XII - DU MAL

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Chapitre 60

Mardi 15 août 2017

Ces cinq derniers jours n'ont pas été de tout repos. Entre les préparatifs du voyage et les derniers moments en famille, difficile pour moi de trouver du temps pour me lamenter.

En tant qu'amie exemplaire, Nour est venue passer le week-end à la maison. Cette dernière a insisté pour participer à la confection de ma valise et je dois reconnaître qu'elle m'a été d'une grande aide ! Le fait de me retrouver dans un cocon avec ma mère, mon frère et ma meilleure amie m'a fait beaucoup de bien. En revanche, j'ai beau essayer de profiter de l'instant présent au maximum, une partie de moi est toujours aussi mal. Mathieu est sans cesse dans mes pensées. Il suffit de quelques secondes d'inattention pour que je repense à lui. Les souvenirs refont surface et les larmes me montent instantanément... Au fond, j'ai qu'une hâte : partir, pour enfin passer à autre chose.

Allongée sur mon lit, mes yeux sont rivés sur mon ordinateur portable. Il est tout juste vingt-et-une heures et me voilà encore en train de faire le point de ma to-do list. Toutes les cases sont pratiquement cochées, de quoi m'apaiser pour mon grand départ de demain.

Je prends soin de vérifier mes billets électroniques pour la trentième fois quand la porte de ma chambre s'entrouvre discrètement. La tête de Noé se fait remarquer, ce qui me pousse à sourire, amusée.

- Je peux entrer ?
- Le mot de passe ? lancé-je, méfiante.
- Chips !

J'acquiesce d'un simple geste de la tête. Ça fait une éternité que je n'ai pas remis ce nom de code sur le tapis. Il s'agit d'un jeu amusant qu'on a instauré entre nous lorsqu'il avait à peine cinq ans. Il traverse la pièce à l'aide de ses béquilles et vient s'installer à côté de moi, silencieux.

- Tout va bien ?
- Oui... J'avais juste envie de te voir.
- Qu'est-ce qu'il y a ? T'as une petite mine. Maman t'a grondé, car tu n'as toujours pas vidé le lave-vaisselle ?
- Non, je lui ai dit que c'était ton tour et elle m'a cru.
- Alors toi !

Un sourire narquois se dessine sur son visage tandis que je viens lui ébouriffer les cheveux. Noé  grimace avant de reprendre, plus sérieusement :

- En fait, je... Je suis venu te voir pour te dire que... que t'allais vraiment me manquer, bafouille-t-il, timidement.

Sa bouille triste me fixe un instant. Je sens mon nez me picoter et mes yeux s'humidifier. J'ai beau prendre sur moi, ma relation avec Noé est très forte et je sais que la distance risque d'être compliquée pour nous. Je le prends dans mes bras pour ne pas craquer devant lui.

- Tu vas me manquer aussi, mon grand.
- Ça va être nul sans toi ici...
- Je sais, souris-je, mais maman est là et tu as tous tes amis.
- Oui mais ils ne sont pas toi. Je te l'ai jamais dit, mais j'ai de la chance d'avoir une grande sœur comme toi.

Pour être franche, je ne m'attendais pas à une telle déclaration de sa part. Noé est un garçon pudique et plutôt fier. Sa prise de parole me touche du plus profond de mon cœur. Je le serre davantage. Je n'arrive pas à retenir mes larmes plus longtemps.

- Tu pleures ?
- Non, mens-je.

Il se détache de moi afin de me faire face.

- Si tu pleures, affirme-t-il.
- Peut-être bien.
- T'es triste ?
- Oui et non. Je suis triste de vous quitter pour quelques mois mais heureuse de partir.
- Moi, j'ai peur de m'ennuyer sans toi. Maman travaille et...
- Maman s'est arrangée, tu iras chez Omar ou bien chez Samy. Et tu as ta tablette, tu pourras m'appeler en FaceTime !
- Même avec le décalage horaire ?
- Bien sûr ! On trouvera des moments. Quand tu iras te coucher, moi je me lèverai, mais on s'appellera, promis.
- Tous les jours ?
- Tous les jours ! répété-je.
- Cool !

Il vient naturellement se blottir contre moi quand je remarque ma mère appuyée contre l'encadrement de la porte. Elle toque et s'avance dans la pièce, suivie de près par Olivier. Son regard de maman attendrie me fait aussitôt sourire.

- Pardon de vous déranger, mais je viens t'annoncer qu'on a bien reçu le mail de confirmation concernant le studio. 
- Vraiment ? demandé-je, soulagée.
- Oui, Olivier s'est porté garant. Tout est réglé !
- Merci, Olivier, lancé-je, sincère. Merci à vous deux pour tout ce que vous faites pour moi.
- Avec plaisir, Sybille. On a vérifié, tu n'es qu'à dix minutes en transport du LCS. De toute façon, Tamara te guidera à ton arrivée. Tu seras entre de bonnes mains.
- Tu es sûr que ça ne l'ennuie pas ?
- Non, c'est même elle qui me l'a proposé. Elle a hâte de te rencontrer !

Je m'apprête à lui répondre lorsque mon téléphone se met à vibrer. Je regarde l'écran brièvement, un message de Mathieu attire subitement mon attention. « Je suis en bas, on peut parler ? » Mon cœur s'accélère brusquement.

- En tout cas, n'oublie pas que demain midi, on mange tous au restaurant avant ton départ ! Nour sera là.
- Oui, merci encore d'avoir organisé ça, maman.
- Je voulais qu'on soit tous réunis avant les pleurs et les larmes.

Mon téléphone vibre à nouveau, les messages s'enchaînent : « ? », « Sybille, je sais que tu es là, la lumière de ta chambre est allumée », « Descends, s'il te plaît. »

- Tout va bien ? me demande Olivier, perplexe.
- Oui... Enfin... Non, bégayé-je, paniquée.

Je me lève de mon lit et m'approche discrètement de la fenêtre quand j'aperçois la voiture de Mathieu stationnée en bas.

- Sybille ? m'interroge ma mère.
- Mathieu est en bas. Il veut qu'on discute.
- C'est une bonne chose ? reprend Olivier en me questionnant du regard.
- La vieille de mon départ ?
- Il veut peut-être te dire au revoir, m'informe ma mère, d'un ton léger.
- Mathieu t'aime beaucoup, intervient Noé.
- Ton frère a raison. Ce garçon tient beaucoup à toi. Tu devrais peut-être écouter ce qu'il a te dire, non ?

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant