14. Froides Retrouvailles (part. 2)

552 42 0
                                    

Sans un mot, il rince mes deux blessures, pose le savon sur la rive et s'éloigne. Je remets mon vêtement et le rejoins. Il est assis au sol, jouant avec une dague. Il la fait tournoyer lentement.

- Je prends le premier tour de garde. Tu dois te reposer.

Il est froid, distant. Je m'allonge au sol en essayant de ne pas penser à son humeur qui se dégrade petit à petit. Je ferme les yeux. J'imagine l'Ancien Temps et toutes ses inventions. Y avait-il des machines volantes ?

- Pourquoi tu n'as pas mis ta veste ? Je l'ai vue dans ton sac.

J'ouvre les yeux. Je vais pour changer de position, me mettant sur le dos mais renonce à cette option en repensant à ma plaie.

- Il faisait chaud, je hausse les épaules.

Il immobilise brusquement sa lame entre ses doigts.

- Ce n'est pas un accessoire, il lève les yeux au ciel, cesse de faire ta gamine tu veux ?

Je ne réponds pas. Je suis consciente de la véracité de ses mots. Je ne veux plus être cette petite fille pleurnicharde. Seulement, on ne peut se changer, seule la vie et ses événements le peuvent.

Peu à peu, la fatigue m'emporte dans un sommeil rêveur.

Je posai brusquement ma paume libre sur ma bouche.

- Je suis désolée.

- Non, c'est ma faute. J'aurai dû faire plus doucement, avoua Matt.

Il prit alors ma main dans la sienne et tamponna lentement le coton sur mon doigt. Sa petite main tenait mon indexe avec la douceur maladroite d'un enfant. Il enleva le coton et le mis dans une corbeille. Tandis qu'il attrapait un tissu blanc et le banda autour de ma coupure, je l'observais attentivement. Il fit un nœud et me sourit.

- Et voilà ! Tu es réparée maintenant, s'exclama-t-il.

Je lui souris en retour et le remercia d'un baiser sur sa joue. Nous sortions de la salle d'eau côte à côte. Alors que nous marchions dans le couloir vers la chambre de ses parents et de lui-même, nous entendîmes nos mères discuter entre elles. Mais elles furent rapidement interrompues par quelqu'un venant frapper à notre porte d'entrée. Avant que Evae n'aille ouvrir, Matt et moi nous sommes regardés, un sourire en coin, et nous nous sommes précipités dans sa chambre. Après que nous ayons refermé la porte, nous éclatâmes de rire sans aucune raison à part entière.

Autour de moi, il y a du mouvement. L'esprit encore embrumé de sommeil, je tente d'ouvrir les yeux. Il fait encore nuit. Je me relève, assise. Matt est debout, au-dessus de moi. Il vérifie si je suis bien éveillée et non encore dans les vapes.

- Je vais faire un petit somme.

Il a l'air épuisé. Il n'est certainement pas resté assis tranquillement. Je me lève et m'assieds contre l'arbre.

- Réveille-moi lorsque le ciel commence à s'éclaircir.

J'hoche la tête. Il s'endort rapidement. Mes muscles ne sont plus aussi endoloris par la fatigue et mes plaies me font moins mal. Enfin... il ne faut pas trop que je bouge. Je bascule ma tête en arrière et inspire profondément. J'adore la nuit lorsque la température est redescendue. Lorsqu'elle ne vous fait pas frissonner mais qu'elle vous rafraîchit simplement. L'odeur des jeunes pousses humides et de la terre emplit mes narines. Une brise secoue de temps à autre les feuillages. Tout est si calme. Comment lors d'une nuit si paisible, peuvent apparaître deux créatures ?

Les mots que Matt m'a dit avant que je ne m'endorme tournoient encore dans ma tête. Je ne peux plus me permettre d'être irresponsable ou irréfléchis comme lorsque nous habitions encore Westen, je ne veux plus. Je ne serai plus la petite fille incapable qui se fait gronder par sa génitrice.

Je me lève et attire mon sac à dos jusqu'à moi. Je l'ouvre et en sort le baume. J'arrête tout mouvement durant quelques secondes, je tends l'oreille. Seul le bruit du vent m'entoure. Rien d'autre mis à part cette rivière. Je guette les alentours. Personne. Matt dort paisiblement. Je m'assieds et enlève le couvercle de cette petite boîte. J'étends mon bras gauche sur ma cuisse et plonge ma main opposée dans cette pâte. Je m'applique une fine couche sur ma plaie en grimaçant. Il ne faut pas que j'en utilise plus, j'ai tendance à me blesser facilement et nous n'avons pas un grand stock en réserve dans un sac magique. Ensuite, je retire mon débardeur. Je prends une seconde fois du baume sur mon doigt et essaie difficilement de l'appliquer dans mon dos. Après plusieurs essais vains je lâche mon bras et souffle. Il a fallu que cette créature me blesse au seul endroit que je ne peux atteindre. Je transvase le baume sur mes doigts gauches et tente une nouvelle fois. Je me mords la lèvre pour ne pas faire de bruit en utilisant mon bras blessé. Je suis apparemment plus souple de ce côté puisque j'y arrive un peu mieux. Je l'applique laborieusement. J'entends un craquement. Je ne vois personne. Cela doit être un lapin.

Je n'enfile mon vêtement que plus tard, après avoir ranger le reste et réfléchis à une infinité de choses. Lorsque je suis à nouveau vêtue, le baume cicatrisant a déjà pénétré ma peau déchirée. Cette fois-ci, je mets ma veste. Elle est surprenamment fine. Elle ne tient pas si chaud que cela.

Le soleil commence à se lever. Je l'observe tranquillement. Lorsque nous le regardons sortir du sol, il a l'air de ne pas avancer. Cependant, si nous tournons la tête quelques instants avant de le regarder à nouveau il est déjà haut. Les lueurs commencent à passer du bleu au rouge, puis au jaune habituel. Je m'approche de Matt et le réveille doucement. Il peine à sortir de son sommeil. Il s'étire doucement et se mets debout en baillant. Après qu'il se soit totalement éveillé, il prend son sac et me dit de faire de même.

- Je t'avais dit de me réveiller dès le tout début de l'aube ! Là il fait jour, râle-t-il. Allez, on a de la marche à faire.

Je ne prête pas vraiment attention à sa remarque. Je ne vois pas la différence entre 'le début de l'aube' et 'la fin de l'aube', il n'y a que peu de temps entre les deux. Il a l'air si pressé de partir. J'attrape mes affaires et il fait de même.

- Tu sais où aller ? 

- Oui.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant