3. Douloureux Souvenirs (part. 2)

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Je suis allongée dans mon lit et fixe le plafond, sans intérêt. Quand soudain, j'entends mon ami crier mon nom. Après qu'il m'ait lâché, tout à l'heure, je suis directement monté me reposer tandis que lui devait nettoyer la cuisine. Il a dû finir de laver et ranger le couvert. Enfin débarrassée de toutes ces corvées !

Il hurle une seconde fois avant que je ne me décide enfin à daigner sortir de mon lit. Je descends aussi lentement que possible les marches en bois de l'escalier, j'aime bien le faire attendre et le charrier. Je m'avance vers lui, toujours en traînant le pas, je m'attendais à une remarque cinglante de sa part, mais il n'en fait rien.

Je suis fatiguée, cela fait plusieurs jours que je ne dors que très mal, et là, je ne rêve que d'une chose, c'est de retrouver mon matelas.

J'aperçois Matt dehors, devant une grande bassine en bois, faite de lattes superposées de sorte à ne pas laisser passer l'eau qu'elle contient.  Une pile de vêtement est entassée à côté.

- Oui ?

- Où est le savon ? Et qu'est-ce que l'on en fait comment ?

- Alors, tu prends une petite poignée de paillettes de savons, qui sont dans le placard, à l'intérieur.

Je rentre une seconde fois dans la maison, mais une fois passée la porte, je ne continue pas mon chemin dans le couloir comme d'habitude, mais je tourne directement dans la petite pièce située à ma gauche. Je récupère du savon, comme je le lui ai dit, puis retourne dehors.

Tandis que je lui explique le reste, je joins les gestes à la parole.

- Tu les dissous dans l'eau.

Après avoir jetée les confettis mousseux, je plonge ma main dans l'eau froide et remue doucement pour obtenir un mélange homogène et légèrement opaque.

- Maintenant tu peux y mettre les vêtements et les frotter contre la râpe en bois. Quand tu auras terminé cela, tu les rinceras et tu pourras les étendre là-derrière.

Je m'essuie les mains sur son tablier, me penche en avant, et lui fait un bisou sur la joue.

- Bonne nuit, je vais dormir.

- Ok. Bonne nuit à toi aussi.

Je me relève en m'appuyant sur le rebord de la bassine. Alors que je venais de passer la porte, Matt m'interpelle.

- Te rappelles-tu de mon ami d'enfance ?

Sachant pertinemment que cette nouvelle conversation durerait, je reviens en arrière et m'assois dans l'herbe, contre le mur de la maison. Je sais que ce sujet est quelque chose qui lui est douloureux mais qui lui tient vraiment à cœur et qu'il ne l'a pas évoqué par hasard. Alors, je décide de l'écouter attentivement et de prendre ma fatigue en patience.

J'hoche la tête en le regardant faire.

- Ashur.

- C'est exact. Tu te souviens de tous ces moments où je te parlais de lui, quand je rentrais de l'école ?

- Oui.

En effet, je m'en souviens très bien, de lui, de ses histoires, et surtout d'Ashur. Toutes les fins d'après-midi où Matt rentrait de son école, endroit où bien-sûr je n'avais point le droit d'aller, il m'apprenait ses cours et me montrait ses dessins, puis nous jouions jusqu'à la tombée de la nuit.

Mais, tout a changé le jour où il a rencontré Ashur. Depuis, il ne faisait que me parler de lui, de ses compétences, de sa beauté, de leurs joies ; leurs pleurs ; leurs rires ; et de leurs disputes, rares soient-elles. Quand il parlait de lui, ses yeux brillaient d'une lueur inépuisable de joie, ils pétillaient.

Je n'étais pas jalouse, loin de là, je n'avais point de raison de l'être. J'étais seulement heureuse pour mon meilleur ami, et envieuse à l'idée de pouvoir le rencontrer un jour. Et ce jour arriva. Un an plus tard.

Cette fin de journée était ensoleillée et assez chaude. Comme d'habitude, je l'attendais, assise, sur les marches du perron malgré les incessantes protestations de mes parents.

Quand enfin il arriva, je lui sautais dans les bras. Il me rendit sans hésitation mon étreinte et après quelques instants de réconfort, il me chuchota à l'oreille.

- Je t'ai ramené de la compagnie, toi qui voulais le voir...

Je m'écarta rapidement de lui, qui souriait, et cherchais du regard son ami. Alors, Matt s'effaça pour laisser place à sa « fameuse compagnie » qui n'était autre qu'Ashur. Celui-ci, me tendit timidement sa main, mal à l'aise. Je la lui serrai volontiers en lui souriant gentiment.

Tout comme il le faisait avec moi, je le détaillais, de chaque millimètre de son visage jusque sous tous les angles possibles et inimaginables de sa stature.

Il avait de beaux yeux verdoyants, pleins de vie et de bonne humeur, quelques paillettes blanches et dorées étaient parsemées dans ses iris envoutants. Ses cheveux mordorés lui retombés doucement sur les paupières. J'admirais la manière dont ses légères boucles étaient identiques et si parfaites. Son visage juvénile requerrait une certaine grâce, comme si un artiste l'avait dessiné au crayon, sans appuyer, de peur de froisser le doux papier sur lequel il travaillait ; laissant de fines traces qui ne perdaient cependant rien de leurs précisions.

A cet instant, je me demandais comment un être pouvait-il être aussi parfait que ce qu'il l'était.

Nous avions passés des heures à rire et à plaisanter, cela restait un merveilleux souvenir de mon enfance.

Depuis, un an durant, toutes les après-midi, Matt rentrait en compagnie d'Ashur.

Ils me racontèrent leur journée, puis nous nous amusions jusqu'à ce qu'il doive repartir chez lui.

Nous étions devenus inséparables.

Jusqu'à ce que ce fameux jour arrive. Le jour de la mort de mon père, puis le lendemain, de celui de ma mère.

Après ce drame, Ashur n'était plus revenu. La dernière fois que je le vis fut un mois après.

Matt était déjà rentré de l'école, nous étions derrière la maison, dans le jardin, tous deux assis contre le mur. Alors que nous parlions de la pluie et du beau temps, la porte par laquelle nous étions sortis s'ouvrit sur un petit garçon. Il s'avança devant nous et parla.

- Ta mère m'a dit que vous étiez là.

Il s'assit en silence.

- Je suis désolé de ne pas être revenu.

Ni Matt ni moi ne lui répondirent. Nous attendions simplement un peu plus d'explications.

- Mes parents m'ont interdit de te parler Tery. Depuis le décès de tes géniteurs, ils disent que tu es comme eux, une moins-que-rien, une dépravée et une traîtresse.

Au fur et à mesure que les mots sortirent de la bouche souriante d'Ashur, une colèrenoire affluait en moi. Non, ce n'était pas moi, Ashur venait-il de dire lesparoles que je venais d'entendre ?

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant