ALL NIGHT - PLK

VIII - BUNKOEUR

Chapitre 26

Mathieu

Dimanche 26 juillet 2020

Un rapprochement comme celui d'hier soir, ça ne s'oublie pas. L'attirance physique se mêle aux sentiments, de quoi vous faire perdre la raison instantanément. Est-ce que tout ça est une bonne idée ? Est-ce que je vais finir par le regretter ? Difficile de penser aux conséquences dans ces circonstances. La voix dans votre tête se dissipe peu à peu pour laisser place aux joies de l'instant présent. Et même si ça n'aboutit pas à cause de vos amis stupides, la scène reste gravée dans votre esprit, malgré tout. Elle vous fait sourire, réfléchir et même douter. En y repensant, j'ai savouré chaque putain de seconde. Être si proche d'elle m'avait terriblement manqué. Je n'avais pas ressenti ça depuis l'été 2017.

Le bruit strident du minuteur retentit, me sortant brusquement de mes pensées. J'enfile un short de sport, éteins la lumière de la salle de bains et m'active jusqu'à la cuisine. Je m'empresse de récupérer la passoire et la positionne dans l'évier pour y vider les pâtes. Ma main gauche libérée, j'en profite pour stopper l'alarme infernale, en appuyant sur l'écran de mon téléphone. Mes coquillettes égouttées, je verse le tout dans une assiette et les prépare à ma façon avant de rejoindre le salon.

Installé sur le canapé, je commence à manger. La télévision tourne mais c'est à peine si j'y prête attention. J'ai du mal à me concentrer, mes pensées sont ailleurs. Comment interpréter cette journée ? Honnêtement, je ne sais pas quoi en penser. Est-ce que ce baiser représente réellement quelque chose pour Sybille ? Le verrou de la porte se fait entendre, me coupant aussitôt dans ma réflexion. Je relève la tête et aperçois ma grand-mère passer la porte de l'appartement. Un sourire adorable s'empare de son visage.

- Mon grand garçon est de retour, annonce-t-elle en refermant la porte. Et bronzé en plus !

Je me lève du canapé afin de la prendre dans mes bras, puis lui dépose un bisou sur le front. Notre complicité est difficilement explicable. Ça me fait du bien de la retrouver.

- J'étais chez Jana, elle m'a invitée à manger. Si j'avais su je t'aurais préparé le repas.
- T'inquiète, mamie, mes coquillettes ne valent pas tes plats mais elles ne sont pas si mauvaises. Jana va bien ?
- Oui, son fils a refait sa salle de bains, elle est ravie ! Et toi alors ? Ces vacances ?
- Géniales ! Dommage qu'elles soient déjà terminées, avoué-je, nostalgique. Mais bon, il y en aura d'autres...
- Ça, je n'en doute pas ! affirme-t-elle, tout sourire. Et Sybille ? Comme va-t-elle ?

Je m'apprête à ramener ma canette à mes lèvres quand ma mâchoire se serre. Je bois ma gorgée et repose cette dernière comme si de rien n'était.

- Ça va. Elle m'a demandé de tes nouvelles, ça lui ferait très plaisir de te revoir.
- Et moi donc ! Tu sais à quel point je l'apprécie.

Difficile de garder le retour de votre ex-copine secret alors que votre grand-mère vous connaît par cœur. Lorsque je suis revenu de ce fameux barbecue chez Léa, il y a plus d'un mois, elle a tout de suite remarqué un changement dans mon attitude. Je lui ai donc dit la vérité, ce qui au fond, n'était pas si catastrophique. Mamie a toujours adoré Sybille, mais la savoir de retour l'a un peu inquiétée, c'est vrai. Elle sait ce qu'elle représente pour moi et elle sait aussi que son départ m'a beaucoup affecté.

- Tu as l'air préoccupé, je me trompe ?
- Non..., nié-je.

Réalisant sans doute que je suis en train de lui mentir, elle hausse les sourcils, intriguée. Elle me fixe un instant et en déduit sûrement que je n'ai pas envie d'aborder le sujet. Elle s'apprête à quitter la pièce pour me laisser tranquille quand je l'interromps dans sa lancée :

- C'est Sybille, mamie...

Elle se stoppe avant de revenir sur ses pas. Elle s'installe sur le fauteuil, silencieuse, prête à m'écouter :

- On en a pas forcément reparlé mais tu sais que depuis son retour, on se tourne un peu autour avec Sybille. Notre complicité n'a pas changé. Elle est toujours la fille que j'ai connue, en mieux encore ! Quand Léa l'a conviée pour les vacances, je me suis pas fait de films mais je me suis dit que c'était l'occasion de voir où en était notre relation. Si on avait encore une chance ou pas. J'ai commencé un jeu de séduction et elle a plongé tête baissée. Hier soir, on s'est retrouvé sur la terrasse tous les deux. On a discuté et... On a fini par s'embrasser. J'avais pas ressenti ça depuis un bail, mamie.
- Alors où est le problème, mon grand ?
- Après ça, les gars ont débarqué et j'ai dû les rejoindre pour pas qu'ils nous voient ensemble. Aujourd'hui, on a pas eu l'occasion d'aborder le sujet en tête à tête, et... j'ai peur d'avoir fait une connerie.
- Quoi ? Tu regrettes ce qu'il s'est passé ? demande-t-elle, perplexe.
- Non ! affirmé-je. J'ai des doutes mais ils sont minimes par apport à ce que je ressens. C'est juste que j'aurais peut-être dû prendre les choses en main. Là, j'ai fait comme si de rien n'était et j'ai peur que ça l'ait déçue.
- Mathieu, Sybille n'est pas une enfant. Elle doit certainement se poser des questions sur ton comportement mais elle ne t'en voudra pas. En revanche, tu dois la rassurer.
- Et si elle me dit que c'était une mauvaise idée ?
- Mathieu, sérieusement ? lance-t-elle, visiblement amusée. Si Sybille t'observe avec le même regard qu'elle avait à l'époque, inutile de douter, mon garçon. Tu peux me croire.

Un sourire se dessine sur mon visage, rassuré.

- Merci, mamie.

Elle vient déposer un bisou sur ma tête et quitte la pièce. J'hésite quelques secondes et empoigne mon portable afin d'appeler la principale concernée. Après tout, une petite mise au point ne serait pas de refus. La messagerie se déclenche directement, de quoi me surprendre. Je mets fin à l'appel et me contente de lui envoyer un message « Bien rentrée ? ». Malheureusement pour moi, aucune réponse. Était-elle en colère ? N'avait-elle plus de batterie ? Les questions s'accumulent, me laissant dans une drôle de situation...