil. Et pour la prochaine fois, évite de te retrouver bloquée dehors.

Avant que je ne réplique, il me coupe d'un geste.

-        Il y a une porte à droite derrière l'escalier qui menait à un débarra. Tu peux sortir par là.

Sur ce, il s'éloigne et, après avoir crié un aurevoir, il part. Je reste ébahie. Je marche lentement vers la salle de vie, puis monte les marches d'escalier en direction de ma chambre. Je me change et mets mes habits dans la panière de linge sale. Enfin, je claque un bisou sur la joue de Faeny pour me faire pardonner et sors. Je m'avance dans l'hôpital. Après avoir salué Natae, direction chambre 32. Je frappe et entre sans attendre de réponse. Matt a un air encore endormi lorsqu'il me fait un rapide signe de tête. Il s'assoit.

-        Je ne t'ai pas réveillé j'espère, dis-je ironiquement.

-        Je l'étais déjà.

Le drap est enroulé autour d'un de ses pieds et à moitié par terre. Je le plie correctement sur le bout du lit. Cela me donne l'impression d'être utile. Je m'assois en tailleur en face de lui, sur son matelas.

-        Tu me piques ma place, je n'y crois pas ! hurle-t-il au scandale.

-        Ils te les enlèvent ce matin, les points de suture ?

-        Exacte, d'ailleurs ils veulent aussi que je reste couché pour ne pas que ma circulation sanguine soit trop excitée. Ça n'a aucun sens. Au contraire, il faut une bonne circulation sanguine pour se rétablir correctement et puis j'en ai plus qu'assez de rester là toute la journée !

-        Allez, ne nous fais pas une petite crise, tu n'y seras bientôt plus.

-        Cela fait quand même vingt putains de jours que je suis ici.

-        Calme-toi, il t'en reste deux ou trois, au plus. Et puis tu es conscient depuis seulement une semaine.

Il se cale contre les barreaux de son lit. Il n'a pas l'habitude de rester allongé ou même assis toute la journée. Il allait dire quelque chose mais je le coupe avant. Je dois y aller, sinon je vais être en retard à la caserne. Je m'en vais et me mets en route. Oui, je ne l'ai même pas laissé me dire de quel sujet il voulait parler, mais à sa tête j'en ai déduit que c'était important. Très important. Il avait légèrement froncé ses sourcils, sa gorge était serrée et ses épaules crispées. Je n'avais pas le temps d'entamer ce genre de discussion. A la place je file à la caserne rejoindre Wyden.

Lorsque j'arrive, mon nouveau co-équipier m'accueille d'un grand sourire. Il m'annonce qu'il a une bonne nouvelle. Je le suis jusque dans les vestiaires. Il me donne un paquet. Je le regarde perplexe. Cela ne doit pas être un cadeau, mais quelque chose en rapport avec le fait que je sois soldat. Soudain, mon visage s'illumine et je déchire l'emballage. C'est bien ce que je pensais. J'en sors mon nouvel uniforme. Tout beau. Tout neuf. Tout propre. Je déplie une veste en cuir foncé bordé de boutons dorés. Un fin débardeur rouge est posé par-dessus un pantalon en cuir. Noir et rouge, les couleurs de Lowick.

-        Essaie-le.

J'acquiesce et lui fait signe de se tourner. J'enfile l'uniforme et lui tape sur l'épaule pour lui signaler qu'il peut se retourner. Il sifflote.

-        Il te va comme un gant. Peut-être un peu trop strict, mais j'aime bien ça.

Je ne fais pas attention à sa remarque et retire ma veste. Je ne veux pas qu'elle me tienne chaud pendant l'entraînement. Et aucune créature ne risque de surgir. Je m'avance dans la salle de combat, adjacente aux vestiaires. Wyden me suit. Nous prenons un tapis nous échauffons ici.

-        Un petit combat pour voir ce qu'il y a à améliorer ?

-        Cela me va très bien.

Il se positionne et moi aussi. Je fais encore un tour avec mon cou pour chauffer correctement mon articulation. Souplesse. Appuis. Force. Equilibre. SAFE.

Je pare chacun de ses coups avec aisance. Je lui envoie un upercut. Il esquive. Après deux crochets, je lance derrière son genou. Son agilité lui permet de se rattraper en tournant sur lui-même. En même temps il me percute la hanche avec son tibia. Je perds mes repères. Je les récupère très vite. Concentration.

Durant de longues minutes, nous évitons les attaques de l'autre. Soudain, je feinte un coup de poing. Se protégeant au niveau de la tête, j'enfonce mon talon dans son ventre. Il hoquète. Je profite de se moment pour bloquer ses jambes par derrière et le faire basculer. Seulement, il m'attrape et m'entraîne dans sa chute. Arrivés au sol, je me retrouve bloquée sous lui. Il me maintient fermement. Je grogne, mécontente que ce soit moi au sol.

-        Ne considère jamais l'autre battu avant qu'il soit immobilisé. Tu te réjouis trop vite de ta victoire.

Je remonte brusquement mon genou, le frappant. Il écarquille les yeux. Je le retourne et le fixe contre le tapis grâce à mes bras et mes jambes. Je ne veux pas qu'il me fasse le même coup.

-        Je te retourne la critique.

Je souris, contente de moi. Le visage crispé, je ne sais pas si il a plus envie de rigoler ou de m'étriper. Je me relève alors et lui tend la main, comme il aime si souvent le faire avec moi. Il hésite et la prend.

-        D'accord, j'ai compris le message. Voyons voir ce que ça donne pour le lancé de couteaux.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant