Guerrière

17. Du Sang sur les Mains (part. 2)

Je ne lève la tête ni lorsque nous quittons la forêt, ni lorsque nous passons un haut mur. Sous mes pieds, de multiples dalles sont encastrées dans le sol. Elles me font penser à celles de Westen. Soudain, j'ai un doute. Je lève brusquement la tête. J'espère qu'ils ne m'ont pas ramenée là-bas. Sinon, je suis morte. Une exilée ne peut jamais revenir sous peine de mort. Les bâtiments font plusieurs étages. Au moins le double de chez moi. Les façades sont d'un orange délavé. L'homme devant moi, le même qui m'a attrapée, se retourne et me demande de me dépêcher. Je le suis de près. Il pénètre dans un bâtiment blanc. Je n'ai pas le temps de lire le nom qui surmonte la devanture qu'il m'y entraîne. Nous tournons dans plusieurs couloirs. Montons deux escaliers. Sans trop savoir comment, je me retrouve poussée dans un bureau. L'on me dit de m'asseoir sur une chaise, ce que je fais. Je garde la tête baissée. J'aperçois mes mains ensanglantées. Je repousse mon envie de vomir. Mon ventre commençait déjà les contractions pour. Je dévie rapidement mon regard avant de ne pouvoir contrôler un cri. Devant moi se trouve un grand bureau en bois. Derrière celui-ci se trouve une femme aux cheveux d'un blanc immaculé, courts. Attendez, quoi ? J'écarquillent les yeux de surprise. A sa gauche, se trouve une autre femme, debout. A sa droite, un homme se tenant droit.

- Bonjour, je suis Lesly, la dirigeante de Lowick. J'aimerai savoir qui vous êtes et que faisiez-vous sur notre territoire, annonce-t-elle d'une voix assurée.

Ses yeux en amandes me regardent avec intérêt. Une aura de noblesse et de protection se dégage d'elle. Je suis sous le choc. Une femme. Dirigeante. C'est juste... Waou. Elle lève un sourcil, interrogateur. Je me reprends.

- Je me nomme Theresy et vos hommes ont emmené mon ami : Mattelos.

Elle me coupe d'un geste et lance un regard à l'homme à sa droite.

- Sergent Tahasym au rapport, ordonne-t-il à son tour.

Le sergent s'avance à ma hauteur. Ce n'est maintenant que je remarque son imposante carrure pour son jeune âge. Il ne doit être beaucoup plus vieux que moi.

- Nous avions remarqué des forces ennemies venant de Westen sur nos terres. Nous nous sommes alors déployés. Il se trouve qu'elles combattaient cette jeune fille avec son ami. Nous avons éliminé la menace et récupéré ces deux personnes.

- Explications.

- Si les guerriers les combattaient c'est qu'ils ne sont pas leurs alliés.

Le général se tourne vers Lesly. Après plusieurs échanges de regards, elle acquiesce.

- De quelle ville venez-vous ?

- Attendez... Vous êtes en mauvais termes avec Westen ?

Je ne comprends plus rien. Matt m'avait pourtant dit que Lowick nous accueillerait à bras ouverts. Je me souviens encore du moment où nous rêvions d'un bon lit douillé. La dirigeante laisse échapper un rire.

- Non, pas vraiment ma petite. Cela fait 8 années que Le Conseil nous a déclaré la guerre même je devrais dire.

Je n'en reviens pas. Huit ans que nous sommes en guerre, que de nombreux guerriers disparaissaient chaque jour. Et Le Conseil, lui, nous disait que la maladie responsable de la mutation en créatures revenait en force. Créant de plus en plus de créatures dans les parages. Tout cela : faux. La même colère envers ces mensonges monte peu à peu en moi. Et si mon père n'était, en réalité, pas mort de la manière dont on me l'a si souvent rappelé ?

Lesly me relance sa question. J'hésite à répondre. Mieux vaut jouer franc jeu.

- Nous sommes exilés, ennemis de Westen.

Cette réponse ne semble pas complétement la satisfaire. Elle parle à voix basse avec la femme près d'elle. Celle-ci, habillée d'une longue robe semble lui donner un conseil. Puis, elle relève la tête.

- D'après Lucely, je devrais te laisser rester dans l'enceinte de notre ville, au moins le temps de savoir si ton ami est encore en vie et si oui, si il pourra se rétablir ou si son cas est dans échappatoire. A ce moment-là, je te convoquerais et nous déciderons de la suite, tranche-t-elle.

Je hoche la tête, entièrement convaincue et infiniment reconnaissante. Je suis épuisée et affamée.

- A condition que tu participes à certaines choses, elle attend que je donne mon consentement pour continuer. Il faudra que tu aides à trier les aliments – nous les comptons par douzaine, que tu aides certains enfants dans leur éducation, ainsi que tu aides à l'hôpital si tu souhaites que ton ami bénéficie de soins.

Je ne sais pas répondre. Je suis gênée.

- Je ne sais pas compter, je ne saurais pas aider des enfants dans leurs devoirs et je n'ai pas de connaissance en médecine.

- Tu ne viens pas de la ville de Mertha ?

- Ils viennent de Westen, Lesly, devine Lucely.

J'acquiesce.

- Dans ce cas, tu iras en premier lieu à l'école. Tu suivras plusieurs cours par jour. Tu feras une scolarité en accélérer, je compte sur toi pour y mettre du tiens.

Je n'en reviens pas. Je vais étudier, enfin ! Je dis oui, évidemment. Je suis si heureuse, je...

Dans mon élan, je monte ma main à mon visage. J'aperçois ma main et mon moral retombe en quelques instants.

- Avant cela, Tahasym va t'escorter. Tu as besoin d'un bain et de vêtements propres.