chapitre 91 : Des silences qui blessent

221 33 4
                                    


Chapitre 91 : Des silences qui blessent

Les jours passent, lents et chargés de cette même lourdeur oppressante. Je continue à réviser seule dans mon appartement, plongée dans les livres et les exercices, comme pour me distraire du gouffre qui grandit en moi. Mais même en me forçant à étudier, chaque page me ramène inlassablement à Lenie, à ses sourires, à ses regards, et à cette impression de vide depuis qu'elle m'ignore. J'essaie de maintenir une routine, de m'accrocher à quelque chose de tangible. Pourtant, chaque notification que je reçois me fait sursauter, chaque sonnerie de téléphone déclenche en moi un espoir furtif, aussitôt écrasé par la déception.

Aujourd'hui, Margot passe me voir en fin d'après-midi, son sourire empreint d'une douce bienveillance. Elle a dû sentir mon état se dégrader à force de silence, de messages restés sans réponse, de mes absences répétées à l'entrainement. Elle s'installe à côté de moi, pose doucement sa main sur la mienne, un geste simple qui me rappelle combien elle est là, à mes côtés, même dans les pires moments.

"Tu manges correctement ?" demande-t-elle d'un ton presque maternel.

Je hausse les épaules en signe de réponse. Honnêtement, je ne sais même pas. Les journées se suivent sans grande distinction, et la nourriture n'est plus qu'une nécessité, pas un plaisir. Elle soupire, légèrement exaspérée, mais pleine de compassion.

"Helena, tu ne peux pas rester comme ça indéfiniment. Il va falloir que tu te relèves, d'une manière ou d'une autre."

Elle a raison. Je le sais. Mais une partie de moi refuse de lâcher prise, comme si en restant ainsi, je pouvais prouver quelque chose à Lenie, lui montrer que je tiens à elle plus que tout. Margot semble percevoir mon dilemme et continue, son regard planté dans le mien.

"As-tu réfléchi à ce que je t'ai dit l'autre jour ? Porter plainte contre Virginie ?"

Je détourne le regard, mal à l'aise. L'idée me terrifie toujours autant, mais il y a cette petite voix en moi, celle qui sait que Margot a raison. Pourtant, la simple idée de revivre tout cela devant des inconnus, d'étaler ce qui s'est passé... Cela me paralyse. Ma voix se brise alors que je lui réponds.

"Margot, même si je porte plainte, est-ce que ça changera quelque chose ? Je veux dire, Lenie est déjà partie..."

Elle serre ma main un peu plus fort, son visage se radoucissant.

"Ce n'est pas seulement pour Lenie que tu devrais le faire. C'est pour toi, Helena. Tu mérites d'avoir la paix. Et surtout, tu mérites de ne pas laisser Virginie s'en sortir."

Ces mots frappent en plein cœur. Elle a raison. J'ai le droit de me défendre, de me relever. Peut-être que porter plainte ne ramènera pas Lenie, mais cela pourrait me donner la force de me libérer de cette culpabilité injuste. Je hoche doucement la tête, sans répondre, mais en moi quelque chose commence à se dénouer.

Le soir tombe, et Margot finit par partir après m'avoir longuement encouragée. Une fois seule, je m'installe sur mon lit, mon téléphone en main. Mes doigts frôlent une nouvelle fois le nom de Lenie, toujours présent en haut de ma liste de contacts. Mon cœur se serre, mais je décide de lui envoyer un dernier message.

Moi : "Lenie, je sais que tu as besoin de temps, et je comprends que tu me détestes probablement. Mais j'ai besoin de te dire quelque chose, en personne. S'il te plaît, accorde-moi juste quelques minutes. Je ne te dérangerai plus après ça, je te le promets."

J'envoie le message, le souffle coupé, et reste là, à fixer l'écran, à espérer une réponse qui, une fois de plus, ne vient pas. Alors, dans un dernier élan, je décide de ranger mon téléphone. Je dois me concentrer sur autre chose, ne pas me laisser consumer.

Les heures défilent, et la nuit devient ma compagne silencieuse. Les pensées tournent en boucle dans ma tête, se transformant en un flot de souvenirs, d'images de Lenie et moi, de notre complicité, de nos rires partagés. Par moments, je me laisse bercer par ces souvenirs, je m'y accroche comme à une bouée de sauvetage. Puis je me rappelle brutalement que tout est fini, que tout cela appartient désormais au passé.

Finalement, la fatigue prend le dessus, et je m'endors sans m'en rendre compte.

Le lendemain matin, un message m'attend sur mon téléphone. Mon cœur se met à battre plus vite, mais c'est Margot, encore elle, qui m'écrit pour me rappeler de ne pas laisser tomber l'entraînement du jour. En silence, je me prépare, bien décidée à y aller. Peut-être que Lenie viendra aussi, et même si je n'ose plus espérer une réconciliation immédiate, je ne peux m'empêcher de ressentir une lueur d'espoir à l'idée de la revoir.

En arrivant au terrain, je croise Candice qui m'adresse un sourire plein d'encouragement. Je ne lui ai rien dit, mais elle sait. Son regard en dit long, comme si elle lisait en moi. Elle m'adresse un léger clin d'œil.

"On est là pour toi," murmure-t-elle en passant.

Je lui souris faiblement, reconnaissante, mais mes pensées sont déjà ailleurs, tournées vers Lenie. Est-ce qu'elle viendra aujourd'hui ? Va-t-elle au moins daigner m'accorder un regard ? Je m'accroche à cette idée, jusqu'à ce que Candice s'approche à nouveau, visiblement hésitante.

"Lenie... ne viendra pas," m'annonce-t-elle, l'air désolée.

Je sens mon cœur se serrer à cette nouvelle, et mon souffle devient difficile à retrouver. La déception est si vive qu'elle me prend par surprise, mais je me contente d'acquiescer, cachant mes émotions. Après tout, je m'y attendais. À vrai dire, c'était probablement trop demander.

L'entraînement se passe difficilement. Mon esprit est ailleurs, et malgré mes efforts pour rester concentrée, je n'arrive pas à donner le meilleur de moi-même. Margot finit par s'en apercevoir et propose d'écourter la séance, prétextant que tout le monde a besoin de repos avant le match de vendredi. Ses mots résonnent en moi, rappelant l'importance de cette dernière épreuve, de cette année de travail à ne pas gâcher. Elle a raison, et j'essaie de me ressaisir, de me rappeler que l'équipe a besoin de moi.

Axel propose de me raccompagner, mais je décline gentiment. J'ai besoin de cette solitude, de ces moments où je peux me laisser aller sans avoir à me justifier. Margot me regarde longuement, l'air inquiet, mais elle respecte mon besoin de distance. Je les remercie tous les deux et quitte le gymnase, la tête remplie de pensées contradictoires.

Chez moi, l'air est lourd, pesant. Les murs semblent se rapprocher, et j'ai cette impression d'étouffer dans ce silence oppressant. Je me laisse tomber sur le canapé, fixant mon téléphone comme s'il pouvait m'apporter des réponses, ou au moins, la présence de Lenie à travers quelques mots. Je lui envoie un dernier message, hésitante, m'accrochant au moindre espoir.

Moi : "Je t'en prie, Lenie. Juste une chance de m'expliquer. Si tu as encore un peu de confiance en moi, accorde-moi au moins ça."

Le message reste sans réponse, comme les autres. Je tente alors de l'appeler, mais une fois de plus, je tombe sur son répondeur. Sa voix, mécanique, résonne dans le silence, et je m'effondre.

Dans un geste désespéré, je laisse un dernier message vocal, ma voix tremblante, empreinte d'une émotion que je ne peux plus contenir.

"Lenie, je sais que j'ai tout gâché. Je sais que tu m'en veux. Mais je t'assure que ce que Virginie a fait... Je n'ai jamais voulu te blesser. Je t'aime, Lenie. Peut-être que tu ne voudras plus jamais de moi dans ta vie, et je le comprendrai. Mais si tu ressens encore quelque chose, n'importe quoi, laisse-moi une chance. C'est tout ce que je demande."

Je raccroche, la gorge serrée, sentant mes yeux s'embuer. Peut-être qu'elle ne me rappellera jamais. Peut-être que c'est vraiment la fin. Mais au fond de moi, j'espère encore, désespérément. 

Ce que nous sommes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant