IV - FIN DE MOIS

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Chapitre 18

Lundi 29 mai 2017

D'après mon grand-père maternel, lorsqu'une personne nous laisse sans nouvelles, on peut en déduire que cette dernière n'a pas de problèmes. Il est donc inutile de s'inquiéter. Au fond, je pense qu'il n'a pas tort mais dans ma situation, les choses sont quelque peu différentes. Parfois, il est bon de se persuader que tout va bien. Après tout, il est peut-être trop occupé pour me répondre, non ?

Deux jours se sont écoulés depuis mon fameux baiser avec Mathieu. J'ai beau essayer de me rassurer comme je peux, je sais pertinemment que ce genre de comportement n'annonce rien de bon. Pourquoi ne m'a-t-il pas donné de nouvelles ? Est-il réellement occupé ou essaye-t-il tout simplement de me faire comprendre qu'il est inutile pour nous d'aller plus loin ? J'ai du mal à accepter cette idée. Alors quoi ? Il me drague, il m'embrasse et il me jette ? C'est ça ? Est-ce que cela vient de lui ? Ou bien est-ce moi qui ai fait quelque chose de mal ? Les questions se bousculent dans ma tête et pour être honnête, j'ai du mal à y voir clair.

- Trente-six euros quatre-vingt-huit, s'il vous plait.

La voix de la caissière me sort brusquement de mes pensées. Je m'empresse de ranger les courses dans mon cabas et sors deux billets de vingt de mon portefeuille. La monnaie ainsi que mon ticket de caisse récupérés, je la remercie en quittant la supérette, déterminée à rentrer chez moi.

Ce soir ma mère dîne avec des amis, elle m'a donc demandé de m'arrêter à l'épicerie pour faire trois courses pour Noé et moi. Hier soir, nous avons eu une discussion, enfin... si on peut appeler ça une discussion... Je lui ai enfin annoncé que je ne donnerai plus de cours de soutien à Alix. Bizarrement, elle n'a pas essayé d'en savoir plus, sans doute car elle avait les yeux rivés sur son téléphone. Est-ce que Nour avait raison à propos de cet homme ? Possible ! Ces derniers temps, ma mère a tous les symptômes d'une femme en plein flirt. Je souris à ma pensée tout en traversant le trottoir pour rejoindre l'entrée de mon bâtiment quand mon prénom se fait entendre. Je tourne légèrement la tête à gauche lorsqu'une voix grave le prononce à nouveau. Je pivote alors dans l'autre sens et aperçois Mathieu claquer la portière de sa Golf grise, stationnée à quelques mètres de moi avant de venir à ma rencontre. Est-ce que je suis en train de rêver ? Que fait-il ici ? Il porte un ensemble de survêtements noir, une casquette et des lunettes de soleil de la même couleur.

- Salut.

Je l'observe sans un mot. Je prends sur moi pour ne pas sourire niaisement et fais mon possible pour garder mon sérieux. Embrasser une fille et ne plus lui donner de nouvelles pendant deux jours n'est pas quelque chose que je tolère et je compte bien lui faire comprendre, même si à l'intérieur de moi, je n'ai qu'une envie : faire une danse de la joie !

Voyant mon manque de réaction, Mathieu poursuit sans perdre de temps :

- Excuse-moi d'être parti comme un voleur l'autre soir et excuse-moi d'avoir fait le mort pendant deux jours mais je n'ai vraiment pas eu le temps et...
- Alors c'est ça ton excuse ? Tu n'as pas eu le temps ? le coupé-je, d'un ton sec.
- J'ai mes raisons, Sybille.
- Tes potes ? Alix ? C'est quoi la raison ?
- Attends, tu me fais quoi là ? lâche-t-il, visiblement surpris par ma réaction.
- Je me suis inquiétée !
- OK ! Alors pourquoi tu ne m'as pas envoyé un message ?
- Mathieu, sérieusement ? Tu m'embrasses, tu pars, tu fais le mort et c'est à moi de t'envoyer un message ? rétorqué-je.
- J'ai abusé mais comme je te l'ai dit, j'ai mes raisons. 
- Je t'écoute.

Mathieu lève les yeux au ciel avant de retirer ses lunettes de soleil. Un cocard ainsi que des écorchures apparaissent sur son visage. Je me décompose soudainement, laissant même tomber mon cabas sur le sol. Je m'avance davantage vers lui et dépose ma main droite sur sa joue de façon à regarder ses blessures de plus près.

- Oh mon Dieu ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!
- Une embrouille à la con, rien d'important.
- C'est pour ça que tu es parti si vite l'autre soir ? Pour te battre ?
- Non, ce n'était pas prévu mais les choses ont fait que j'ai dû en arriver là. Bref !
- Il ne t'a pas loupé, commenté-je, en observant ses hématomes.
- Tu dis ça parce que t'as pas vu sa tête.

Un sourire de satisfaction se dessine sur son visage, ce qui me pousse à faire de même.

- T'es pas croyable.
- Quoi ? T'aimes pas les rebelles ?
- Tu m'épuises, Pruski.
- Déjà ? T'es au courant que c'est que le début ?

Sa réplique me pousse à sourire de plus belle. Le début de quoi ? De notre relation ? Décidément, ce garçon sait comment rattraper la situation. L'expérience ? Sans doute...

- Dis-moi, tu peux me rendre un service ? reprend-il.
- Oui, bien sûr.
- J'ai un rendez-vous pro dans une heure et si Flav me voit arriver comme ça, je sens que je vais passer un mauvais quart d'heure.
- Tu veux que j'essaie de dissimuler ton bleu ?
- Tu pourrais faire ça ?
- On peut toujours essayer, sauf si tu veux porter tes super lunettes de soleil !
- C'est moi ou tu te fous de ma gueule là ?
- Moi ? Jamais !

Je ramasse mon sac, amusée, tout en me dirigeant vers l'entrée de mon bâtiment.

- Bon, tu viens ?
- Chez toi ?
- Quoi ? Tu veux que je te maquille sur le trottoir, peut-être ?
- Hey, doucement ! On parle de dissimuler des bleus, pas de maquillage, OK ?
- Comme tu veux, Pruski !

C'est avec le sourire aux lèvres que je tape le code d'entrée quand la porte ne se déverrouille. Et dire qu'il y a quelques minutes, j'étais encore dans le flou. Décidément avec ce garçon, je ne suis pas au bout de mes surprises.

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant