X - MEILLEUR CAUCHEMAR

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Chapitre 35

Mathieu

Dimanche 16 août 2020

C'est avec le sourire aux lèvres que j'observe les doigts de Sybille caresser tendrement mon torse
tandis que celle-ci est blottie contre moi. Si je devais désigner un mot pour décrire l'instant présent, j'utiliserais sans doute le mot « bonheur » ou l'un de ses nombreux synonymes.

La nuit a été courte. D'une part à cause du mariage, mais pas que... L'invitation de mon ex-petite amie à monter chez elle pour boire un verre m'a surpris. Et même si j'espérais un rapprochement, j'étais loin de me douter de ce qui allait suivre. Les choses se sont faites naturellement, c'était spontané, incontrôlé, incontrôlable. Ça faisait des années que j'espérais secrètement revivre un moment comme celui-ci. Sybille est tellement différente de mes autres relations. J'ai couché avec pas mal de filles dans le passé, ce n'est pas une fierté mais plutôt un constat. Loin de moi l'idée de paraître fleur bleue, mais pratiquer le sexe en étant amoureux change complètement la donne. C'est une sensation que j'avais déjà avec elle à l'époque mais qui s'est intensifiée avec le temps. D'ailleurs ce matin, j'ai enfin réussi à m'ouvrir, chose que je n'avais jamais faite auparavant. Le mot fatidique est finalement sorti de ma bouche après toutes ces années. Pour être franc, ce n'était pas prémédité, c'était juste instinctif et sincère.

Je caresse ses cheveux délicatement, Sybille n'a pas prononcé le moindre mot depuis plusieurs minutes. Je remarque son regard pensif, ce qui me fait aussitôt réagir :

- À quoi est-ce que tu penses ?

Elle se redresse doucement afin de me faire face. Ses lèvres viennent se poser sur les miennes pour y déposer un simple bisou avant de me fixer affectueusement.

- À nous. Tout ça est complément fou.
- Comment ça ? demandé-je, perplexe.
- Tu m'expliques pourquoi on a attendu si longtemps ?
- Parce qu'on est prudents ? la questionné-je, sans conviction.
- C'est stupide, non ?
- Oui et non. Si ça s'est passé comme ça, c'est qu'il doit y avoir une raison.
- Philosophe ? sourit-elle.
- À mes heures perdues, rétorqué-je, d'un ton léger. Pourquoi toutes ces questions ?
- J'ai l'impression d'avoir perdu mon temps.
- Quoi, je te manquais tant que ça ? la taquiné-je.
- T'as même pas idée, Pruski.

Je la tire vers moi pour l'embrasser à nouveau. Cette dernière répond de bon cœur et le baiser devient de plus en plus sensuel.

- T'as encore de l'énergie pour ça ? m'interroge-t-elle, amusée.
- Honnêtement ?
- Honnêtement !
- C'est une possibilité, mais serai-je encore à la hauteur après tous ces rounds ?
- Je sais même pas comment on fait pour tenir encore éveillés.
- La fatigue ne fait visiblement pas le poids face à nos retrouvailles.
- C'est pas faux, dit-elle en mordant sa lèvre inférieure. Je dois reconnaître que c'était une nuit courte mais inoubliable.
- Je suis d'accord.

Elle m'observe un instant, puis reprend, dubitative :

- Nous deux c'est reparti comme avant ?
- C'est ce que tu veux ?
- Et toi ? C'est ce que tu veux ?
- Ouais, évidemment.
- Alors promets-moi qu'on fera les choses bien cette fois-ci.
- Promis.

Je viens l'embrasser comme pour solidifier mes paroles quand mon téléphone qui se trouve sur la table de nuit se met à vibrer. Je tends mon bras pour empoigner ce dernier et remarque un message de Marie : « Salut, Mathieu, n'oublie pas ton rendez-vous avec la styliste. On t'attend au bureau à dix-sept heures. » Merde, ça m'était complètement sorti de la tête.

- Un souci ?
- Non, c'est Marie de chez Panenka, heureusement qu'elle vient de me relancer, j'étais à deux doigts de zapper mon rendez-vous de dix-sept heures.
- Oh... Tu dois partir ? demande-t-elle, déçue.
- Ouais, je vais pas tarder. Il faut que je passe chez moi me doucher et me changer. Si je me pointe au bureau en costume, ça risque de faire louche.
- Disons que ça change de ton style habituel, sourit-elle. C'est un rendez-vous pro ?
- Oui, je dois essayer des tenues pour le clip de demain. J'aurais pu voir ça le jour même, mais j'aime quand tout est carré.
- Un clip ? répète-t-elle réticente.
- Quoi ? souris-je.
- Avec des filles et tout ce qui s'ensuit ?
- Depuis quand je mets des filles dans mes clips ?
- Dis-moi oui ? High ? Problème ? débite-t-elle, spontanément.

Je ne peux m'empêcher de sourire à ses paroles. J'ai jamais été amateur des clips où les filles se dandinent dans tous les sens à moitié nues. J'essaie de faire soft. Pas de rapprochement physique, ou d'amourette à la con. Je suis pas là pour me donner en spectacle mais pour imager mes sons avant tout.

- Ah ouais, ils ont YouTube en Australie, lancé-je, en grimaçant. À part Dis-moi oui, tu peux rien me reprocher. Dans High c'est tellement subtil que ça compte pas. Elles sont en arrière-plan, habillées, loin de moi. Et dans Problème, je me fais martyriser par une meuf, y a rien de sexy. Contrairement aux autres rappeurs je suis clean, bébé.
- C'est vrai, j'abuse, avoue-t-elle, honteuse.
- Demain, aucune femme à l'horizon, juste Niska et moi en train de jouer les bandits. D'ailleurs, si ça te dit, tu pourrais venir sur le tournage ?
- C'est adorable mais je ne veux pas être intrusive, c'est ton travail et...
- Si je te propose c'est qu'il n'y a aucun souci, Sybille.
- T'es sûr ?
- Ma copine a tous les passe-droits.
- Je suis chanceuse, dis donc, dit-elle en se rapprochant dangereusement de moi. Si j'ai tous les passe-droits, tu n'y vois aucun inconvénient si je te mets un peu en retard ?

La façon dont Sybille se cambre en dit long sur les prochaines minutes. Je ne la contredis pas et l'embrasse. Après tout, je suis encore dans les temps.

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant