34. L'Attachement (part. 5)

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- Deux ! me répond Matt.

Ils sont moins que nous, cela ne devrait pas nous causer le moindre souci. Je distingue leurs silhouettes, enfin je crois. Soudain, j'ai un mauvais présentiment. Je regarde autour de moi, aveugle. Je m'écarte brusquement. Cependant, la lame a eu le temps de m'entailler, mais au niveau de l'épaule droite et non du cou. Je lance ma main dans la direction que mon potentiel ennemi, labourant l'air de ma dague. Concentre-toi Tery. Intuition. Précision. Force. Fais attention à chaque mouvement d'air. Je me baisse, évitant un coup. Je me tente de toucher mon agresseur sans que lui ne m'atteigne dangereusement. Il est sur ma droit. J'envoie le bout de ma dague, serrant le manche de mes doigts. Un bruissement caractéristique m'annonce que je l'ai blessé. Je sursaute, il vient de me tailler le dessus de mon poignet. Je le retire avant que la lame de m'amoche trop. Je ne comprends pas. Je pensais qu'il était de l'autre côté. Cette obscurité me fait perdre mes repères on dirait. Concentre-toi ! J'évite chacun des coups suivants, mais d'une justesse chanceuse. Rien de cela n'est logique. La seule explication : je n'ai pas qu'un ennemi. Je tends l'oreille et entends toujours mes amis se battre.

- Il y en a d'autres, je crie.

Je me jette au sol. Je sens un crissement d'air à quelques millimètres de mes oreilles. Ce n'est pas passé loin. Je roule au sol et me dresse derrière un de mes adversaires. Je ne réfléchis pas à sa position et frappe. La résistance de son cou cède face à ma lame. Je me déplace encore, écoutant les pas de la personne restante tandis que son camarade s'écroule au sol. Nous échangeons de multiples attaques, esquivées à chaque fois. Il est bien entraîné. Très même. Mais ce n'est pas pour autant que je ne réussis pas à lui écorcher l'avant-bras. Quelqu'un accourt derrière moi. Je m'écarte. Je le vois tombé au sol, une dague enfoncée dans le dos jusqu'à la garde. Une fois écroulé au sol, l'homme récupère son arme et s'avance vers moi. Je me prépare à lui faire face. Je pare ses premières attaques. Les miennes ne semblent même pas l'effleurer. Sa manière de faire me dit quelque chose. Je me défends comme je peux contre ces deux hommes. Cependant, l'un est plus rapide que l'autre. Le dernier arrivant se moue plus fluidement. A côté j'ai l'impression d'avoir des mouvements trop saccadés. Il y a quelque chose d'étrange dans notre manière de combattre. Nous ne sommes pas à deux contre un, comme nous le devrions, mais chacun pour soi. C'est là que je vois l'évident. La nuit est si sombre que nous n'arrivons même plus à nous reconnaître entre nous.

- Wyden, c'est moi !

- Tery ? se surprend le dernier arrivant.

Sa voix grave déraille et il lance alors une attaque à l'intru digne d'un enfant de 8 ans. Il se reprends en moins de deux secondes, le temps d'assimiler les bonnes informations.

- Wyden ? s'étonne l'inconnu.

Enfin, pas si inconnu que cela puisqu'il semble le connaître. Tous deux arrêtent subitement toute résistance. A la posture de mon co-équipier, se dessinant de manière floutée, j'en déduis qu'il reconnaît l'homme. Alors que Wyden esquisse un mouvement, l'inconnu s'écarte et crie un prénom.

- Je suis légèrement occupée ! répond une voix cristalline.

- Arrêtez-vous ! Matt ! Jonas ! ordonne Wyden sans que je comprenne.

Aucune réponse. Il répète et insiste. Cette fois-ci un grognement mécontent se fait entendre. Une silhouette féminine s'approche de nous. Puis un autre homme, Jonas. Il ne reste plus que Matt. Cependant, celui-ci ne semble pas décidé à arrêter de se battre étant donné les bruits métalliques qui continuent de m'arriver. Mon co-équipier s'avance vers ceux-là. Il interpelle mon meilleur ami.

- Ils sont de notre côté Matt, je les connais !

Ah ! S'il pouvait répondre et faire ce qu'on lui demande plutôt que d'en faire qu'à sa tête ! Je ne sais pas qui sont ces personnes, mais j'ai confiance.

Soudain, j'entends quelqu'un tomber au sol. Je connais ce son mortuaire. Sans réfléchir, je cours. Du plus vite que je peux. Je cours plus vite que Wyden, le dépasse, lui coupe la route. Dans la pénombre, je ne peux que me fier à la source du bruit précédent. Soudain, je trébuche et m'écroule par terre. Je n'ai pas trébuché sur une pierre. Je n'ai pas trébuché sur une racine. Mais sur un corps. Je me retourne et me penche au-dessus de cette personne agonisante. Je n'y vois rien. La nuit m'obstrue la vue. Je cherche à tâtons le visage de la victime, mais mes mains rencontrent une plaie. Mes mains glissent sur un cou gluant, sanglant. Un flash me fait tourner la tête. Je me revois au-dessus du corps inerte de Matt, le corps badigeonné de sang. Une douleur me transperce la poitrine. Je secoue la tête. C'est passé. Je ne suis pas au-dessus du corps flasque de Matt, ce n'était qu'un mauvais souvenir.

Une main se pose sur mon épaule, mais je la rejette d'un mouvement brusque. Laisse-moi. Je ne pleure pas. Mes mains, toujours enveloppées par ce liquide devenant pâteux à certains endroits, glisse sur cet homme. Je laisse mes mains remonter vers son visage, laissant sûrement des traces de sang sur leurs passages. Ça ne peut pas être Matt. Je suis convaincue par cela et je ne suis pas triste.

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