VII - CASINO

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Chapitre 29

Mercredi 14 juin 2017

Cela fait plus d'une heure que nous sommes sur la A13. La vitesse, la musique, la fumée, les rires, les garçons sont surexcités ! Ylies et Ormaz roulent pour la deuxième fois tandis qu'Anis s'amuse à doubler les deux Twingo dès qu'il en a l'occasion. Parmi elles, Lesram et Léa. Je suis ravie de les revoir ! À l'anniversaire d'Adrien, le feeling est très bien passé et j'espère que ce soir, je pourrai apprendre à les connaitre davantage.

- Tiens, Polak, cadeau !

Ormaz me sort de mes pensées lorsqu'il passe son bras devant moi pour tendre un joint à Mathieu. Ce dernier le regarde hésitant avant de refuser son offre.

- Non, pas pour l'instant. Merci, frérot.
- Attends, t'es sérieux ?
- Ouais, ça t'étonne, hein ?
- Je dirais même que je suis outré là, mec.
- C'est parce que t'es là ça, m'informe Anis, le sourire aux lèvres.

Je l'observe sans un mot, où veut-il en venir ?

- Allez, direct ! râle Mathieu.
- Ose me dire que j'ai tort, Pruski ! dit-il les yeux rivés sur le rétroviseur intérieur.
- Je veux être clean pour garder un œil sur elle, c'est tout.
- Et c'est tout en ton honneur, mon reuf, mais on n'est pas ensemble.

Ylies le nargue en tirant sur son joint.

- P'tit batard va !
- Moi aussi je t'aime, Polak !
- Bon... Je vais devoir le fumer pour toi, en conclut Ormaz.
- Vous êtes les pires !
- À chacun son réconfort !

Ce dernier me donne un léger coup de coude et je ne peux m'empêcher de sourire, gênée. L'attitude de Mathieu me touche mais je ne veux pas qu'il se prive pour moi, bien au contraire.

- Tu n'es pas obligé, tu sais ?
- Je sais.

Il acquiesce et vient me déposer un bisou sur la tempe quand Ylies monte soudainement le son de l'autoradio.

- Oh là là, mon reufré, c'est pour toi ça !

J'ai à peine le temps de comprendre ce qu'il se passe que Mathieu se redresse légèrement avant de commencer à rapper sur le son en question :

- Lorsque Ginola et Weah mettaient leur dernier but. J'étais au bois d'Boulogne, cousin, j'niquais mes premières putes. Lorsque les victimes devant mes potes prenaient l'air triste. J'entendais toc-toc j'vivais mes premières perquis'. Lorsque tu tournais sur la tête, MC dansait le boogie-woogie, sous mon lit y'avait des los-ki (los-ki). Véritable cas soc' avec mes assoc', on parlait d'être sur l'terrain avec des talkies-walkies. Quand tu faisais le ouf devant les fouf. Moi j'rentrais j'cassais l'délire dans les boums. Quand toi tu t'achetais un poste, moi je l'arrachais. Quand t'essayais d'réussir ta vie, moi je la ratais. Je voulais être grossiste quand la mode c'était encore d'essayer de jouer les sportifs. Moi j'étais où, dans la cage d'escalier, avec du H détaillé en train de rouler un gros spliff.

Un sourire se dessine instantanément sur mon visage. C'est quand je le vois comme ça, rapper sur des classiques dont j'ignore tout, que je réalise à quel point Mathieu est pris par le rap. Ce n'est pas un passe-temps ou bien un jeu, non, il s'agit d'une vocation. Il mérite tellement tout ce qu'il lui arrive mais pour ça, il n'y a pas de secret, son talent et sa persévérance y sont avant tout pour quelque chose.

Les vingt dernières minutes se déroulent en musique. Mathieu me parle de Salif, le rappeur qui l'a tant inspiré, tandis qu'Ormaz et Ylies sont sur leur téléphone. Arrivés à Deauville, nous prenons la direction du Grand Casino Barrière. Une fois sur le parking, Anis se stationne sur l'une des places encore disponibles. Lorsque nous sortons du véhicule, les autres nous rejoignent rapidement. Parmi eux, des garçons que j'ai croisés à l'anniversaire d'Adrien, sans oublier Lesram et Léa. Cette dernière s'empresse de me prendre dans ses bras.

- Je suis tellement contente que tu aies pu venir ! Ça va ? Tu as survécu au trajet ?
- Oui, on dirait bien, souris-je.
- T'insinues quoi là ? se mêle Anis.
- Que tes potes sont épuisants !
- Oh ça... J'ai cru que tu remettais en cause ma conduite exceptionnelle.
- Exceptionnelle ou dangereuse ?
- C'est un mix des deux.
- Heureusement que le poto est clean ! s'amuse Lesram.
- Oui, Dieu merci !

Léa lève les yeux au ciel tandis que certains membres  du groupe commencent à s'avancer vers l'entrée du Casino.

- Ce soir, je sens que je vais rafler la mise ! sourit Ylies.
- Tu dis ça à chaque fois, frérot, rétorque Anis, désespéré.
- T'as pris ta carte d'identité ? me demande Léa.
- Je l'ai toujours avec moi.
- Tant mieux car ils sont intransigeants.

Sa réplique me fait l'effet d'une bombe, je me stoppe brusquement. J'étais tellement obsédée par le fait de passer du temps avec Mathieu que j'en ai oublié mon âge. Eh merde !

- Je... Je crois qu'on a un problème, bégayé-je.
- Quel genre de problème ? demande Lesram.
- Sybille a dix-sept ans, réalise Mathieu, dépité.
- Ah oui effectivement, ça c'est un problème, intervient Ormaz.
- Quoi ? On ne va pas pouvoir la faire entrer ? demande Ylies, perdu.
- On parle d'un Casino là, pas d'une boite, ils scannent tes documents d'identité, on peut pas gruger, explique Anis.
- Je... Je suis désolée. Vous n'avez qu'à y aller, je vais trouver à m'occuper.
- Non ! Allez-y, je vais rester avec elle, annonce Mathieu.
- T'es sûr ? insiste Léa.
- Ouais, je devrais arriver à la supporter une ou deux heures.

Mathieu me donne une légère pichenette sur la joue, ce qui me pousse à sourire. Il est vraiment adorable.

- On se retrouve pour manger un morceau, tout à l'heure ? lance-t-il.
- Ouais, on fait ça !

Le groupe rejoint l'entrée à contrecœur. Je culpabilise.

- Je me sens tellement nulle...
- Arrête, tu y es pour rien. J'aurais dû y penser.
- Peut-être mais bon...
- Quoi ? T'es pas contente de te retrouver seule avec moi ?
- Si, bien sûr !
- Un date à Deauville, y a pire, non ?
- Un date ? Carrément ? répété-je, tout sourire.
- Qu'est-ce que tu crois ? Je compte bien rentabiliser ma soirée !

Mathieu me lâche un clin d'œil qui me pousse à sourire telle une idiote. Finalement, ce retournement de situation n'est pas pour me déplaire...

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant