V - IDIOTE

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Chapitre 12

Samedi 4 juillet 2020

Assise sur l'une des chaises mises à disposition, j'attends patiemment la fin du cycle de séchage. Ce matin, alors que je mettais un peu d'ordre dans mon appartement, je suis tombée nez à nez avec Teddy Polak. Ce dernier n'avait pas bougé d'un iota. Il était toujours dans la chambre de Noé, positionné dans un angle de la pièce, poussiéreux, espérant sans doute que je m'occupe de lui incessamment sous peu. Prise d'un soupçon de culpabilité et n'ayant rien prévu de l'après-midi, je me suis décidée à lui offrir ce fameux nettoyage que je lui avais promis. Ni une, ni deux, j'ai installé ce gros nounours sur mon Vespa, direction : la laverie automatique !

Arrivée sur place, j'avais tout prévu ! Quoi de mieux qu'un bon livre pour me désennuyer ? Aujourd'hui, j'avais envie de commencer ce bouquin de Lily King, Writers & Lovers. J'ai dévoré les pages à une allure folle, de quoi me faire perdre la notion du temps...

- Il me semble que votre machine est terminée, m'interrompt une vieille dame, d'un ton charmant.
- Oh... Merci, réponds-je, poliment.

Cette dernière m'adresse un sourire en quittant les lieux. Je positionne mon marque-page et glisse mon livre dans mon sac afin de me lever pour sortir mon énorme peluche du tambour. Je l'observe attentivement, même avec trente minutes de sèche-linge, il n'a pas bougé d'un poil ! Il dégage une odeur de lessive réconfortante, qui me donne envie de me blottir contre lui pour toujours. Ce patapouf va enfin pouvoir reprendre sa place sur mon lit.

Mes affaires rassemblées, je pars retrouver mon véhicule qui est stationné à quelques pas de la devanture. Je dispose l'ours dans mon dos et l'immobilise contre moi à l'aide d'une cordelette pour le maintenir droit. Je tourne la clef, prête à démarrer mais mon scooter ne semble pas de cet avis. Une fois, deux fois, trois fois, rien y fait. Anxieuse, je sors mon téléphone de ma poche pour y faire des recherches. Malheureusement, inutile de préciser que sans outils, il est difficile pour moi d'appliquer les consignes recommandées. Impatiente, je réessaie de démarrer à plusieurs reprises mais c'est peine perdue. Je passe alors quelques coups de fil qui n'aboutissent à rien. Ma mère, Olivier, Nour, Sacha, ils sont tous sur messagerie... Visiblement la chance n'est pas de mon côté. Inquiète, je parcours ma liste de contacts lorsque je tombe sur le numéro de Léa. J'hésite, après tout, peut-être qu'elle saura m'aider ? La tonalité d'appel retentit, elle décroche :

- Léa, Dieu merci, tu réponds.
- Sybille, tout va bien ?
- Je sais que tu n'es peut-être pas la personne la plus qualifiée mais mon Vespa ne veut plus démarrer. Ma mère ne répond pas et...
- Où es-tu ?
- Sur Clamart, à environ quatre kilomètres de chez moi.
- Merde, il ne démarre plus du tout ?
- Non, je pense que c'est dû à un problème mécanique.
- Écoute, je vais essayer de voir ce que je peux faire ! Envoie-moi l'adresse par sms, d'accord ?
- Merci, Léa, merci beaucoup !
- Les amis ça sert à ça, non ? Bisou, ma belle !

Je raccroche, soulagée. Le fait que Léa vienne à mon secours rend la situation un peu moins dramatique à mon goût. Habituellement, je n'aime pas embêter mon entourage avec mes problèmes mais là, les choses sont différentes. Abandonner mon Vespa, quasi neuf, sur un trottoir ne m'enchante pas. De plus, il me faudrait pratiquement une heure de marche pour rejoindre mon appartement. Et contacter un dépanneur, me ruine rien qu'à l'idée d'y penser.

Teddy Polak détaché, je décide de rentrer de nouveau dans la laverie pour y attendre Léa. Ça me stress ! Pourquoi ce foutu scooter ne marche plus ? Je continue de lire des articles sur internet, mais les diagnostiques de pannes sont multiples et je n'y comprends strictement rien ! Je vais même sur YouTube pour visionner des tutoriels mais je finis par laisser tomber. Heureusement, un message de Léa me redonne le sourire instantanément. « C'est bon, je gère ! 😘 », je la remercie une nouvelle fois, en attendant patiemment son arrivée.

C'est une quarantaine de minutes plus tard que mon téléphone se met subitement à sonner. Il s'agit d'un numéro non répertorié. Dans le doute, je réponds immédiatement :

- Allô ?
- T'es bien à la laverie SBS ?
- Mathieu ?
- En personne.
- Mais... tu..., bafouillé-je. Oui, j'y suis, pourquoi ? demandé-je, stupéfaite.
- J'arrive, je me gare sur la place livraison.

Je raccroche et me lève quand je l'aperçois se garer en face de la laverie. Mon ventre se resserre, nerveuse. Que fait-il ici ? Je prends ma peluche et me dirige à l'extérieur. Mathieu est au volant d'un utilitaire blanc. Je le scrute lorsqu'il descend de son véhicule vêtu d'un jeans noir, d'un t-shirt et d'une paire de baskets assortie. Il traverse pour venir à ma rencontre, je ne comprends toujours pas ce qu'il se passe.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Léa m'a appelé, elle m'a dit que ton scooter démarrait plus et que tu étais paniquée.
- Oh... Alors c'était toi le « c'est bon, je gère ! » ? Écoute, je suis confuse, je... Je savais pas qu'elle allait t'appeler, j'espère que tu...
- Sybille, relax ! me coupe-t-il, d'un ton léger. J'étais dans le coin. Si je suis là, c'est que ça me dérange pas, OK ?

J'acquiesce timidement avant qu'il ne pose son regard sur le nounours que je trimballe telle une enfant.

- Attends, mais c'est...
- Teddy Polak, oui, souris-je. Il était poussiéreux. Je me suis dit qu'une bonne douche ne lui ferait pas de mal.
- Et tu es venue jusqu'ici pour ça ?
- La laverie à côté de chez moi était fermée pour rénovation, du coup, je n'ai pas eu d'autres choix.

Il me fixe un instant et c'est malgré moi que je perds dans ses beaux yeux noisette. Réalisant la situation, Mathieu coupe court et se penche naturellement sur mon scooter, intrigué. Il essaie de l'allumer, l'étudie dans tous les sens possible et inimaginable pour en venir rapidement à la conclusion suivante :

- C'est les bougies.
- Les bougies ?
- Les bougies ont pour rôle de créer l'étincelle chargée de faire démarrer, puis tourner le moteur du scooter. Elles sont donc indispensables à son bon fonctionnement. C'est pourquoi il faut les faire contrôler et les changer régulièrement.
- C'est impressionnant.
- De ?
- Tu as trouvé ce qu'il n'allait pas en deux minutes alors que moi, ça fait presque une heure que je cherche sur internet. T'as l'œil d'un expert.
- En même temps, c'est mon métier Sybille, s'amuse-t-il.
- C'est pas faux... Du coup, je dois appeler un mécanicien ?
- Quoi ? Je suis pas assez bien pour ton Vespa, c'est ça ? me charrie-t-il.
- Attends, quoi ? bégaye-je, embrouillée. Si, bien sûr que si ! Mais... Je ne veux pas t'embêter avec ça, tu dois avoir des tas de choses bien plus intéressantes à faire.
- T'inquiète pas pour moi, dit-il en enlevant la béquille à l'aide de son pied.
- Où est-ce que tu vas ?
- Au garage ! On a une bougie à changer ! Tu viens ?

Mathieu traverse afin de charger mon deux-roues dans l'utilitaire. Il le cale à l'aide de tendeurs et m'invite à monter sur le siège passager. Décidément, j'ai du mal à croire ce qu'il se passe. Qui aurait pu prévoir que mon voyage à la laverie allait se transformer en session mécanique avec mon ex-petit ami ? Mathieu est vraiment un garçon adorable...

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant