Chapitre 58 : Des Silences Lourds de Sens

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Chapitre 58 : Des Silences Lourds de Sens

Je me réveille avec une sensation étrange. La chambre est encore plongée dans une douce pénombre, les rideaux filtrant la lumière du matin. Lenie est toujours là, blottie contre moi, sa tête reposant doucement sur mon épaule, comme si la nuit n'avait rien effacé de l'intensité de ce que nous avons partagé. Mon cœur bat plus vite à cette simple vue, et je me demande comment les choses pourraient être normales après ça.

Le baiser d'hier soir me revient en mémoire. Spontané, passionné, inattendu. Et pourtant, après ça, ni elle ni moi n'avons abordé le sujet. Nous nous sommes juste installées devant un film, elle lovée dans mes bras, jusqu'à ce que la fatigue nous emporte. Mais maintenant que je suis éveillée, la réalité me frappe de plein fouet : ce silence pèse trop lourd. Comment pourrions-nous ignorer ce qui s'est passé ?

Je jette un regard furtif vers Lenie. Elle a l'air si paisible, détendue, et une part de moi refuse de troubler ce moment en ramenant à la surface les questions qui me hantent.

Un peu plus tard, nous sortons enfin du lit. Sans en parler, tout se fait dans une routine presque banale. Les regards échangés, bien que furtifs, en disent long, mais aucune de nous ne semble prête à faire le premier pas pour discuter de ce qui est vraiment important. Nous nous préparons rapidement et descendons pour voir les matchs du matin. Il s'agit des équipes qui ont perdu en quart de finale, et même si l'enjeu est moindre pour elles, l'atmosphère est toujours électrique.

Le stade est déjà rempli de supporters venus encourager leurs équipes, et je tente de me concentrer sur le jeu. Mais impossible de ne pas jeter de rapides coups d'œil à Lenie, installée un peu plus loin. Son sourire est là, mais elle évite mes regards. Je me demande si elle regrette ce baiser. Est-ce que je l'ai poussée à faire quelque chose qu'elle n'était pas prête à assumer ? Est-ce qu'elle regrette, ou est-ce juste le moment qui n'était pas le bon ?

Chaque minute passée à côté d'elle, sans pouvoir en parler, devient une torture.

L'après-midi, nous nous retrouvons tous sur le terrain pour un dernier entraînement avant la demi-finale. Djebril prend la parole, son énergie est contagieuse. Margot et moi échangeons un regard complice, et je sens qu'il est temps de dire quelque chose à l'équipe pour renforcer encore plus notre cohésion.

Je m'avance, prenant une grande inspiration. « On a tous vu à quel point on est capables de se surpasser. La victoire d'hier en est la preuve. Mais demain, il va falloir aller encore plus loin. On ne joue pas juste pour la victoire. On joue pour prouver qu'on est les meilleurs. Alors, demain, on y va à fond, ok ? On donne tout. »

Margot me rejoint, souriante. « Si on est là, c'est grâce à chacun d'entre nous. Demain, on joue en équipe, on joue ensemble. »

Les autres hochent la tête avec détermination. Même Lenie, que je vois au loin, semble attentive, bien que plus distante que d'habitude. Elle ne se place pas à côté de moi comme elle le fait d'habitude, et cette distance me pique un peu. Je me demande, encore une fois, si elle regrette. Si elle a besoin d'espace, si elle hésite à cause de ce baiser.

Mais je ne peux pas la forcer à parler. Alors je reste avec mes doutes, essayant de me concentrer sur ce qui est important : l'entraînement, la demi-finale. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Je ne peux m'empêcher de penser à elle.

L'entraînement terminé, nous retournons tous dans nos chambres pour prendre une douche et nous préparer à dîner. L'ambiance est un peu plus détendue maintenant, tout le monde se félicite pour l'entraînement, plaisante sur les erreurs de certains ou sur les exploits des autres.

Je prends ma douche rapidement, laissant l'eau chaude tenter de dissiper les pensées qui s'accumulent dans mon esprit. Mais rien ne semble y faire. Le baiser d'hier soir est toujours là, comme une ombre qui flotte au-dessus de nous, attendant que quelqu'un brise le silence.

Le dîner se passe dans une ambiance conviviale, mais je remarque que Lenie reste toujours à distance. Elle rit aux blagues de Victorien, discute avec Clara, mais elle m'évite. Plus les heures passent, plus l'angoisse grandit en moi.

Après avoir traîné autour de la table avec les autres, il est finalement près de 22h quand nous décidons de rentrer dans nos chambres. Lenie, avec un sourire léger, me dit qu'elle va prendre une dernière douche, prétextant que « vu que c'est gratuit, autant en profiter ». Cette phrase me fait rire, mais aussi réfléchir. Tout semble si... normal, et pourtant, rien ne l'est.

Quand elle sort, c'est à mon tour d'entrer sous la douche. L'eau qui coule sur ma peau ne fait qu'intensifier les pensées qui tourbillonnent dans ma tête. Que va-t-il se passer après ? Est-ce qu'on va en parler ou continuer à ignorer la question ?

En sortant de la douche, j'aperçois Lenie sur la terrasse, seule. Elle fixe l'horizon, plongée dans ses pensées. Mon cœur se serre en la voyant là, si loin et si proche à la fois. Je prends une grande inspiration et décide de la rejoindre.

Je m'assois à ses côtés, sans dire un mot. Le silence s'installe, mais cette fois, il est lourd, presque étouffant. Je sais que je dois aborder le sujet. Alors après un moment, je prends enfin la parole, la voix légèrement tremblante.

« Lenie, tu veux bien qu'on parle de ce qui s'est passé hier soir ? »

Elle semble surprise par ma question, évite mon regard pendant un instant avant de tourner doucement la tête vers moi. « Je ne regrette pas ce que j'ai fait, » murmure-t-elle. « Mais... je regrette la façon dont ça s'est passé. Le moment n'était peut-être pas le bon. »

Son hésitation me fait comprendre ce qu'elle ressent. Ce n'est pas tant le baiser en lui-même, mais le contexte. Marie Maude. Sans qu'elle ait besoin de la mentionner, je comprends que cela pèse sur elle.

Je hoche la tête doucement. « Ce n'était qu'un baiser, tu sais, » dis-je en essayant de lui offrir une porte de sortie.

Elle se tourne vers moi, un regard sérieux, presque troublé. « Tu penses vraiment que ce n'était qu'un baiser ? »

Je reste silencieuse un instant, cherchant mes mots. Puis, dans un souffle, je lâche enfin la vérité. « Non, ce n'était pas qu'un baiser. Pas pour moi. »

Lenie laisse un léger sourire se dessiner sur ses lèvres, mais je sens la tension dans ses yeux. Elle hésite, et je sais qu'il y a quelque chose qu'elle veut dire, mais qu'elle n'ose pas. « Tu as besoin d'espace ? » lui demandé-je doucement. « Pour gérer tout ça ? »

Elle me surprend en prenant ma main. « Non, » répond-elle, sa voix douce mais ferme. « Ce n'est pas de l'espace dont j'ai besoin. Mais je ne peux plus me laisser aller comme hier soir. Je ne peux pas... pas maintenant. »

Je comprends, même si c'est difficile. Je sens dans ses mots qu'elle est tiraillée entre ce qu'elle ressent pour moi et ce qui se passe avec Marie Maude. « Je comprends, » murmuré-je. « On n'est pas pressées. »

Elle acquiesce, un léger sourire aux lèvres. « Je sais. Mais... j'attends quand même avec impatience notre retour en Belgique. Même si... je pourrais rester ici, sur cette terrasse, toute ma vie. »

Son aveu, doux et sincère, me touche profondément. Et bien que les choses ne soient pas résolues, je sais que nous avançons, lentement, mais sûrement. 

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