ALL NIGHT - PLK

XI - YEUX

Chapitre 51

Samedi 22 juillet 2017

Ce soir, c'est dans un restaurant étoilé des Hauts-de-Seine qu'Olivier, le petit ami de ma mère, nous a conviés pour fêter mon dix-huitième anniversaire. Un repas symbolique, qu'il tient à organiser depuis le jour de ma majorité, il y a environ deux semaines. Ses efforts pour apprendre à nous connaître Noé et moi me touchent. Manifestement, l'amour qu'il porte à ma mère lui donne envie de créer un lien avec nous et je trouve ça adorable.

Installés à table, nous commandons un apéritif. Pour l'occasion, je cède à une coupe de champagne tandis que mon petit frère lui, opte pour un sirop à l'eau.

J'observe la salle attentivement. La décoration du lieu est soignée. Le côté industriel chic me charme totalement. Curieuse, je jette un œil sur la carte qui indique l'intitulé du repas. Il s'agit d'un menu unique en quatre actes et je dois reconnaître que le concept me plaît beaucoup.

- Un menu unique ? grimace Noé, dépité. Elles sont où les pizzas ?

Sa réplique embarrasse aussitôt ma mère, ce qui a pour conséquence de faire sourire son compagnon.

- Chéri, on est pas dans une pizzeria ici, le reprend-elle.
- Donc je vais devoir manger un « L'Orzo du Loiret comme un risotto, Gambas, écume de tête à la Verveine, Citron de Nice » ? dit-il en lisant la carte à voix haute.
- C'est trop distingué pour toi ? le taquiné-je.
- Oui, je suis un enfant, Sybille. Pas un candidat de Top Chef !

On sourit, amusé, quand Olivier reprend :

- Le chef est un ami. Je l'ai prévenu qu'il y aurait un enfant. Je ne te promets pas une pizza mais il va te faire un plat plus approprié.
- Ouf ! Merci, c'est cool !

Le début du repas se déroule dans une ambiance conviviale. Je me sens à l'aise et je ne suis visiblement pas la seule. Noé apprécie Olivier et ça, ça n'a pas échappé à notre mère. Sa joie se lit sur son visage. Nous voir tous réunis ici, tous les quatre, c'est quelque chose dont elle avait besoin. Je suis loin d'être égoïste, elle aussi a le droit au bonheur et je pense qu'il est la personne idéale pour cocher cette case de sa vie.

L'entrée servie, je scrute attentivement le visuel tandis que le maitre d'hôtel nous explique l'intitulé du plat. Mon petit frère, quant à lui, se jette sur son assiette de pâtes à la sauce tomates, affamé.

Durant l'heure qui suit, j'échange discrètement quelques messages avec Mathieu. Ce dernier continue de travailler dans sa chambre à la recherche de nouveaux sons pour ses futurs projets. Il ne lâche rien et je l'admire pour ça. D'ailleurs, Olivier a cherché à en savoir plus à son sujet. Il m'a même confié qu'il aimait le rap. IAM et NTM sont des artistes qu'il écoute régulièrement. J'aime sa mentalité ! Sérieux mais tellement décontracté et ouvert d'esprit.

Le serveur nous interrompt pour apporter l'acte quatre : le dessert. Mes yeux se rivent sur mon assiette, captivée par la présentation.

- La pêche jaune façon melba, chantilly à la vanille de Madagascar, framboises, amandes effilées. Bonne dégustation.
- Ça pour un dessert, ça claque ! intervient Noé.
- Oui, c'est vraiment très beau ! acquiesce notre mère.

Il me faut moins de deux minutes pour que le dessert disparaisse définitivement de mon assiette. Le chef arrive à ce moment-là et je ne peux m'empêcher de le féliciter pour ce délicieux dîner. Il reste discuter avec nous, puis rejoint ses équipes. Alors que je pense être au terme de cette soirée, Noé lance un sujet que j'avais complètement oublié.

- Et le cadeau ? On l'ouvre quand ?
- Je sais pas... Est-ce que ta sœur est prête ? demande ma mère, tout sourire.
- Un cadeau ? Encore ? les questionné-je, gênée.
- Celui-là, c'est celui de ta mère et moi.

Olivier sort une enveloppe. Il regarde cette dernière, un grand sourire aux lèvres, avant de me la tendre.

- Qu'est-ce que c'est ?
- Ouvre et tu verras.
- Tu sais toi ? demandé-je en m'adressant à Noé.
- Non, ils ont pas voulu me le dire.

Il semble déçu mais il me fixe surexcité à l'idée de découvrir cette fameuse surprise. Je l'ouvre délicatement et sors l'un des documents qui se trouvent à l'intérieur.

- Un billet d'avion ? Décidément ! rétorqué-je d'un ton léger en pensant qu'il s'agit d'une blague.
- Regarde attentivement, précise ma mère.

Je pose de nouveau mon regard sur le bout de papier quand mon cœur s'accélère soudainement.

- Sidney ?
- Il reste encore quelque chose dans l'enveloppe, remarque Noé.

Mes doigts glissent dans la pochette afin de sortir un petit flyer. « LCS : Lycée Condorcet Sydney. » J'observe attentivement celui-ci, perplexe.

- Qu'est-ce que..., bafouillé-je.
- Quand ta mère m'a parlé de ton refus pour l'Australie, j'ai contacté la sœur de mon beau-frère. Elle dirige le lycée français de Sidney. On discuté un petit bout de temps. Malheureusement, elle n'avait pas de solution pour l'université, en revanche, elle m'a proposé quelque chose. L'une des enseignantes qui doit reprendre à la rentrée a dû subir une intervention chirurgicale imprévue. L'une de ses jambes est immobilisée. Elle va donc avoir besoin d'une aide pour l'assister en classe. À la base, Tamara recherchait une personne qualifiée, mais j'ai su la convaincre de te prendre en entretien pour un poste d'assistante scolaire.
- Je... Je... Quoi ? dis-je, abasourdie.
- Assistante scolaire pour les premiers mois. Si ça te plaît, tu pourras suivre une formation et enseigner le français à des élèves de six à onze ans.
- Vous me faites marcher ?
- Non, bien sûr que non !
- Alors Sybille va partir vivre en Australie ? demande Noé, perdu.
- Ça, c'est à elle de décider. Ton billet d'avion est réservé mais il est annulable. Tu as un entretien d'embauche la semaine prochaine sur Skype.
- Mais je sors du lycée, tout ça n'a pas de sens ? Pourquoi ils me prendraient en stage ? C'est fou !
- Il est vrai que j'ai pas mal appuyé ta candidature. Tamara me fait confiance mais c'est à toi de faire tes preuves. Il s'agit là d'une belle opportunité pour toi. Tu es jeune et tu as toujours voulu découvrir l'Australie.
- Tu pourras rentrer quand tu le souhaites. Ça ne t'engage en rien mais ça te fera de l'expérience et ça, ce n'est pas négligeable.
- Et l'argent alors ? Comment je...
- Tu vas gagner ton propre argent et pour le surplus, ce n'est pas un problème.

Mes yeux se remplissent de larmes, bouleversée. Est-ce que tout ça est bien réel ? Je m'empresse de me lever de ma chaise pour les serrer dans mes bras. Mon rêve de partir en Australie vient de reprendre vie, tout ça grâce à un homme que je connais à peine. Je reste sans voix...

- Tu es partante ? reprend ma mère, surexcitée.
- Je serais stupide de refuser cette entretien !
- Ça veut dire que tu vas partir ? nous interrompt Noé. C'est qui qui va me garder ? Et Mathieu, tu vas l'abandonner lui aussi ?

À l'attente de ses paroles, l'euphorie que j'éprouve s'écroule instantanément...