Chapitre 19
Mathieu
Jeudi 23 juillet 2020
Installé sur ma serviette, mes lunettes sur le nez, j'observe attentivement l'horizon. Les paysages de Coti-Chiavari m'avaient manqué. Pourtant, j'appréhendais de remettre les pieds ici après toutes ces années. Difficile d'oublier mes attaches, mes repères, mes souvenirs... La situation est moins désagréable que je ne l'aurais pensé et je dois admettre que retrouver ce petit coin de paradis me fait énormément de bien, mais ça, c'est en partie grâce à elle. Je parle évidemment de la jolie blonde au maillot de bain bleu pastel qui se trouve sur la serviette d'à côté. Si elle n'était pas là, je serais sans doute en train de ressasser le passé avec nostalgie. Le moral en aurait encore pris un coup, comme si ce dernier n'avait pas déjà assez morflé.
Je tire sur ma cigarette, pensif, avant de poser mon regard sur mon ex, discrètement. Qui aurait imaginé quelques mois plus tôt que je me retrouverais sur cette plage avec elle ? Sérieusement ? Tout ça est insensé ! Mais parfois, la vie nous réserve de drôles de surprises. Je m'apprête à tirer une nouvelle fois sur mon mégot, quand son rire se fait entendre. Sybille s'esclaffe face à Léa et je me surprends en train de sourire. Son rire a toujours été l'un de mes points faibles. Il est doux, tendre, sincère. Mais si je suis totalement honnête avec moi-même, ce n'est pas mon seul talon d'Achille, ça, non. En réalité, cette fille l'est à elle toute seule.
Je baisse mes yeux sur le sable, soucieux. Ces dernières années n'ont pas été évidentes, j'ai du mal à croire que Sybille ait toujours cet impact sur ma personne. Je veux pas paraître fleur bleue ou encore même pire, romantique, mais je pense que cette fille aura toujours une place très spéciale dans mon cœur, que je le veuille ou non.
Ce matin, les vacances ont commencé dans la bonne humeur. Ma cohabitation avec Lesram se passe bien, même si je pourrais confesser qu'elle est beaucoup moins fun qu'en 2017. Les rapports humains avec Sybille étaient... comment dire ? Différents ? Déjeuner avec mes amis m'a fait réaliser à quel point j'avais besoin de cette pause. Je me bats pour faire du rap depuis mes quatorze ans, je m'éclate dans ce que je fais, je donne le meilleur de moi-même pour accomplir mes objectifs mais tout ça me prend beaucoup d'énergie. Me retrouver en Corse dans un village coupé du monde pour quelques jours et profiter des miens me rend heureux et j'en avais besoin.
Après le déjeuner, tout le monde est tombé d'accord : la plage ! Cette année, la grande nouveauté c'est le jet-ski. Le père de Léa a investi dans un Kawasaki de la gamme STX. Un vrai bijou, de quoi affoler notre petite équipe. Il est stationné près du ponton flottant sur la plage privative, en contrebas de la villa. Inutile de préciser que depuis notre arrivée, il n'a pas chômé.
- J'ai remis de l'essence si ça t'intéresse, s'approche Aladin. Tu devrais aller faire un tour.
- J'attendais que tu finisses avec ta dulcinée.
- J'y suis allé doucement, Mademoiselle a peur quand j'accélère trop, avoue-t-il, blasé.
- En même temps, bébé, un peu plus et je tombais à l'eau, précise Hanaé.
- Estime-toi heureuse de ne pas être montée avec l'un d'eux. Adrien, lui, il temporise au moins, se mêle Léa.
- Voilà, dis-lui ! Merci, ma sœur !
- C'est sûr qu'à côté d'Adrien, avec elle, t'aurais survolé les vagues, sourit Lesram.
- Less a raison, c'est une folle furieuse en jet, intervient Anis.
- Et encore tu l'as pas vue avec son frère, j'arrivais même pas à les suivre.
- T'abuses..., râle-t-elle, d'un air étrangement mignon.
- Comme quoi, Léa a de drôles de qualités, la chambre Ilyès.
- Ouais et si tu veux savoir, elle en a pas qu'une seule.
- Ouh la, la discussion dérive là, non ? T'en dis trop, mon pote, ça suffit, on va en rester là, grimace-t-il.On sourit, amusés, mais personne ne relève, ne préférant ne pas gâcher ce petit moment de complicité. Léa semble enjôlée par les paroles de son ex. Décidément, les choses ont l'air de s'arranger. J'en profite pour écraser ma cigarette dans un paquet vite et me relève de ma serviette, prêt à retrouver ce fameux bolide.
- Je me lance ! Quelqu'un veut m'accompagner ?
- Sybille ? l'interroge Ormaz, spontanément.
Prise de court, elle l'observe, mal à l'aise.- No... Non, je vais pas l'embêter, bafouille-t-elle.
- Tu m'embêtes pas, affirmé-je.
- Oui, c'est vrai ça, pourquoi tu l'embêterais ? insiste Léa.
- Je pense aussi que vous devriez aller faire un tour, continue Aladin, d'un ton léger.
- Bon, très bien, cède-t-elle.Un rayonnement se dessine sur son visage quand elle retire ses lunettes de soleil et les pose dans son sac en osier. Elle se relève pour venir me rejoindre.
- T'es sûr, ça ne t'ennuie pas ?
- Non mais si tu commences à m'ennuyer, j'ai la solution.
- Ah oui, laquelle ?
- Un coup de guidon et tu finis à l'eau.
- N'y pense même pas, Pruski.
- Dommage, dis-je simplement en haussant les épaules.Elle mord sa lèvre inférieure, amusée, et nous marchons jusqu'au ponton qui se trouve à quelques mètres pour atteindre le jet-ski. Installés, je ne perds pas une seconde et démarre le scooter des mers, direction le large.
- C'est ta première fois ? demandé-je.
- Oui, avoue-t-elle, enthousiaste.
- Décidément, tes premières fois tombent toujours avec moi.Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, l'air malicieux que j'arbore en dit long. Sybille se contente de me fixer avec un sourire décomplexé qui laisse sous-entendre que j'ai raison.
C'est à une allure correcte que je longe la côte. Ma vitesse est raisonnable mais tout de même appréciable. Après une dizaine de minutes à surfer sur la mer, c'est près d'une crique que je décide de stopper le jet au beau milieu de l'eau turquoise. Une pause rapide pour observer les poissons qui nous entourent.
- Regarde, il y en a une trentaine ! dis-je en les montrant du doigt.
- C'est impressionnant, le coin est magnifique.
- Alors tu regrettes pas ?
- Regretter quoi ?
- Je sais pas, d'être venue avec moi.
- Tu sais très bien que non.Un silence se fait entendre quand elle reprend de plus belle :
- On est d'accord qu'ils ont fait du forcing ? constate-t-elle, égayer.
- Ouais, je crois qu'ils aiment bien nous revoir ensemble.
- Ils sont nostalgiques.
- Peut-être qu'ils sont pas les seuls.Je n'ai même pas le temps de regretter ma phrase que son regard se plonge dans le mien. Durant quelques secondes, je retrouve notre connexion d'antan mais pris de panique, je coupe net à ce moment digne d'un film Netflix, pour reprendre brusquement :
- Un conseil, tiens-toi.
Ni une, ni deux, j'appuie sur l'accélérateur. Je sens les mains de Sybille m'agripper de justesse avant d'enlacer ma taille fermement. Les vagues sont présentes mais personnellement, ça ne m'arrête pas pour autant. J'ai envie de faire tirer le moteur et je compte bien m'amuser un peu. Durant ce petit moment de folie, l'eau nous éclabousse strictement, mais cela ne semble pas déranger ma partenaire qui en redemande davantage. Après une vingtaine de minutes à tout donner, je me rapproche doucement du ponton et enjambe de façon à me retrouver sur ce dernier pour attacher le jet-ski à sa place habituelle.
- Alors ? Verdict ?
- Hanaé n'aurait pas survécu à cette balade, c'est sûr, lâche-t-elle d'un ton léger en essorant ses cheveux.
- J'en conclus que toi oui ?
- Oui, c'était génial !
- C'est toujours mieux de faire sa première fois avec un pilote.
- Un pilote, carrément ?
- Toutes catégories confondues.
- Merci pour la précision, dit-elle en plaisantant, comprenant l'allusion. Je remarque que le pilote est un dragueur.
- J'irais pas jusque-là.
- Il fait ça avec toutes ses passagères ?
- C'est-à-dire ?
- Accélérer pour que la fille se colle un peu plus à lui ?
- Non, ça c'est uniquement pour les ex-copines en vacances.
- Je suis chanceuse alors, en tout cas, c'était pas désagréable.Son sourire s'élargit de plus belle quand elle descend du jet-ski pour rejoindre la plage. Je l'observe s'éloigner, un air niais sur le visage, tandis que les autres s'empressent d'avoir son ressenti.
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ALL NIGHT - PLK
FanfictionUne histoire comme les autres ? Détrompez-vous, vous n'êtes pas au bout de vos surprises. ▫️Sybille Vasilis ▫️Mathieu Pruski