34. L'Attachement (part. 3)

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Un son guttural arrive à mes oreilles. Après un regard vers mes trois compères, je m'éloigne en direction de ce bruit. J'aperçois alors une créature. Elle n'est pas très grande, sûrement la raison de son isolement. Enfin, elle mesure tout de même une tête de plus que moi. Je ne veux pas trop m'éloigner du groupe alors à une dizaine de mètre. Alors je me racle la gorge pour la faire venir à moi. Ses yeux globuleux louchent sur moi et directement, elle se rue. Je pare toutes ses attaques. Ses griffes volent dans tous les sens. Elle évite mes coups. Je tranche un de ses bras. Elle grogne. Ses griffes raclent ma veste sans la déchirer. A ce moment, je remercie celui qui l'a confectionné. Dans un coup sec, je lui ouvre la gorge avant qu'elle ne réveille mes camarades. Elle s'écroule au sol. Mince. Je ne peux pas la laisser si proche de nous. Je jette un coup d'œil aux dormeurs. Je ne suis pas du tout fatiguée. Je pourrai très bien déplacer la créature sans grimacer. Ce petit exercice m'a redonné de l'énergie ! Mais je ne peux pas tous les laisser dormir si je m'éloigne.

Après une courte hésitation, je laisse la feue créature et me rapproche l'endroit où nous avions établit campement. Je regarde les trois hommes allongés. Je ne sais pourquoi, pas une seconde l'idée de réveiller Jonas pour cela ne me vient à l'esprit. J'ai l'irrésistible envie de réveiller Wyden, mais également de demander l'aide de Matt comme lorsque j'avais fait une bêtise. Non, Matt a pris le dernier tour de garde, il doit se reposer.

Je m'accroupis à quelques centimètres de Wyden et pose ma main sur son épaule. je n'ai pas besoin de le secouer qu'il a déjà ouvert les yeux, alerte, prêt à agir.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Une créature ? C'est les... débite-il avant que je pose mon autre main sur son épaule et lui fait signe que non, il n'y a pas d'urgence.

Il se décontracte et semble rassuré. Mais alors, il hausse un sourcil.

- J'ai besoin que tu gardes un œil sur Matt et Jonas. Cinq minutes, et tu peux te rendormir, promis.

Son regard reste cependant interrogateur.

- Qu'est-ce que tu vas faire ? Ne me dit pas que tu vas essayer d'aller voir la section ou que tu comptes juste aller te laver.

- Mais non, je lance comme si c'était totalement absurde alors que sa première raison aurait pu être vraie. J'ai juste besoin d'éloigner une créature.

Il se redresse brusquement comme si elle allait surgir de nulle part. Je me rends alors compte de ma phrase.

- Je l'ai tuée, détends-toi. Mais je ne peux pas la laisser si près de nous.

Wyden acquiesce et s'assois en tailleur contre son arbre.

- Vas-y, tu peux compter sur moi.

- Je sais.

Je le remercie d'un sourire et vais retrouver ce cadavre. Mmh... Ça ne donne pas vraiment envie. Avant de commencer à le traîner, je réfléchis à l'emplacement de la section. Depuis le début, nous remontons la rivière, je dois donc la déplacer de l'autre côté où je me trouve. L'idée de la jeter dans la rivière, comme je l'ai fait il y a quelques semaines, me paraît maintenant absurde. Cette rivière sert à alimenter en eau les villes et les voyageurs. Y laisser du savon où des brindilles est beaucoup moins dérangeant que d'y laisser un macchabé. D'autant plus que donner notre position ainsi que celle des guerriers n'est pas la meilleure idée. Gabany pourrait facilement savoir depuis quand la créature est morte et sachant la vitesse du courant, un simple calcul lui donnerait notre emplacement, à quelques mètres environ. A l'école, j'ai appris que les symptômes post-mortem des créatures sont les mêmes que ceux des humains, seulement plus difficiles à repérer sur leur peau déjà d'un noir violacé. Des hématomes, des raideurs, puis une tâche verte sur l'abdomen. Une grimace s'empare de moi.

J'attrape un bras et tire de toutes mes forces. Toujours est-il que jeter le corps dans la rivière n'est pas ma meilleure option. C'est pourquoi je la déplace jusqu'à près de 500 mètres de nous. Je la laisse là et repars en courant. Lorsque je suis de retour, soit très vite, je laisse Wyden se rendormir.

- Tu m'as réveillé, laissé seul, et ensuite tu me dis même pas merci, constate-il.

- Merci.

Cependant, il a faussement l'air de faire la tête à la manière d'un petit garçon. Je m'approche alors de lui en le regardant dans les yeux. Son regard me perce. Un pincement au cœur me fait avaler de travers en repensant à ma pensée de tout à l'heure. Reste en surface, je tente de lui dire sans ouvrir la bouche. Mais je sais qu'il ne peut pas deviner. Ses pupilles me fouillent du regard, comme si tout de ce que je ressens était inscrit sur mon front. Mais pourtant j'ai également l'impression qu'il a cette pancarte qui pend à ses cheveux. Et que petit à petit, il retire ses mains de l'écriteau, me laissant voir une partie du mot. Puis bientôt toute la phrase. Et je ferme les yeux. Qu'est-ce que je fais. Il n'y a aucune raison pour laquelle je devrais rester là, devant lui, à simplement soutenir son regard. Et peu m'importe si je suis celle qui le détourne. Nous ne nous résumons pas à une action. Je soulève à nouveau mes paupières, mais mon regard ne semble plus aussi ouvert et sensible. Et il a replacé ses mains, me cachant jusqu'à la moindre virgule de ce qu'il est vraiment. Et j'en suis plus heureuse. C'est ce que je me dis.

- Merci, je répète.

Puis je me lève.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant