ALL NIGHT - PLK

IX - UN PEU DE HAINE

Chapitre 30

Mercredi 5 août 2020

- Non mais j'hallucine, t'as un lien de parenté avec Edward Cullen, ou quoi ? râle-t-elle en ouvrant les volets du salon.

Je n'ai pas le temps de réagir à sa réplique que la luminosité fait intrusion dans la pièce. Prise de court, je prends la première chose qui me passe sous la main et recouvre mon visage pour ne pas être éblouie. Cela fait moins d'une minute que Nour a passé la porte de cet appartement et je ressens déjà les conséquences de ce remue-ménage. Est-il trop demandé de rester seule quelques jours de plus ? Je soupire, réalisant que je suis condamnée à faire un effort malgré moi. Après tout, elle ne partira pas d'ici sans avoir eu ce qu'elle veut, alors à quoi bon luter ? Je retire délicatement le coussin de mes yeux pour les habituer à la clarté soudaine et me redresse, déprimée.

- « Nos étoiles contraires » ? Sérieusement ? Tu veux te foutre en l'air ?

Ma meilleure amie s'empare de la télécommande et quitte aussitôt la plateforme de streaming avant de prendre place sur le fauteuil, face à moi. Son regard en dit long. L'heure des remontrances serait-elle arrivée ?

- Je sais que cette dispute avec Mathieu te pèse énormément, mais tu ne peux pas rester enfermée chez toi dans le noir, à regarder des films horriblement tristes.
- Et pourquoi pas ?
- Sybille..., dit-elle en roulant des yeux, désespérée. Tu n'as même pas terminé la rénovation de tes tables de chevet alors que ça te tenait à cœur.
- Je n'ai pas la tête ça...
- Et donc, c'est quoi la solution ? Tu restes ici pour toujours ? Tu comptes assister à mon mariage en FaceTime, c'est ça ? me questionne-t-elle, dépassée.
- Hey ! m'offusqué-je en lui lançant un coussin.
-  Évidemment, je ne te laisserai pas en arriver là, corrige-t-elle.
- Sache que ce n'est pas envisageable.
- Me voilà rassurée !

Prise d'un élan de motivation, je me lève afin de rejoindre la cuisine pour aller me chercher un verre d'eau.

- Donc j'en conclus que tu n'as aucune nouvelle de Mathieu ?
- Aucune.
- Il est agaçant ! Sérieusement, toi et Sacha, ça n'a aucun sens.
- C'est pas toi qui voulais me caser avec lui, il y a encore de ça quelques semaines ? demandé-je le sourire léger.
- J'ai dit ça pour te changer les idées mais on sait tous que Mathieu n'a aucune concurrence ! Et ça, avec tous les garçons de la terre, visiblement...
- Il faudrait peut-être lui expliquer, je crois qu'il n'a pas encore compris.
- Malheureusement, les hommes ne sont pas très réactifs sur le sujet. Et Sacha ? Toujours rien ?
- Il a essayé de me contacter à plusieurs reprises mais je n'ai répondu à aucun de ses messages. Je n'arrive toujours pas à croire qu'il ait osé me dire tout ça.
- Tu sais, les gens disent parfois des choses stupides sur le coup de la colère.
- J'en suis consciente. Le problème, c'est que je suis partagée entre la colère et la gêne. Je me sens coupable de lui avoir laissé penser que notre relation pouvait évoluer.
- Je te connais, Sybille, tu n'as rien à te reprocher. Tu es une femme adorable et... Les hommes pensent parfois que la gentillesse et la complicité sont une porte ouverte à plus. Sacha n'est pas un méchant garçon, même si je dois t'avouer que si je le croise, il aura le droit aux douces paroles de Nour Madani.

Un sourire se dessine sur mon visage.

- Mathieu reviendra, il comprendra son erreur, reprend-elle d'un ton plus sérieux.
- J'en sais trop rien... Tu sais, avec tout ce qu'il s'est passé, je me demande si j'ai bien fait de revenir ici.
- Retire immédiatement ce que tu viens de dire ! Tu as pensé à ta mère ? À Noé ? À Olivier ? À moi ? On est ravis de te ravoir parmi nous !
- Et je suis heureuse de vous avoir retrouvés, mais je me demande si Clamart est encore une ville pour moi. Ici, tout me rappelle Mathieu, c'est difficile d'y voir clair.
- Écoute, est-ce qu'on pourrait laisser Mathieu de côté quelques heures ? C'est quand la dernière fois que tu as mangé ?

Je me stoppe un instant, réalisant que je ne sais même plus à quand remonte mon dernier repas. Tout ça devient grave...

- Hier midi, il me semble.
- Seigneur, tu es inconsciente ! Je vais voir ce que je peux faire pour remédier à ça, tu veux ?
- La cuisine est tout à toi !

Je souris, attendrie par la volonté de mon amie à vouloir me remettre sur pieds.