Chapitre 54
Mercredi 2 Août 2017
- Très bien, mademoiselle Vasilis, je vous recontacte au plus tard en début de semaine prochaine pour une réponse définitive.J'acquiesce d'un mouvement de tête, puis la remercie poliment avant de mettre fin à la conversation vidéo. Je reste figée quelques secondes, un grand sourire s'empare de mon visage. Pour un premier entretien d'embauche, je m'en sors plutôt bien. Euphorique, je m'empresse de quitter ma chambre pour rejoindre le salon. Ma mère et son petit ami discutent autour d'un verre de vin tandis que mon frère regarde la télévision.
- Alors ? Comment s'est passé cet entretien ? se redresse Olivier, intéressé.
- Bien, avoué-je, satisfaite.
- Tu es prise ? Tu pars en Australie ? me questionne Noé, agité.
- Je ne sais pas encore, j'aurai la réponse la semaine prochaine.
- C'est bon signe, intervient ma mère.
- On verra bien, en tout cas, j'ai donné mon maximum.
- Et ça, c'est le plus important ! Tu veux boire quelque...
- Ton téléphone n'arrête pas de vibrer, c'est normal ? le coupe Noé.Ce dernier me tend mon portable qui est sur la table basse. Trois appels en absence ainsi que plusieurs messages s'affichent sur l'écran : « Je suis en bas ! », « Bébé on est retard, bouge ! », « ??? ». Merde, Mathieu !
- Tout va bien ? s'inquiète ma mère.
- Ça aurait été avec plaisir, mais Mathieu est en bas et je suis clairement en retard !Brusquée, je me précipite dans ma chambre afin d'y récupérer mon sac. Comme si tout ça n'était pas assez stressant, l'interphone se met à retentir, m'obligeant à me presser davantage. De retour dans le séjour, c'est à peine si je calcule ma famille. J'ouvre la porte et quitte l'appartement pour atteindre la cage d'escalier. Une fois dans le hall, je continue ma course jusqu'à la porte du bâtiment. Mathieu est appuyé contre sa voiture, les yeux rivés sur son téléphone. Lorsqu'il m'aperçoit, il remonte immédiatement dans son véhicule. Je descends les quelques marches qui me séparent du trottoir et le rejoins côté passager sans perdre de temps.
- Putain, ça fait dix minutes que j'essaie de te joindre ! crache-t-il, d'un sec.
- Excuse-moi, mon entretien a duré plus longtemps que prévu et j'avais laissé mon téléphone dans le salon.
- On est à la bourre ! râle-t-il en accélérant de plus belle.
- Pourtant la séance est à vingt-deux heures quinze.
- Non, Léa s'est plantée, elle est à vingt-deux heures.Mathieu prend le rond-point à vive allure ce qui m'oblige à me cramponner au siège à l'aide de mes mains. Je grimace légèrement, tout en essayant de rester calme.
- Au pire, on peut toujours aller voir un autre film, non ?
- Pourquoi ? Les poupées démoniaques c'est plus ton truc ?
- Disons que je peux m'en passer, lancé-je tout sourire en essayant de détendre l'atmosphère.Bizarrement, aucune réaction de sa part. En revanche, il prend soin de s'allumer une cigarette. Il a l'air tendu. Est-ce à cause de mes dix minutes de retard ? Ou bien, y a-t-il autre chose ? Il tire sur cette dernière et enchaîne, les yeux rivés sur la route :
- Au fait, ton entretien s'est bien passé ?
Le ton de sa voix est toujours aussi sec mais je n'y prête pas attention.
- Oui ! dis-je spontanément, enthousiaste. Tamara ne s'est pas prononcée mais j'ai vu que mon profil l'intéresser.
- Ouais enfin... Ne te fais pas trop de films.
- Comment ça ?
- T'as dix-huit ans, tu sors à peine du lycée, contrairement aux autres candidats, tu n'es pas très qualifiée.
- Tu crois vraiment que si c'était rédhibitoire, elle aurait pris le temps de faire cet entretien ?
- Ça, ça veut rien dire. Peut-être qu'elle l'a juste fait pour faire plaisir à Olivier ? Après tout, ça serait compréhensible.Je l'observe un instant, silencieuse, heurtée par ses paroles. Je finis par détourner le regard, mal à l'aise. Sa réponse me laisse sans voix. Je savais qu'il était septique, mais à ce point ? Je l'ignorais.
- Je dis juste que tu dois pas trop t'emballer, OK ? reprend-il comme pour se rattraper.
- Oui, ne t'inquiète pas pour ça.Je me penche vers la vitre, pensive. Au fond, Mathieu n'a pas tort mais son attitude me dérange. Il est censé m'encourager et non me rabaisser. Alors pourquoi agit-il de la sorte ?
Arrivés au cinéma, Léa et Lesram nous attendent dans le hall, les billets en mains. D'après l'heure, nous sommes pile dans les temps. On marche jusqu'à la salle numéro une avant de prendre place sur l'une des rangées centrales.
- Ouf ! Le film n'a pas encore commencé, lance Lea, rassurée.
- Ça servait à quelque chose de nous mettre la pression, râle Mathieu.
- Oh ça va toi ! Tu peux sourire un peu ? T'avais qu'à être à l'heure, Monsieur je-suis-toujours-en-retard !
- Mais t'es vrai...
- C'est ma faute, dis-je en coupant mon copain dans sa lancée. J'avais un entretien, il s'est éternisé. Mathieu n'y est pour rien.
- Un entretien si tard ? s'étonne Lesram.
- Pour un boulot ? Mais tu es pas censée aller à l'université ? me questionne-t-elle, perplexe.
- Si mais je vais peut-être partir à Sydney, annoncé-je, timidement.Les yeux du couple s'écarquillent aussitôt.
- En Australie ?! Et toi, tu nous as rien dit ! crache Lea, en regardant son ami.
- Je vois pas pourquoi je m'avancerais sur un truc aussi bancal.La phrase de Mathieu a le don de m'achever. Si ce soir je pensais avoir tout vu, je crois que je me suis trompée.
- Rien est encore officiel, reprends-je.
- Ça serait pour combien de temps ? demande Lesram.
- Quelques mois, voir plus.
- Il parait que les Australiens sont très accueillants ! Tout comme les surfeurs d'ailleurs !Léa me lâche un clin d'œil et la salle se plonge dans le noir. Il faudrait être complément à l'ouest pour ne pas sentir la colère de Mathieu, concernant les dires de son amie, pourtant personne ne semble y prêter attention. L'image sur l'écran apparaît, retenant immédiatement notre attention. Personnellement, je ne sais pas comment réagir face à son comportement. En quarante minutes de temps, il m'a plus blessée qu'en cinq mois de relation...
Les minutes passent et c'est à peine si j'arrive à me concentrer. Alors que ses yeux sont rivés sur le film, sa main vient agripper la mienne. Agit-il par peur ? Possible... En tout cas, je ne dois pas céder. Dans quelques semaines, je serai peut-être à des milliers de kilomètres...
VOUS LISEZ
ALL NIGHT - PLK
FanfictionUne histoire comme les autres ? Détrompez-vous, vous n'êtes pas au bout de vos surprises. ▫️Sybille Vasilis ▫️Mathieu Pruski