II - AMIGO

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Chapitre 7

Samedi 13 mai 2017

- Là, tu as l'accès à la scène, tu veux voir ?

J'acquiesce timidement à sa proposition quand un sourire se dessine sur mon visage. Mathieu me fait signe de le suivre, suivi de près par son acolyte, Ormaz.

Lorsqu'il tire sur le rideau pour me laisser passer, la salle apparait soudainement face à moi. Mon souffle se coupe brusquement, hypnotisée par la beauté du lieu. Le balcon en bois sculpté, les sièges rouge vif, les éclairages... C'est donc ça la vie d'artiste ? Je m'avance davantage et mon regard se pose sur la fosse. Cette dernière est vide, les sols sont recouverts de confettis, de mégots et de gobelets en plastique. Et dire qu'il y a un peu plus d'une heure nous étions plus de mille trois cents personnes ici, c'est juste incroyable.

-​ Impressionnant, hein ? lance Mathieu, admiratif.
-​ La salle est magnifique.
-​ Plutôt pas mal pour une première scène, non ?

Ormaz se met à sourire, satisfait, quand l'un des techniciens nous interrompt. Ce dernier s'apprête à baisser le pont, il nous demande donc de nous reculer pour notre sécurité. J'étais tellement obnubilée par la salle que je n'ai même pas remarqué que la scène était en plein chantier. Des flights de rangements sont disposés un peu partout ainsi que des rouleaux de câbles, des projecteurs et un tas de choses techniques auxquelles je n'y comprends rien. Nous sortons alors de scène pour les laisser travailler en paix.

On longe un couloir aux lumières blafardes pour arriver dans ce qu'il semble être les loges. Des voix et de la musique se font entendre, je regarde autour de moi, intriguée, quand nous entrons dans une pièce. Mon ventre se noue. C'est à peine si j'y vois clair. De la fumée brouille clairement ma vision, malgré ça, j'arrive tout de même à apercevoir une vingtaine de garçons. Les regards se posent aussitôt sur moi.

-​ Vous étiez passés où ? les questionne l'un d'eux.
-​ On était parti prendre l'air, annonce Mathieu, simplement.
-​ Et vous revenez accompagné ? sourit un autre garçon du groupe.
-​ Ouais, je vous présente Sybille.
-​ Salut !

La synchronisation des garçons est totale, ce qui me pousse à sourire.

-​ Tu ramènes des fans en backstage maintenant ? s'amuse l'un d'eux.
-​ Non, c'est... C'est une amie, bafouille-t-il. Sybille, je te présente Aladin, Assaf, Elyo, Lesram et Zeurti, le reste c'est que du surplus, les charrie Mathieu.
-​ Enchantée !
-​ Sybille, c'est ça ? intervient Aladin. Jamais entendu parlé ! Tu viens d'où ?
-​ Clamart.
-​ Ah... C'est pour ça, sourit Zeurti.
-​ Quel cachotier ce mec, reprend Aladin.
-​ Cachotier de rien du tout, rétorque Mathieu en attrapant son sac de sport.
-​ Tu t'en vas ? demande Assaf.
-​ Ouais, il est tard et...
-​ On connait la chanson, mon reuf ! le coupe Elyo.
-​ Passez une bonne fin de soirée alors, poursuit Zeurti d'un clin d'œil.
-​ Vous êtes des baisés ! sourit Mathieu. On s'appelle, la famille !

Mathieu salue rapidement ses amis avant de quitter la loge. Nous longeons à nouveau le couloir pour rejoindre la sortie. Une fois sur le trottoir il m'explique que sa voiture est garée à deux minutes d'ici. Arrivés devant une Golf grise, il sort ses clés afin de la déverrouiller. J'ouvre la porte passagère et m'installe sur le fauteuil, prête à attacher ma ceinture.

-​ Merci de me ramener sur Clamart, tu n'étais pas obligé...
-​ J'allais pas te laisser avec ce type.
-​ Rayan ? m'étonné-je. Il n'est pas méchant, il est juste... maladroit ?
-​ Tu trouves toujours des excuses à tout comme ça ?
-​ Comment ça ?
-​ Un gars qui invite ses potes en plein rencard, c'est bizarre, non ?
-​ Ce n'était pas un rencard.
-​ Au temps pour moi.

Un sourire se dessine sur son visage, ce qui me pousse à réagir.

-​ Quoi ? Il y a un problème, Mathieu Pruski ?
-​ Oh... Je vois qu'on s'est renseigné sur moi.
-​ Ne change pas de sujet, tu veux ?
-​ T'es toujours comme ça ?
-​ C'est à dire ?
-​ Susceptible !
-​ Je rêve...

Je lève les yeux au ciel et tourne ma tête vers la vitre quand mon portable se met à vibrer. Je jette un œil à ce dernier quand un message de ma mère apparait sur l'écran : « Tout se passe bien ? Tu rentres bientôt ? Je t'aime. »

-​ Tes parents ?
-​ Ma mère, rectifié-je.
-​ Elle s'inquiète ?
-​ Comme toutes les mamans, dis-je en rangeant mon téléphone dans mon sac. Tu vis seul ?
-​ Pourquoi ? Tu cherches un endroit où passer la nuit ?

Il me lance un regard amusé. Il sait que ça me met mal à l'aise et il en joue clairement.

-​ Non, je vis chez ma grand-mère, reprend Mathieu.
-​ Tes parents sont...
-​ Non, mes parents vont très bien, me coupe-t-il. C'est juste qu'ils ont refait leur vie chacun de leur côté et j'avais besoin de me retrouver dans un endroit à moi.
-​ Ta grand-mère doit être contente.
-​ Oui, ça me permet de veiller sur elle.

Je souris, touchée. Je trouve ça beau qu'il vive avec sa grand-mère. Leur relation doit être forte, elle a de la chance d'avoir un petit-fils qui se soucie d'elle.

-​ Et toi ? Tu vis avec tes parents ?
-​ Avec ma mère et mon frère uniquement. Elle est infirmière alors avec ses heures, c'est moi qui m'occupe de Noé cinq jours sur sept.
-​ Ce n'est pas trop dur ?
-​ Parfois, mais il y a toujours pire, non ?
-​ C'est sûr...

Il me regarde un instant, comme captivé par mes paroles. Je tourne la tête, gênée, lorsqu'il reprend de plus belle :

-​ Au fait, ta mère a envoyé les papiers à l'assurance ?

Il me faut quelques secondes pour comprendre qu'il fait allusion à notre rencontre au garage automobile, il y a un peu plus de dix jours.

-​ Oui, c'est en train de se régler, souris-je. D'ailleurs qu'est-ce que tu faisais là-bas ?
-​ Daniel est mon ancien patron. J'ai fait un tas de stages chez lui avant d'être embauché chez Mercedes alors je suis passé le saluer.
-​ Tu y travailles encore ?
-​ Oui mais plus pour longtemps, j'ai des projets qui me prennent beaucoup de temps.
-​ Des projets ? demandé-je, intéressée.
-​ T'es curieuse.

Son sourire en coin a le don de me faire fondre mais j'essaie de rester stoïque.

-​ Un album ?
-​ Ça, c'est l'objectif.
-​ Avec ce que j'ai vu ce soir, je n'en doute pas une seule seconde, avoué-je, sincère.

Il m'observe, visiblement touché par ma réplique quand je remarque que nous sommes déjà à Clamart. Je n'ai pas besoin de lui indiquer le chemin à prendre, il semble s'en souvenir. Arrivé devant mon bâtiment, il se stationne avant de couper le moteur.

-​ C'était plus sympa que le bus et le métro, non ?
-​ Oui, vraiment ! souris-je. Merci encore, que ce soit pour le concert ou bien pour le trajet du retour, merci.
-​De rien, c'était avec plaisir.

Je le regarde un instant et détache ma ceinture de sécurité.

-​ Peut-être à bientôt alors ?
-​ Envoie-moi un message sur Instagram, histoire de me dire que tu es bien arrivée, dit-il en faisant allusion à Rayan.
-​ Au cas où je me fasse kidnapper dans les escaliers ? rétorqué-je, amusée.
-​ On sait jamais, je lui ai promis de te ramener saine et sauve, tu t'en souviens ?
-​ C'est vrai...

Je le regarde une nouvelle fois et sors du véhicule en lui souhaitant une bonne nuit. Je fais le tour de la Golf pour rejoindre l'entrée de mon bâtiment. Mathieu attend que je sois à l'intérieur pour démarrer et je trouve ça adorable. Je lui fais un dernier signe avec ma main et lui tourne le dos pour prendre les escaliers lorsqu'un sourire s'empare aussitôt de mon visage.

Finalement, cette fin de soirée n'était pas si chaotique que ça, non ?

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant