36. Infiltrations (part. 4)

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Je vois alors apparaître Shesy, marchant en toute douceur et tranquillité vers nous. Sans m'en rendre compte, mes doigts viennent effleurer mes Etoiles au creux de mon cou, caressant les boursouflures.

- Que fais-tu là ? je murmure, une pointe de colère dans la voix.

- Je vous ai suivi et j'ai bien fait.

Cette phrase renforce mon idée que je ne peux lui faire confiance. Elle n'aurait jamais dû faire cela.

- Me regarde pas comme ça.

Tandis qu'elle s'offusque je me retiens de ne pas lui sauter dessus.

- Nous allons nous faire repérer à cause de toi, la réprimande Matt.

- Au contraire. J'avais besoin de vérifier mon hypothèse à votre sujet.

Son regard entendu semble exprimer que maintenant elle sait.

- Vous pensez que Jonas nous a tous menti et je vous comprends. C'est vrai, il a mis beaucoup de temps alors qu'il y avait soi-disant rien d'intéressant, il évitait ton regard Matt et puis quand je lui ai parlé du général il semblait l'avoir déjà rencontré.

Je n'écarquille pas les yeux mais j'en ai très envie. Je n'avais remarqué aucunes des choses qu'elle vient de citer. Elle aussi se méfie, comme nous tous et je ne peux pas l'en blâmer. Elle est très observatrice et fait de bonnes déductions, ou du moins les mêmes que nous. Je suis partagée à son sujet. Si j'étais sûre qu'elle soit de notre côté elle ferait une très bonne alliée. Malheureusement ce n'est pas le cas et cela la rend encore plus dangereuse.

- Tu ne vas pas me faire croire que tu es là seulement pour avérer un petit questionnement ? je lâche.

En un simple signe de tête, mais efficace, elle nie.

- Je suis là pour vous aider.

Je ravale mon mépris et un éclat de rire. Matt est sérieux et, actuellement, la considére comme un potentiel bonus. Je la laisse détailler.

- Vous avez dit être partis chasser, mais si vous revenez une heure plus tard avec seulement deux minuscules animaux Jonas saura ce que vous êtes allés faire, peu importe ce qu'aura donné votre infiltration.

Shesy s'approche de nous comme si nous étions dans la même équipe depuis notre naissance et pose une main sur l'épaule de Matt en passant entre nous.

- Soyez plus discrets que lui.

Elle continue d'avancer lentement sans se retourner.

- Au fait, je me suis occupée du guet. Souhaitez-moi bonne chasse.

Je reste une seconde plantée là à me demander quelle excuse a-t-elle pu sortir aux autres. Mais lorsque je pivote vers elle, elle s'est déjà évaporée sans que je ne l'entende courir. Cette fille est... étonnante.

Je cherche le feu vert dans les yeux de Matt. Il n'y a plus qu'à.

Nous avançons pas à pas. Mes yeux furètent, à la recherche d'un potentiel danger. Nous sommes assez près pour distinguer les visages des guerriers. Nous nous baissons, cachés derrière un arbuste particulièrement touffu. Je reconnais quelques visages en réussissant à leur coller à peines quatre prénoms. Je tends l'oreille, c'est bientôt l'heure du repas. L'heure où la majorité des guerriers se rassemblent pour aller chercher leur nourriture avant d'aller s'installer un peu plus loin pour la manger en toute tranquillité. Cependant, il faut faire attention aux multiples gardes. Il ne faut pas croire que Victhorion laisserait sa section à la merci de n'importe quelle créature.

Rapidement, sans un signal sonore, tous les guerriers s'agitent et se rassemblent un peu plus loin. C'est le moment. Matt s'apprête à se lever mais je le retiens. Le général n'est toujours pas sorti de sa tente. Matt fronce les sourcils et mes doigts viennent triturer mes cicatrises. Je les ai observés de multiples fois depuis que nous les avons rattrapés et à chaque fois, sans exception, Victhorion quittait son abri en toile brune. C'est inhabituel. Peut-être est-il déjà sorti mais nous ne l'avons pas remarqué, trop occupés à échanger avec Shesy. Non, je peux apercevoir un peu de mouvement à travers ce tissu tendu par un pique en bois.

Cela fait une dizaine de minutes que le dîner à commencé pour eux et toujours pas un signe. Mon pouls s'accélère. Nous n'allons jamais avoir le temps. Tandis que je stresse de plus en plus, je suis sortie de mes pensées par une décharge. Je tourne la tête. Involontairement je me suis faite saigner en plantant mes ongles dans une de mes Etoiles. Maudit tic. Je passe ma main dessus, essuyant une perle pourpre et replaçant ma veste correctement.

Soudain, un mouvement attire mon attention. Un homme s'extirpe des voiles cachant l'entrée de la tente. Il est de dos. Mais je n'ai pas besoin de voir l'expression de son visage pour ressentir son aura hautaine et supérieure d'une froideur glaçante. Je me tapisse derrière sans risquer un regard de plus. Je ferme les yeux. Je sais qu'il ne peut pas me voir mais je sens ses yeux geler l'air estival autour de moi. Je retiens mon souffle par peur que cela me trahisse. Je ne l'entends pas s'éloigner mais je sais qu'il n'est plus là. Je risque un œil et mon ressenti est vérifié. Sans perdre une seconde de plus, Matt se redresse et avance d'un pas léger et naturel. Mes cheveux attachés en queue de cheval sont rentrés dans mes vêtements. J'aimerai éviter d'être reconnue comme étant une intrue à cause de ma chevelure associée à celle d'une femme. Je marche derrière lui. J'inspire lentement pour me détendre. Se fondre dans la masse. C'est quand on agit le plus naturellement et le plus visiblement que cela passe le mieux. Regarder partout autour de soi, toujours aux aguets attire beaucoup plus l'attention. Nos yeux ne font pas attention à ce qu'ils catégorisent de banal.

Matt entre dans la tente et j'en fais de même en jetant un bref et discret regard en direction des guerriers.

Première étape : validée.

Maintenant que plus personne ne peut nous voir je m'active. Autour de moi ? Un lit de de bois recouvert d'un grand drap, une table, une boîte. Matt remue déjà les papiers déposés sur l'unique meuble. Je m'accroupis devant la boîte. Elle est fermée à clé. Evidemment, il fallait s'y attention. Je reluque la serrure semblable à celle qui était sur notre porte d'entrée. Sauf que celle-ci doit avoir une clé attitrée. Inutile de la chercher, Victhorion doit la porter sur lui, en lieu sûr et non à côté du coffre. Je soulève ce cube. Il n'est pas très lourd. Il semble presque vide. Je le remue un peu. Rien de fragile il semblerait.

- Il n'y a pas grand-chose d'intéressant. Quelques informations par-ci par-là mais rien de concret, murmure-t-il.

Je le retourne. Je sens quelque chose bouger dedans mais ce ne sont pas des feuilles de papier ou des cartes. On dirait plutôt...

Des bruits de pas font vibrer mes oreilles. Une voix rauque et mesurée. Matt me regarde paniqué. Je cherche autour de moi une autre sortie mais rien. La toile est attachée partout par des piques. J'éteins la voix de petite fille apeurée dans ma tête et me mets en mode automatique.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant