42. Quatre Chiffres (part. 3)

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Je lui ordonne de venir. Ce qu'il fait en condamnant un mutant. Je prends le peu d'élan que je peux et envoie violemment mon pied dans le ventre d'un de ces êtres putrides. Celui-ci chute directement dans les vagues. La voie est libre.

- Saute ! dis-je sans un regard en arrière.

Une dernière poussée d'adrénaline me lance dans le vide. Ma gorge se serre, avec une envie dévorante d'hurler. Cette chute me semble beaucoup trop longue. Et d'une seconde à l'autre, l'eau m'engloutie. Je me retrouve arrachée à la surface de l'eau, attirée vers les profondeurs. Mes membres s'activent pour me ramener vers le monde extérieur. Ma main toute entière me démange. Je me débats à la recherche de ma bouffée d'oxygène. Ma tête sort enfin de l'eau et ma gorge s'ouvre en grand, brûlante. Mes yeux angoissent à la vue de cette eau sombre, sans vie, sans Matt. Mon regard se lève vers la grosse dalle de béton émergeante. Les créatures ne cessent de grogner, mais aucune trace de mon binôme. Je regarde autour de moi, il doit être sous l'eau. Mais pour l'instant, je ne vois que les dépouilles de certains mutants.

Enfin, je vois une tignasse émerger de cette eau trop salée avec une acidité peu commune. Il est là, grimaçant.

- Saleté ! grogne Matt en étouffant un juron.

Je m'approche de lui en le questionnant.

- Une de ces sauvages m'a eu lorsque je te suivais.

Ses yeux se révulsent dans une grimace. Il souffle doucement, la mâchoire serrée.

- Tu es sûr que ça va aller ?

- Evidemment. Ce n'est rien.

Un grand bruit attire mon attention. Une créature a sauté. Mon sang se glace. Une seconde suit son exemple. Je reste figée, attendant de les voir sortir la tête hors de l'eau. Ce qu'elles fient en gémissant et s'affolant avant de se noyer lentement.

- J'ai eu peur durant un instant, j'avoue à voix haute.

- Moi aussi.

Le ciel commence enfin à s'éclaircir lorsque nous arrivons sur la rive. Quelques rayons se frayent un chemin entre les restes de ces immenses constructions. Trempée, je peine à monter sur le rivage boueux. Cette sensation est si désagréable. J'ai l'impression de porter une dizaine de kilos d'eau sur moi à cause de mes habits imbibés de sel. C'est décidé, je préfère notre petite rivière à l'océan, qui lui gratte. Ma main gauche me démange, agressée par l'eau salée et l'abrasion des vagues. J'aimerai pouvoir plonger dans une eau claire qui me débarrasserait de toutes ces impuretés. Mais je n'ai vu aucune source, aucun lac sur la carte que nous avons volé au général Tray. Et ce n'est pas le moment de se plaindre. Seulement, ma main me brûle et j'ai la nette impression que la plonger dans une eau pure apaiserait cette sensation dévorante. Matt s'extirpe à son tour de cette marée sombre. Son visage n'exprime aucune douleur, mais je sais que sa blessure doit lui aussi le faire souffrir dans le dos. Son blouson de protection est déchiré, tranché en deux. Il est maintenu en place par de fins bords encore miraculeusement intactes.

Mattelos me regarde, sa mâchoire finement dessinée est contractée. Il hoche la tête, ce n'est pas le moment de traîner. L'aube dissipe les dernières créatures sur les rives, à la merci du rayonnement solaire. Et je remercie cette maladie qui a depuis longtemps anéantit leur peau et toute la protection qu'elle leur apportait. Vu l'heure, Jonas et Shesy doivent déjà être rentrés, du moins je l'espère. Je lance un regard entendu à mon meilleur ami et m'élance sur ce sol martyrisé par les éléments.

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