Chapitre 80 : Dans l'obscurité de la nuit.

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Chapitre 80 : Dans l'obscurité de la nuit.

La soirée avait enfin pris fin. Peu à peu, nos amis étaient partis, certains en Uber, d'autres à pied, en silence ou dans des éclats de rire étouffés. Les derniers irréductibles dormiraient ici, comme toujours après une fête qui s'étirait jusqu'aux premières heures du matin. Candice et Pierre avaient leurs habitudes, et Julien, bien trop éméché pour envisager de reprendre sa moto, s'était étalé sur le canapé du salon que nous avions ouvert, Amélie veillant sur lui comme une mère bienveillante.

Dans l'obscurité paisible de l'appartement, tout semblait enfin calme. Après avoir apporté à Julien une bouteille d'eau et un seau, au cas où il en aurait besoin, je jetai un dernier coup d'œil autour de moi. Tout était en ordre pour une nuit de repos mérité, mais quelque chose clochait. Lenie, debout à quelques pas, semblait perdue dans sa propre bulle.

Je restai un instant immobile, à observer la manière rigide et distante dont elle repliait les couvertures. Sa posture était une réponse en soi. Depuis le début de la soirée, elle n'avait pas été elle-même. Pourtant, je n'avais cessé de la chercher des yeux, de sourire vers elle, de capter son regard... mais elle semblait ailleurs, accrochée à cette réserve étrange et froide que je ne lui connaissais pas.

Alors qu'elle se redressait, un air fatigué sur le visage, je m'approchai doucement, murmurant pour ne pas réveiller les autres :

« Laisse-moi faire, Lenie. Va te changer, je m'occupe du reste. »

Elle hocha la tête sans un mot, s'éclipsant vers la salle de bain, sans même un regard en arrière. À peine un murmure d'approbation, un silence lourd qui se referma sur moi avec un poids que je n'avais pas ressenti depuis longtemps.

Je finis de faire le lit, rangeant les coussins dans le fond et tirant la couette avec des gestes lents et mesurés, comme pour me donner le temps de comprendre ce qui n'allait pas.

Quand Lenie réapparut, elle se glissa sous la couette, le dos tourné vers moi, son téléphone en main. Une distance invisible s'étirait entre nous, une barrière fragile mais terriblement palpable. J'allumai la télévision, cherchant distraitement quelque chose à mettre en fond sonore, mes pensées divaguant sans cesse vers elle.

Finalement, je me tournai vers elle, incapable de supporter plus longtemps ce silence pesant.

« Lenie, dis-moi ce qu'il y a. »

Elle souffla longuement, les yeux toujours fixés sur son écran, un soupir lourd de non-dits et d'émotions comprimées.

« Y a rien, Helena. Laisse tomber. »

Je fronçai les sourcils. « Non, je sens bien qu'il y a quelque chose. T'as été distante toute la soirée. »

Un moment de silence suivit, puis elle posa enfin son téléphone, se tournant légèrement vers moi. Ses yeux sombres brillaient d'une lueur trouble, mélange de reproche et de blessure que je n'arrivais pas à percer.

« Ça m'a saoulée, d'accord ? »

« Qu'est-ce qui t'a saoulée ? » soufflai-je, de plus en plus inquiète.

Elle soupira de plus belle, détournant les yeux, comme si formuler les mots rendrait les choses encore plus difficiles.

« Toi et Maia, à rire ensemble pendant des heures... Comme si... comme si elle était spéciale pour toi. »

Je la regardai, interdite. Maia était une amie, rien de plus. Mais dans les yeux de Lenie, cette réalité semblait floue, teintée d'une jalousie que je n'aurais jamais anticipée.

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