II - HOMIES

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Chapitre 4

Dimanche 14 juin 2020

Immobile, j'observe attentivement la façade. Face à moi, une demeure des années 30, sublimement rénovée. Si je m'en remets à l'adresse envoyée par Léa la veille et au nom inscrit sur la boîte aux lettres, tout porte à croire que je me trouve au bon endroit.

Le portillon entrouvert, je m'avance dans la cour pavée. La décoration extérieure est épurée, seuls deux pots de buis se font remarquer sur l'extrémité des marches qui mènent à l'entrée principale. Arrivée devant la porte, j'éprouve une certaine appréhension. La petite voix dans ma tête ne peut s'empêcher de se questionner au sujet de Léa. Est-ce que tout ça est une bonne idée ? Se remémorer le passé, les histoires, les images ? Suis-je réellement prête à ça ? Je soupire, réalisant qu'il est un peu tard pour les doutes. Après tout, je suis censée y être préparée, non ? Je déglutis, nerveuse, et tambourine sur la paroi. Je profite de ce moment de battement pour jeter un œil rapide sur ma tenue ainsi que sur l'adorable plante que je tiens dans la main gauche, depuis plusieurs minutes. Je mords ma lèvre inférieure, tendue, quand la porte s'ouvre soudainement.

L'accueil de Léa est chaleureux. Elle me prend dans ses bras en guise de bonjour. Elle porte un combishort en jeans et une paire de baskets blanche en toile. Ses cheveux carrés sont parfaitement coiffés et son maquillage, léger. Elle n'a pas changé, elle est toujours aussi pétillante ! Elle se détache de moi pour prendre du recul et m'observe de la tête aux pieds, effarée.

- Tu es magnifique !
- Merci ! Toi au...
- Non, sérieusement, Sybille, m'interrompt-elle. Tu as toujours été belle mais là...

De la stupeur se lit sur son visage, de quoi me faire rougir davantage.

- Vendredi quand on s'est croisées, il faisait nuit, tu avais ton casque sur la tête. J'ignorais que tu t'étais décoloré les cheveux. Le blond te va à ravir !
- Merci beaucoup mais je ne suis pas la seule à m'être embellie.
- Tu trouves ? J'ai du mal à voir le changement.
- Pourtant, tu es éblouissante !
- Merci, c'est adorable ! dit-elle en haussant légèrement les épaules, attendrie. Je t'en prie, ne reste pas là, entre !

J'accède au hall d'entrée précautionneusement. Léa referme la porte derrière moi et je la suis dans l'espace de vie où se trouvent deux jeunes femmes, inconnues au bataillon.

- Sybille, je te présente Louise, mon acolyte du yoga et sa copine Margot. Les filles, voici Sybille, une amie.
- Enchantée ! dis-je, spontanément.
- Ravie de faire ta connaissance ! répond la jolie brune en coupant des légumes.

J'acquiesce d'un sourire. Leur sympathie me met immédiatement à l'aise. Je profite de cet instant pour offrir mon présent à Léa. D'après mes souvenirs, elle n'a jamais eu la main verte, le cactus est donc une bonne alternative. Elle me remercie, touchée par mon geste, et m'indique un emplacement où poser mon casque ainsi que mon sac à main.

Mes affaires placées, elle m'entraîne sur la grande terrasse extérieure où se trouve une dizaine de personnes. De la musique se fait entendre et j'admets que l'ambiance y est très agréable. Néanmoins, c'est anxieuse que je m'avance parmi les convives. Est-ce qu'il est ici ? Tout ça serait complément dingue, non ? Je sens mes mains se moitir. Pitié, Sybille ! Arrête de penser au pire, tu veux ? Je contemple discrètement les visages qui m'entourent et réalise avec soulagement que je ne connais aucun des invités.

- Sybille, je te présente mes potes de l'université. Tu as Eddy, Sam, Ismaël et Ava. Il y a aussi mon frère Julien que tu as déjà dû croiser, accompagné de ses amis, Théo, Adil et Jonathan.
- Salut, lancé-je, poliment.

Certains me répondent tandis que d'autres se contentent de sourire gracieusement, mais le frère de Léa, lui, vient naturellement à ma rencontre.

- C'est toi qui reviens d'Australie ?
- En effet, confirmé-je, d'un sourire.
- Julien est allé à Melbourne l'année dernière, m'explique Léa.
- Tu as aimé ?
- Ouais, c'était génial ! Les Australiens sont super sympas !
- Oui, ça change de la mentalité française.
- On est d'accord ! Deux pays, deux ambiances.

Voyant notre accroche certaine pour le pays des kangourous, Léa en profite pour s'éclipser. Je continue de bavarder avec Julien, sans même me soucier de son absence. Dans mes souvenirs, le frère de Léa était un garçon inintéressant. Fêtard, coureur de jupons, un noctambule amateur de drogues en tout genre ! Le vrai cliché du fils à papa bourré de fric ! Là, je dois reconnaître que je suis agréablement surprise. Il semble métamorphosé ! Son attitude n'a plus rien à voir à ce qu'elle était. De plus, ses cheveux mi-longs et sa chemise à motif lui donnent un vrai charme. Comme quoi, ces trois dernières années lui ont été bénéfiques.

Léa revient vers nous pour me tendre un verre de ponch. Je la remercie et ramène ce dernier à mes lèvres lorsqu'elle traverse l'immense terrasse pour se positionner contre la rambarde. Elle se penche légèrement avant d'agiter sa main dans le vide et prend la parole, dos à nous :

- Je vous avais parlé d'une surprise, non ?

Je l'observe, perplexe, alors qu'elle me fait signe de la rejoindre. Je lorgne autour de moi, personne ne semble comprendre ce qu'il se passe. Pourtant, c'est bien à moi qu'elle s'adresse. Mal à l'aise, je parcours la terrasse pour aller la retrouver. Une fois à sa hauteur, Léa me prend par la main. Je la fixe, pleine d'incompréhension, quand elle m'incite à zieuter au niveau inférieur. Mes yeux se posent donc sur le jardin en contrebas, dubitative. C'est avec stupeur que je remarque des tables rondes disposées sur la pelouse. Une quinzaine de personnes y sont attablées.

- Il y a d'autres invités ? bafouillé-je, prise de panique.

Elle se contente de sourire, heureuse. Quant à moi, je suis à deux doigts de tomber dans les pommes. L'un d'eux prend la parole mais c'est à peine si j'arrive à comprendre ce qu'il dit. Je suis beaucoup trop perturbée. En revanche, je reconnais son visage, il ressemble comme deux gouttes d'eau à Ilyès. Est-ce que les garçons sont ici ? Merde ! Je pose mon verre sur le rebord et me cramponne à la balustrade, fébrile. J'analyse de nouveau mon champ de vision. Parmi eux, des faciès familiers. Anis, Lesram, Ormaz et Mathieu...

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant