VIII - ALL NIGHT

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Chapitre 34

Samedi 17 juin 2017

Il ne suffit que de quelques secondes pour se faire une opinion, bonne ou mauvaise, à partir de l'apparence d'un interlocuteur. Et si l'on sait qu'il ne faut pas « juger un livre par sa couverture », nous le faisons pourtant naturellement. Olivier a passé la porte de l'appartement il y a à peine une demi-heure, et je dois reconnaitre que ma première impression est plutôt bonne. Si je devais le décrire en quelques mots, ces derniers seraient : grand, élégant et charmant. Avec ses faux airs de Gilles Lellouche, je comprends mieux pourquoi ma mère est tombée sous son charme.

- Du vin ? propose maman à notre invité.
- Avec plaisir.
- Sybille, Noé ? Qu'est-ce que vous voulez boire ?
- Du jus de fruits, s'il te plait, s'empresse de répondre mon petit frère.

J'acquiesce d'un mouvement de tête pour valider son choix quand Olivier poursuit la conversation en s'adressant à moi :

- Tu ne bois pas d'alcool ?
- Très rarement, souris-je, poliment.
- Ça, c'est une bonne chose.
- Sybille est jeune fille sérieuse, je n'ai pas à me plaindre, annonce ma mère, fièrement.

L'ambiance est étrange. Olivier a beau être sympa au premier abord, je n'ai pas envie d'être ici et visiblement, je ne suis pas la seule. Noé me lance des regards amusés qui en disent long. Il préférait sans doute jouer à la PlayStation ou bien regarder des vidéos sur YouTube. Quant à moi, je n'arrête pas de repenser à ma discussion avec Rayan et son numéro de pauvre petite victime. « Je sais pas ! On sort ensemble à plusieurs reprises, le feeling passe bien, tout ça pour que tu me laisses en plan ? Je comprends plus rien ! » J'ai beau être énervée, je ne sais pas quoi en penser. On ne s'est jamais rien promis, alors pourquoi agir de la sorte ? Je trouve que sa réaction est vraiment disproportionnée.

Je remercie ma mère pour mon verre de jus de fruits lorsqu'elle prend place à côté de moi. Sa main vient se poser sur ma cuisse et je prends ça pour un : « Sybille, fais un effort, je t'en supplie. » Je soupire, discrètement. Au diable mes conversations houleuses avec Rayan, je dois me reconcentrer. Après tout, je suis là pour apprendre à connaitre le nouveau petit ami de ma mère, non ?

- Vous avez des enfants ? lancé-je, spontanément.

Un sourire se dessine sur son visage.

- Vous ? Je serais beaucoup plus à l'aise si tu me tutoies, Sybille.
- Très bien, dis-je, simplement.
- Et pour répondre à ta question, non, je n'ai pas d'enfant.
- Sérieux ? intervient Noé, surpris.
- Noé..., le reprend ma mère.
- Et vous en voulez ? enchainé-je, frôlant l'indiscrétion.
- Non, j'ai passé l'âge, dit-il visiblement amusé. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'être père mais ma sœur a trois enfants et je prends plaisir à m'occuper d'eux comme un tonton gaga.
- C'est astucieux, marmonne Noé.
- Astucieux ? Pourquoi ça ? sourit Olivier.
- Au moins vous les voyez que pour les bons moments.
- Ça, c'est pas faux !

L'ambiance est aussitôt détendue, Noé semble absorbé par la conversation et moi y compris. Olivier enchaine rapidement sur nos études et nos projets d'avenir. Mon petit frère s'empresse de le baratiner avec ses rêves de petit garçon, ce qui nous pousse à sourire. Quant à moi, je lui raconte vaguement mon parcours ainsi que mes souhaits qui n'ont pas abouti. Je parle évidemment de l'Australie. Le petit ami de ma mère m'écoute, intéressé. En réalité, je pense que la discussion pourrait durer des heures. Il est agréable de parler avec lui. Moi qui avais peur qu'il soit le genre d'homme prétentieux qui rabâche à tout bout de champ qu'il a réussi sa vie car voyez-vous, Monsieur est neurochirurgien. Comme quoi, je me suis trompée. Olivier est très attentif et ça, j'apprécie énormément.

Alors que ma mère s'apprête à faire réchauffer une deuxième fournée de petits fours, la sonnette de l'interphone résonne soudainement, ce qui me coupe dans mon échange. Cette dernière déverrouille la porte à l'aide du boitier et je me lève du canapé, souriante. Il faut moins d'une minute à Mathieu pour rejoindre mon palier. Ses phalanges frôlent à peine la porte que je suis déjà en train de lui ouvrir. Je le regarde attentivement quand il vient embrasser mes lèvres en guise de bonsoir. Il porte un jean, des baskets et un sweat de couleur orange. Je me pousse légèrement afin de le faire entrer dans l'appartement. Je peux sentir le regard insistant de ma mère à des kilomètres. Mathieu quant à lui semble plutôt à l'aise.

- Bonsoir.
- Bonsoir, rétorquent-ils dans une symbiose totale.

Noé ne perd pas de temps et se lève du fauteuil afin de saluer mon petit ami.

- Yeah, PLK !
- Bien ou quoi, petit gars ! sourit Mathieu en lui ébouriffant les cheveux.
- Tranquillou.
- Vous vous connaissez ? lance notre mère, surprise.
- Ouais, on s'est vu plein de...
- Oui, ils se sont croisés à plusieurs reprises en bas du bâtiment, le coupé-je.
- En tout cas, je suis ravie de faire ta connaissance. Je me présente, Yaëlle, la maman de Sybille et voici mon ami, Olivier.
- Enchanté.

Mathieu salue ma mère avant de tendre sa main à Olivier. J'ai beau être à l'aise, la situation est légèrement embarrassante...

- Tu veux boire quelque chose ?
- No...
- Non, ça ira. On risque d'être en retard, reprends-je, de plus belle.
- Vous sortez ?
- Oui.

À vrai dire, je n'ai aucune idée du programme de la soirée mais rester ici n'est pas une bonne idée. Voyant ma détresse, Mathieu me porte rapidement secours en prenant la parole :

- Un de mes amis fête son anniversaire.
- Inutile de faire le discours de la maman inquiète ? sourit-elle.
- Non, vous pouvez compter sur moi, Madame.
- On ne vous retient pas plus alors.

Je récupère mon sac, prête à partir :

- Olivier, à bientôt ?
- À bientôt, Sybille.
- Au plaisir, sourit Mathieu.

C'est soulagée que je passe la porte de l'appartement au bras de mon copain. Décidément, cette rencontre était rapide mais efficace.

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant