Chapitre 53
Vendredi 28 juillet 2017
Ce soir, j'ai pris le temps de cuisiner avec Noé. L'annonce de ces derniers jours l'a plus ou moins chamboulé, alors j'essaie d'être plus présente. Pour le dîner, il a opté pour une pizza maison et des cookies. Un menu relativement simple mais qui demande tout de même de la préparation. J'ai profité de ce moment complice pour aborder le sujet de mon éventuel départ. Il m'a posé beaucoup de questions auxquels je me suis appliquée à répondre. Durant le repas, je me suis confiée. Je lui ai fait part de mes doutes mais aussi de mon enthousiasme. Un échange bénéfique qui lui a permis de mieux comprendre la situation.
La table débarrassée, je nettoie le plan de travail afin de laisser la cuisine dans un état convenable. La vaisselle rangée, j'ouvre le frigo pour me servir un verre d'eau lorsqu'un bruit sourd me coupe soudainement dans ma lancée. Je m'immobilise quelques secondes et fixe mon frère, assis sur le canapé. Une personne est en train de tambouriner à la porte. Qui peut bien venir nous déranger à vingt-deux heures ? Sérieusement ? Je m'avance doucement vers l'entrée et prends soin de regarder à travers le judas optique. Mon ventre se resserre brusquement. Merde ! Mathieu.
- C'est qui ? demande Noé, intrigué.
J'ignore sa réplique. À ce moment précis, un tas d'idées plus dingues les unes que les autres me passent par la tête. Courir dans ma chambre et m'enfermer à double tour ? Simuler une syncope ? L'ignorer ? Je mords ma lèvre inférieure, anxieuse. Inutile de continuer à fuir, Sybille ! Tu dois prendre tes responsabilités ! J'inspire un grand coup avant d'ouvrir la porte.
- Salut.
La voix grave de Mathieu se fait entendre. Un mot simple, froid, mais efficace. J'ai beau me sentir affreusement mal, je suis heureuse de le revoir. Il porte un ensemble de survêtement gris. Ses cheveux blonds sont légèrement plus longs que d'habitude et la mine de son visage indique clairement qu'il manque de sommeil. Paradoxalement, aucun de nous deux ne fait le premier pas. Une distance étrange qui laisse planer un certain malaise.
- Je t'en prie, entre.
Je me pousse afin de le laisser passer et referme la porte derrière lui. Mathieu remarque la présence de Noé. Il s'avance vers le canapé, les yeux rivés sur l'écran de la télévision.
- FIFA seize ?
- Exact !
- Deux - zéro ? Tu te débrouilles bien.
- Si tu veux, on peut faire une partie ? s'emballe-t-il, enthousiaste.
- Pas ce soir, le coupé-je. Il est temps pour toi d'aller au lit.
- Quoi ? Déjà ? rétorque-t-il, anéanti.Je lui lance un regard qui en dit long. Mon petit frère roule des yeux, déçu, mais il n'insiste pas, préférant éteindre sa console avant de nous rejoindre au milieu de la pièce.
- Tu feras moins la maligne quand tu te feras attaquer par un kangourou en Australie !
Il a à peine le temps de finir sa réplique qu'il prend aussitôt conscience de sa gaffe. Son regard hurle un « pardon, Sybille, j'ai pas fait exprès ! » qui me fait sourire.
- Oui, bien sûr !
Mon ton est léger. Je lui ébouriffe les cheveux comme si de rien n'était et lui dépose un bisou sur la joue. Après tout, je ne peux pas lui en vouloir et m'attarder sur sa maladresse ne ferait que m'enfoncer davantage. Il tape dans la main de Mathieu et disparaît dans sa chambre, me laissant seule dans le séjour avec mon petit ami.
- Tu veux boire quelque chose ? proposé-je poliment.
- Non, ça ira.Un silence s'installe quand il me regarde avec insistance. Je prends la parole, embarrassée :
- Tu es venu pour discuter ?
- À ton avis ?
- Je suppose que oui...
- Bon, qu'est-ce qu'il se passe ? crache-t-il, agacé.
- Que... Comment ça ? bafouillé-je.
- Tu réponds plus à mes messages ni à mes appels, tu m'évites... C'est quoi le problème ?!
- J'étais juste occupée...
- Par quoi ? Les cours ? Tu es en vacances ! Noé ? Il est grand, il a pas besoin d'être assisté, si ? Et c'est quoi cette histoire d'Australie ? Tu m'expliques ?
- Je... Je... Enfin...
- Écoute, si tu veux plus être avec moi...
- Quoi ?! Non !
- Alors parle-moi, Sybille ! Qu'est-ce qui se passe pour que ton comportement change du jour au lendemain ? Explique-moi !Je baisse les yeux, honteuse.
- Pour mon anniversaire, Olivier et ma mère m'ont offert un billet pour l'Australie, avoué-je rapidement comme pour me débarrasser du secret.
- Et ? Il est où le problème ?
- Je t'ai déjà parlé de mon refus pour Sidney ? Tu sais, j'étais censée partir étudier là-bas à la rentrée ?Il acquiesce d'un mouvement de tête, perplexe.
- Olivier m'a peut-être trouvé un travail là-bas, dans un lycée français. Je passe un entretien la semaine prochaine.
- Quel genre de boulot ?
- Un poste d'assistante scolaire dans un premier temps.
- Mais tu sors à peine du lycée ? s'étonne-t-il.
- Oui mais j'ai mes chances.Le visage de Mathieu se fige. C'est à peine si j'arrive à décrypter ce qu'il ressent.
- C'est à cause de ça que tu m'ignores depuis plus d'une semaine ?
- J'avais peur de t'en parler.
- Pourquoi ?
- J'ai pas envie de m'éloigner de toi...
- Alors reste ici.
- Pour mettre mon rêve de côté ? C'est une opportunité ! Ça me permettrait d'acquérir une certaine expérience et ça, ce n'est pas négligeable !
- Je vois...
- Je suis désolée, Mathieu. J'aurais dû t'en parler le soir même mais... J'étais pétrifiée à l'idée que tu m'en veuilles.
- En vrai, je suis soulagé.
- Soulagé ? demandé-je, confuse.
- Je me suis imaginé plein de scénarios ! Au final, c'est juste un entretien d'embauche.
- En Australie, précisé-je.
- Peu importe, je suis soulagé.
- Alors tu m'en veux pas ?
- Non, mais je veux plus que me cache quoi que ce soit, compris ?
- Promis.
- Allez-y, viens là.Mathieu me tire vers lui afin de me prendre dans ses bras. Sa réaction m'inquiète, il n'a pas l'air de comprendre la situation. J'hésite quelques instants et me laisse aller contre lui, préférant profiter du moment présent.
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ALL NIGHT - PLK
FanfictionUne histoire comme les autres ? Détrompez-vous, vous n'êtes pas au bout de vos surprises. ▫️Sybille Vasilis ▫️Mathieu Pruski