Chapitre 92 : Dernier regard, dernier espoir

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Chapitre 92 : Dernier regard, dernier espoir

Le jeudi arrive enfin, et avec lui, ce mélange habituel de nervosité et d'espoir que je ressens toujours avant de retrouver Lenie, même si nos interactions se résument, ces derniers temps, à des regards esquivés et des silences lourds de sens. Mon cœur bat la chamade en me rendant au terrain de basket pour l'entraînement, sachant que demain soir, c'est jour de match. Ce match, il est crucial pour l'équipe, et peu importe mes problèmes personnels, je dois rester concentrée. Mais au fond, une petite voix me chuchote que Lenie sera peut-être là, et que, peut-être, elle me laissera enfin lui parler.

Lorsque j'arrive sur le terrain, je la vois. Elle est là, avec les autres, concentrée sur ses étirements, ses cheveux tirés en arrière, le regard farouchement fixé droit devant elle. Elle ne me regarde pas. Pas un coup d'œil, pas une once d'attention. Son silence est assourdissant, et même si je m'y attendais, ça fait toujours aussi mal. Je la dévore des yeux, me demandant si elle ressent ne serait-ce qu'un peu ce que je ressens, ou si tout ce que nous avons partagé est déjà réduit à un souvenir.

Margot et Candice, toujours à l'écoute et prêtes à m'aider, semblent percevoir mon malaise. Elles se glissent près de Lenie, l'une d'un côté, l'autre de l'autre, et commencent à murmurer, presque à l'implorer. Je capte quelques mots ici et là : "Donne-lui une chance... quelques minutes, c'est tout ce qu'elle demande." Mais Lenie ne semble pas convaincue. Elle secoue doucement la tête, évitant soigneusement de croiser mon regard. Je détourne les yeux, essayant de ne pas laisser la déception m'envahir complètement.

L'entraînement se déroule dans une tension palpable. Chaque passe, chaque tir, chaque échange semble plus intense que d'habitude, chargé d'une émotion que je peine à contenir. J'essaie de rester concentrée, mais la présence de Lenie, si proche et si lointaine à la fois, me perturbe plus que je ne veux bien l'admettre. Les rares fois où nos regards se croisent brièvement, c'est comme si elle me reprochait quelque chose en silence, et je n'arrive pas à ignorer ce poids. Mais je continue, je m'accroche. Demain soir, c'est le match, et pour l'équipe, je dois rester forte.

À la fin de l'entraînement, je m'apprête à quitter le terrain, résignée, me disant que je n'aurai pas l'opportunité de lui parler aujourd'hui encore. Mais, contre toute attente, Lenie reste. Elle range ses affaires lentement, jetant de temps en temps un regard furtif autour d'elle pour s'assurer que tout le monde s'éloigne. Mon cœur se remet à battre plus vite, et je me rapproche d'elle, hésitante, prête à saisir cette chance qu'elle m'accorde enfin.

Je prends une grande inspiration, rassemblant tout mon courage. Les mots se bousculent dans ma tête, mais il faut que je lui explique, que je lui dise la vérité.

"Lenie, je... je sais que tout ça te semble fou, et honnêtement, je comprends. Mais cette photo, cette nuit-là, ce n'était pas ce que tu crois. Virginie m'a harcelée de messages. Elle voulait que je lui parle, que je lui donne une chance d'expliquer ce qu'elle m'avait fait. J'avais besoin de clore ce chapitre, de la voir pour en finir."

Elle m'observe, les bras croisés, son visage dur, presque incrédule. Un léger frémissement de ses lèvres trahit une émotion, mais elle ne flanche pas.

"Tu comprends pourquoi c'est compliqué pour moi, Helena ? Cette photo... je la connais par cœur. C'était ta chambre, ton lit. Et tu étais... presque nue. Même si Virginie n'était pas visible, je savais que c'était elle. Comment veux-tu que j'interprète ça ?"

Chaque mot me frappe comme un coup. Elle doute de moi, elle doute de ce que je lui raconte. Et ça fait un mal de chien. Pourtant, je m'accroche. Je ne peux pas la laisser penser ça.

"Lenie, je t'assure, il n'y a rien eu entre Virginie et moi. Elle voulait juste... elle voulait me manipuler, comme elle l'a toujours fait. J'ai commis une erreur en la laissant revenir, même quelques instants. Mais je t'en supplie, crois-moi. Je n'ai jamais voulu te blesser."

Elle secoue la tête, son regard toujours aussi dur.

"Je ne sais pas, Helena. J'ai du mal à croire tout ça. Ton histoire est trop tirée par les cheveux. Tu as peut-être raison, peut-être que tu dis la vérité, mais pour moi, c'est trop compliqué."

Sa voix tremble légèrement, et dans son regard, je perçois la douleur, la déception. Elle hésite un instant, cherchant ses mots avant de reprendre.

"Depuis le début, entre nous, c'est compliqué. On a eu tellement de bas, tellement de disputes et de malentendus. Je n'en peux plus de ça, Helena. Ce n'est pas ce que j'attends d'une relation."

Ses paroles tombent comme une sentence, lourdes de vérité. Elle a raison. Depuis le début, nous avons eu plus de bas que de hauts, plus de larmes que de rires, et cette constatation me transperce le cœur. Elle attend quelque chose de simple, de stable, quelque chose que je n'ai pas su lui offrir. Et moi, je suis là, essayant encore de rassembler les morceaux d'une histoire qui semble vouée à l'échec.

"Je comprends, Lenie," murmuré-je, la gorge serrée. "Mais demain, c'est le match. Est-ce que tu crois que... tu sauras faire la part des choses ? L'équipe a besoin de toi, et moi aussi."

Elle hausse un sourcil, surprise, puis un sourire amer se dessine sur son visage.

"C'est bien ça, Helena. Toujours le basket, toujours l'équipe, toujours tout sauf... nous. C'est pour ça que ça ne marche pas, tu comprends ? Moi, j'aurais tout fait pour toi. Tout. Mais toi... toi, tu penses au basket, encore et encore."

Ses mots m'écrasent. Elle a raison, peut-être. Peut-être que j'ai trop souvent mis le sport en premier, que je me suis réfugiée dans ce que je connais, dans ce que je sais contrôler. Peut-être qu'elle mérite mieux, quelqu'un qui saurait lui donner toute l'attention qu'elle mérite. Mais ça me tue de l'entendre dire ça, de voir cette douleur dans ses yeux, de réaliser que c'est peut-être moi, le problème.

Le silence s'installe entre nous, lourd et oppressant. Je cherche les mots, mais rien ne vient. J'aimerais lui dire que je l'aime, que le basket n'est qu'un moyen pour moi de garder la tête hors de l'eau, que sans elle, je suis perdue. Mais elle n'en croirait pas un mot, pas après tout ce que nous avons traversé.

"Je suis désolée, Lenie," fini-je par murmurer, la voix brisée. "Désolée de n'avoir pas su être celle qu'il te fallait. J'aurais voulu que tout soit différent."

Elle hoche la tête, ses yeux brillant d'une tristesse que je n'oublierai jamais.

"Moi aussi, Helena. Moi aussi."

Elle se détourne lentement, son sac sur l'épaule, prête à partir. Et cette fois, je sais que je ne la retiendrai pas. Elle s'éloigne, et avec elle, c'est tout un pan de mon cœur qui s'effondre. Je reste là, figée, le regard perdu, tentant d'assimiler ce qui vient de se passer. C'est fini. Définitivement.

Je me retrouve seule, sur ce terrain qui avait été témoin de tant de nos moments, de nos rires, de nos disputes, et je me sens vide, dépossédée de tout. Demain, il faudra que je sois forte pour le match, pour l'équipe, pour le peu qu'il me reste encore. Mais ce soir, je me permets de craquer, de laisser les larmes couler, de me laisser aller à cette douleur qui me déchire de l'intérieur.

Dans le silence de la nuit, je murmure son nom, comme une prière, un dernier adieu. 

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