10 L'Opposition (part. 4)

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- Oui.

Ce mot est certainement celui qui va faire basculer le reste de ma vie, mais je n'ai aucun remord.

- Très bien, acquiesce l'homme avec un brin de malice dans le regard.

Je me rassois et il fait de même, laissant une fois de plus apparaître le mot "Défendre" gravé dans le bois de son siège. Lorsque ses nombreuses médailles cessent de s'entrechoquer, créant un murmure métallique, je m'autorise enfin à rejeter l'air que j'avais retenu dans mes poumons.

Matt me pince cruellement la cuisse, pour me punir de prendre des risques démesurés. Cela me provoque un sursaut que je peine à dissimuler. Mais malgré cela, ses doigts finissent par venir s'entrelacer aux miens. Je me sens quelque peu confiante. Quoi qu'il se passe, je serai avec Matt et c'est l'essentiel.

- Que pensiez-vous faire avec ces armes. Êtes-vous assez idiote pour penser savoir vous battre ? ricane sarcastiquement l'homme.

Subitement, Matt se lève.

- Elle sait se battre. Je lui ai moi-même enseigné cet art, déclare-t-il.

Son visage se fige. Je n'ai jamais vu un homme aux allures aussi sérieusement froides.

- Comment osez-vous prendre la parole sans autorisation ? hurle-t-il.

A mon grand désespoir Matt ouvre encore une fois la bouche.

- Nous avons le droit de parler lorsque l'on nous pose une question. Ce que vous venez encore de faire, énonce-t-il en inclinant la tête.

Même si mon ami est dorénavant assis, on peut très bien voir cet homme bouillonner intérieurement. Avant que ce membre du Conseil reprenne la parole, l'Aîné intervient.

- En parfaite connaissance de cause, vous avez appris à une femme à se battre ? Mais vous n'êtes qu'un modeste soldat sans expérience, que pouvez-vous faire pour une chose maladroite de la nature ? affiche-t-il avec un mépris implacable.

Tandis que le général hausse sa main pour demander la parole, je serre fortement le poignet de mon voisin pour ne pas qu'il parle une fois de plus.

- Aîné, avec tout le respect que j'ai pour vous, je ne suis point en accord avec vos mots. é complète du haut de ses 16 années, et mademoiselle Theresy, fille du précédent général.

A ce nom, le visage de l'Aîné pâlit légèrement.

- Est-ce vrai ? nous interroge-t-il fermement.

Nous hochons tous deux la tête. Celui-ci se tourne alors vers le dirigeant du devoir "Défendre" et lui demande si ses souvenirs en rapport au dernier général sont encore clairs.

- C'était un des meilleurs, dit-il simplement.

Un silence commence à régner. Tous leurs visages affichent une grande réflexion. Oui, même ceux s'occupant d'Eduquer comme de Nourrir. Leur soudain intérêt pour mon père me laisse perplexe et gênée. Il est vrai qu'il était très réputé, mais pourquoi attiré l'attention de tous les devoirs du Conseil ? Pourquoi mon père ? Entendre parler de lui au passé me rappelle une énième fois son décès.

- Cette femme représente un danger pour notre équilibre. Une femme doit se comporter comme telle, indique l'Aîné.

- Il ne faut pas que l'histoire s'ébruite, cela pourrait causer des soulèvements, remarque le membre chargé de Protéger.

- Y a t-il autre chose que tu as appris illégalement ?

Je ne sais quoi dire. Pour la première fois, l'homme assigné au devoir d'Eduquer prend la parole. C'est alors que je le reconnais. Je me souviens du jour où il était venu chez nous, voulant sanctionner Matt qui n'était alors qu'un petit garçon de six ans.

Je ne sais pas si je dois mentir sur ce coup. J'ai peur d'alourdir notre sanction. Voyant mon hésitation, l'homme aux cheveux d'or me précise que je n'ai plus rien à perdre. Et si je me laissais tenter ? Je suis déjà debout. Je regarde Matt pour savoir ce qu'il en pense. Ce dernier hausse les épaules. Sur ce coup-là, il ne m'aide pas beaucoup.

- Je sais lire quelques phrases, hasardé-je.

A demi-vérité, à demi-mensonge. Je repose mon fessier sur le banc tandis que Le Conseil débat.

- Il est bien trop risqué de garder cette femme dans notre société, affirme l'homme aux cheveux noirs.

Dans toutes ces agitations, seul le Cadet reste muet et neutre envers ces divers avis et proposition. L'Aîné se tourne alors vers nous pour annoncer son verdict. J'essaie tant bien que mal de rester sereine. J'enlace mes mains à celles de Matt, encore une fois.

- L'Exécution.

Ce mot est dur. Il résonne dans tout mon être. Matt va mourir, avec moi, et par ma faute. Voilà comment on traite les personnes qui osent penser et agir par eux-mêmes. On les extermine. Peut-être que je retrouverai mon père là-haut ? Est-ce ma dernière heure ou va-t-on nous exécuter demain ? Ou ce soir ? Est-ce que je vais revoir le ciel avant de fermer une dernière fois les yeux ou va-t-on nous tuer là, maintenant ? Mes mains tremblent. Je regarde Matt. Ses yeux chocolat que l'on pourrait confondre avec ses pupilles ont délaissé leur éclat. Ses cheveux sont mal coiffés et quelques mèches retombent sous ses oreilles. Ils ont poussé et ondulent. Son visage aux traits si familiers se tourne vers moi. Un petit sourire vient réchauffer la glace de son regard. S'il pleurait, je suis sûre de des flocons en sortiraient

- Non, notifie le Cadet.

J'hausse les sourcils. Le Cadet vient de remettre en question la possibilité de mon avenir. Il s'oppose à cette solution. Cela veut-il dire que ce n'est pas la dernière fois que nous verrons le soleil se lever ?

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant