52. Vision glaciale

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Tout honnête que soit, il n'est jamais bon

D'apporter de fâcheuses nouvelles...

Les mauvaises nouvelles, laissez-les

S'annoncer elles-mêmes, à l'instant qu'elles nous touchent.

William Shakespeare, Antoine et Cléopâtre

Victhorion, général de Westen


La lumière danse. Le tango lent et dangereux de cette flamme l'a toujours fasciné, du plus loin qu'il se souvienne. Comment une mèche peut brûler, se consumer aussi facilement, dévorée par un feu ardent et incontrôlable. Mais, cela il le sait maintenant et ce depuis ses années d'étude. Il la laisse s'agiter. Ne la souffle pas tout de suite. Assis sur le bord de ce matelas désagréable, il n'arrive pas à se détendre. Cette gamine est exceptionnelle, il doit l'admettre. Elle a un de ces toupets qui le mettrait en rogne en une seule seconde. Venir jusque-là, dans sa tente, pour de simples questions en échange d'une vie, non, il ne s'y attendait pas. Apparemment, son petit numéro ne lui avait pas plus. Parfois la vérité est mieux là où elle désire être : cachée et sue que de quelques malheureux. Il se félicite. Il a su toucher assez fort pour que cette fille passe au-dessus de sa petite altercation avec ce jeune soldat blond. Un triste incident qui suffit en général. Mais là, il va devoir taper plus fort.

Un bruit attire son attention. Ses oreilles frémissent et son cerveau entame un décompte d'une régularité mécanique. Un raclement de gorge. Il lève les yeux au ciel. Cela est encore cet insupportable et insolent. Un rayon nocturne lui obscurcit le visage. Les pans de sa tente s'écartent laissant apparaître sans surprise un homme passé. Le petit homme robuste s'avance, paraissant sûr de lui. Cependant, Victhor n'a besoin que de deux secondes et d'un regard perçant avisé pour lire en lui comme dans un livre ouvert. Il ne sait pas où se mettre et ressent une irrépressible envie de prouver son existence et son utilité. Ces enfantillages l'agacent. Il n'a pas besoin de cela. Toutefois, il se réjouit de son apparition. Alors comme cela, le Conseil lui aurait confié une autre mission ? Cet imbécile doit jubiler depuis plusieurs semaines. Il doit s'amuser de son autorité illégitime sur ses hommes. Mais cela, il ne s'en soucis guère. Il n'a besoin de l'approbation de personne pour savoir que ce qu'il fait est le mieux pour son entourage.

- Général, cérémonie-t-il.

Ce dernier ne lui répond aucunement, attendant la suite.

- Nous devrions tenir ces jeunes soldats à l'œil. S'ils nous ont suivi à l'aller, ils le feront également au retour. Je ne remets pas en cause vos techniques général, mais ils tenteront à nouveau de nous approcher de plus prêt.

Son raisonnement lent et formaté le fait danser d'un pied sur l'autre pour ne pas laisser filtrer des informations importantes tout en laissant croire au général qu'il le soutient. Artenthus l'exaspère. Ses remarques sont inutiles, encore moins à cette heure-ci. Croit-il réellement que Victhorion n'a pas déjà pensé à cela avant que cette enfant de Westen ne vienne le trouver ? Il savait tout cela et y a trouvé des solutions en conséquent.

- Merci de m'avoir fait part de cela. J'ai parfaitement étudié la situation. Et, j'ai d'ailleurs quelques projets en tête, énonce-t-il en se remémorant la proposition faite à Theresy.

- Vous n'avez qu'à me faire part de ce plan et de quel sera mon rôle.

Un gloussement s'étouffe dans la gorge du général. Il n'aura pas besoin de cet homme. Il fait bien plus confiance à ces hommes qu'à cette girouette.

- Vous le saurez en temps et en heure. Aviez-vous quelque chose d'autre à soulever ?

La bouche flétrie du bras droit se plisse, s'ouvre, et balbutie silencieusement. Il s'apprête à répondre lorsque le général reprend la parole.

- Bonne soirée monsieur, profitez de la nuit avant que l'aube ne pointe. Nous ne tarderons pas.

L'homme aux cheveux poivre et sel ravale sa phrase et tourne les talons. Cette visite n'était pas anodine. Il voulait vérifier quelque chose et cela semblait être une bonne excuse à ses yeux. Peut-être avait-il entendu parler avec cette fille. La Conseil donnerait cher pour la voir disparaître du monde vivant. Elle et le sergent. Et cela, il compte bien le lui offrir sur un plateau d'argent. Demain soir.

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