ALL NIGHT - PLK

VI - PAS CE SOIR

Chapitre 25

Samedi 10 juin 2017

Je prends soin de remettre en place ma mèche de cheveux, tout en admirant mon reflet à travers la porte de mon bâtiment. Voilà plusieurs minutes que j'attends l'arrivée de Mathieu. J'observe ma tenue attentivement, une petite robe noire, des escarpins et un blazer assorti. C'est peut-être prétentieux de ma part mais ce soir, je me sens jolie. Néanmoins, est-ce que tout ça ne fait pas trop habillé pour un simple anniversaire ? Je commence sérieusement à douter.

Je regarde l'écran de mon téléphone, nerveuse. Il est vingt-deux heures vingt-quatre, où est-il ? Et pourquoi met-il autant de temps à arriver ? Je sors soudainement de mes pensées quand une voiture fait son apparition au bout de la rue. Le véhicule s'approche de plus en plus et vu son allure, j'ai une petite idée sur la personne qui se trouve au volant. Elle s'arrête à ma hauteur, la vitre passagère se baisse doucement, le visage de Mathieu fait son apparition dans l'obscurité. Je peux l'apercevoir m'observer rapidement de haut en bas, ce qui me fait sourire intérieurement de satisfaction avant de m'installer à ses côtés.

- Excuse-moi pour le retard, j'ai eu un imprévu.
- Rien de grave ?
- Non, j'ai dû dépanner un gars du quartier, sa voiture est tombée en panne.
- Comme quoi, il est toujours bon d'avoir un mécanicien sous la main.
- Si on peut rendre service, dit-il en haussant les épaules.

Mathieu a à peine le temps de finir sa phrase qu'un appel téléphonique au nom de « Lesram » s'affiche sur l'écran tactile du tableau de bord.

- Ils me harcèlent tous, râle-t-il en démarrant à vive allure.
- On est en retard ?
- Ouais, d'une bonne heure ! Mais qui arrive à l'heure à une fête ? Sérieusement ?
- Je sais pas, je ne suis pas une adepte des fêtes...
- Ah oui, j'avais oublié que j'ai affaire à une intellectuelle, lâche-t-il, d'un clin d'œil.
- Hey ! dis-je en lui tapotant le bras, délicatement.
- Quoi ? C'est pas la vérité ?
- Oh... Alors tu me vois comme une fille ennuyeuse qui passe son temps libre sur ses devoirs, c'est ça ?
- Mmm non, je n'irais pas jusque là.
- Vas y, je t'écoute, dis-moi le fond de ta pensée, lancé-je, d'un ton léger.

Il se met à sourire. Seigneur qu'est-ce qu'il est beau.

- T'es une fille studieuse qui...
- Qui ? répété-je, comme pour lui mettre la pression.
- Disons que la dernière fois au studio, j'ai vu une autre facette de ta personnalité.

Je l'observe un instant, gênée. Je ne m'attendais pas à ce qu'il aborde le sujet, ce soir et encore moins dans la voiture. Son allusion me surprend, où veut il en venir ?

- Une autre facette de ma personnalité ? demandé-je, perplexe.
- Tu m'as compris, répond Mathieu, d'un grand sourire.
- Oh... Alors parce que je t'ai laissé me toucher, je suis plus ennuyeuse, c'est ça ?
- Attends, t'es sérieuse là ?
- C'est ce que tu viens de dire, non ?
- Qu... Quoi ? bafouille-t-il. Non ! Bien sûr que non ! Je dis juste que je n'aurais pas pensé pouvoir faire ça si tôt.
- Du coup, c'est quoi la conclusion ? « Finalement, Sybille est comme toutes les autres filles ? » C'est ça ? Non, parce que je ne sais pas comment je dois le prendre là, Mathieu ! rétorqué-je, sèchement.
- Attends, tu me fais quoi là ?
- J'essaie de comprendre !
- Je t'arrête tout de suite ! Tu comprends très mal !

Lorsque je tourne la tête vers la vitre, agacée, je réalise que nous sommes arrivés. Mathieu se stationne sur l'une des places encore disponibles quand il coupe le contact.

- Écoute, je t'ai pas invitée pour qu'on se prenne la tête.
- Et moi, je ne suis pas venue ici pour t'entendre me comparer avec tes conquêtes.
- À quel moment je te compare, Sybille ? Dis-moi ?

Je m'apprête à lui répondre quand son téléphone sonne à nouveau. Il coupe aussi tôt l'appel.

- On devrait les rejoindre, reprends-je.
- Ouais...

Je détache ma ceinture et sors du véhicule, irritée par la discussion que nous venons d'avoir. Suis-je trop susceptible ? Je n'exclus pas cette hypothèse. Il claque la portière avant de verrouiller sa Golf et je le suis sans un mot. Le chemin de ballons présent dans l'allée nous mène à un portail gris, entre-ouvert. Nous nous avançons dans la cour. Je me sens coupable de débarquer à cette fête alors que je viens de me disputer avec Mathieu. Je ne sais pas si j'ai mal interprété ses propos mais... J'avais besoin qu'il l'entende. Je ne suis pas les autres et je veux qu'il se mette ça dans le crâne !

Mathieu ouvre la porte d'entrée, de la musique rap se fait entendre. Une cinquantaine de personnes sont présentes. Certaines dansent, d'autres discutent un verre à la main. Je ne sais pas vraiment où donner de la tête. La maison est spacieuse et plutôt moderne. Une location ? Sans doute. J'observe attentivement autour de moi quand l'hôte de la soirée s'avance vers nous.

- Putain ! J'ai cru que t'allais me poser un lapin ! dit-il en faisant une accolade à son ami.
- C'est mon genre ça ?

Le regard d'Aladin vient se poser sur moi.

- Oh mais je vois que t'es pas venu tout seul.
- Joyeux anniversaire, lancé-je, mal à l'aise.
- Merci ! T'es ici chez toi ! Profite !

Je souris tout en suivant Mathieu qui s'empresse d'aller saluer le Panama Bende ainsi que quelques amis à lui. Je les salue à mon tour, timidement. Tout le monde semble surpris de le voir accompagné.

- Vous vous souvenez de Sybille ?
- Comment l'oublier ? sourit Ormaz.
- Oh t'es là toi, intervient Lesram accompagné de ce qui semble être sa copine.
- J'allais pas manquer l'anniversaire de ce crétin !
- Avec toi on sait jamais, Pruski ! sourit son ami.
- Je rêve ou tu es accompagné ?
- Léa, je te présente Sybille, Sybille, voici Léa, la copine de Lesram.
- Enchantée ! dis-je poliment.
- De même ! Tu veux boire quelque chose ?
- Euh... Oui, pourquoi pas.
- Alors viens avec moi, il y a tellement de choix que je serais incapable de t'énumérer tout ce qu'il y a.
- Très bien, dis-je simplement en posant mon blazer sur l'une des chaises. Je te suis.

C'est sous le regard attentif de Mathieu que je suis Léa vers le bar. Décidément, la soirée commence bien...