III - TÉNÉBREUX

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Chapitre 14

Mercredi 24 mai 2017

Lorsque je pousse la porte du bâtiment, la Golf grise de Mathieu est stationnée à quelques mètres moi. Ce dernier est assis à la place du conducteur, les yeux rivés sur son téléphone. Je me stoppe un instant, histoire de prendre mon courage à deux mains.
Pourquoi est-il ici ? Pour me parler ? Si tard ?
J'essaie de faire abstraction de toutes ces questions qui me passent par la tête et traverse pour atteindre le véhicule. Mathieu me remarque. Un magnifique sourire se dessine sur son visage, ce qui me rend encore plus nerveuse. Je prends sur moi et ouvre la portière afin de m'installer sur le siège passager.

-​ J'espère que je ne t'ai pas réveillée ?
-​ Je te rappelle que je suis en période de BAC, dis-je de façon détendue.
-​ Excuse-moi, j'avais oublié que t'étais une tête !
-​ Hey..., lancé-je en lui tapant doucement le bras.
-​ T'as beaucoup de révisions ?
-​ Beaucoup trop !

Je grimace, désespérée, quand il élargit son sourire. Bizarrement ma nervosité s'est volatilisée. C'est comme si Mathieu et moi on se connaissait depuis des mois. La conversation est fluide, sans embûche. Je me sens à l'aise.

-​ Qu'est-ce que tu fais ici ? reprends-je.
-​ Quoi ? Ça te surprend ?
-​ Disons que je ne m'y attendais pas. On s'est plus reparlé depuis l'autre jour et...
-​ Je suis désolé, j'avais quelques trucs à régler, me coupe-t-il. Tu sais, tu peux m'envoyer des messages toi aussi.
-​ Je ne veux pas te déranger, avoué-je, timidement.
-​ Depuis quand parler avec toi c'est dérangeant ?

Je sens mes joues rougir à sa réplique.

-​ Je prends note, souris-je.

Mathieu se penche légèrement pour ouvrir la boîte à gants et en ressort un petit pochon qui semble contenir de l'herbe. Il le glisse dans sa sacoche puis enchaine :

-​ Au fait... Je suis allé parler à Alix.
-​ Tu as quoi ? rétorqué-je, abasourdie.
-​ Tu peux me faire confiance, elle ne viendra plus te menacer.
-​ Qu'est-ce que tu lui as dit ?
-​ Ça, ce n'est pas important.

Je baisse les yeux, honteuse. J'ai beau détester Alix, je me sens coupable de me rapprocher de Mathieu.

-​ C'est qu'une foutue conne en manque d'attention !
-​ Peut-être, mais elle tient à toi.
-​ Sybille, je ne lui ai jamais rien promis alors arrête de te sentir coupable de la situation.

Mon regard croise le sien quand il se met à sourire.

-​ Pourquoi tu souris ?
-​ T'es mignonne à être jalouse.
-​ Moi ? Jalouse ? C'est une blague ? lancé-je sur la défensive.
-​ Arrête, tu serais encore à me bouder si je n'étais pas venu te reparler devant ton lycée.
-​ Possible...
-​ Tu vois, j'ai raison !
-​ Alors c'est pour ça que tu es venu jusqu'ici ? Pour me dire que tu avais parlé à Alix ?
-​ Non, j'avais juste envie de te voir.

Sa franchise me surprend. Je sens mes joues rougir à nouveau et c'est comme si je ne contrôlais plus rien. Pourtant, j'essaie de ne rien montrer.

-​ À vingt-trois heures ?
-​ Quoi ? C'est si difficile à croire ?
-​ Je suis son opposée, Mathieu.
-​ Et ? Tu ne t'es jamais dit que ça pourrait me plaire ?

Ses yeux se plongent dans les miens et je dois reconnaitre qu'il est doué. Combien de filles a-t-il séduites avec ce discours ? Des dizaines ? Des trentaines ? Des centaines ? Même si j'en meurs d'envie, je n'ai pas envie de tomber dans le panneau d'un rappeur qui collectionne les conquêtes. Je ne veux pas qu'il pense que tout est acquis avec deux jolies phrases et un sourire. Il me plait mais... je dois rester méfiante.

-​ Puisqu'on est dans les confidences, j'ai vu Rayan ce week-end, avoué-je.

Le visage de Mathieu se tend instantanément, ce qui me fait sourire intérieurement.

-​ Et ?
-​ Rien, je voulais juste que tu sois au courant.
-​ Vous êtes ensemble ?
-​ Non, bien sûr que non !
-​ Alors pourquoi tu m'en parles ?
-​ Pour pas que tu l'apprennes par quelqu'un d'autre, c'est tout.
-​ J'apprécie la démarche, dit-il, visiblement soulagé.

Une sonnerie de téléphone nous interrompt brusquement. Le nom d'un certain Lisko s'affiche sur l'écran de la voiture, Mathieu ignore ce dernier en refusant l'appel.

-​ Tu ne réponds pas ?
-​ Non, ce n'est pas important.

La sonnerie reprend à nouveau :

-​ T'es sûr ? souris-je. Je comptais y aller de toute façon, il se fait tard et...
-​ Demain t'as cours, c'est ça ?
-​ Malheureusement... On se voit bientôt ?
-​ J'attends ton message !
-​ Tu peux compter sur moi.

J'élargis mon sourire de plus belle et sors du véhicule pour rejoindre mon bâtiment. Comme à son habitude Mathieu attend que je sois entrée à l'intérieur pour démarrer.

Arrivée chez moi, je traverse l'appartement sur la pointe des pieds, ma mère et Noah dorment à poings fermés. J'en profite pour boire un verre d'eau et pars retrouver mon lit des questions plein la tête...

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant