XV - TERRIBLE

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Chapitre 52

Mathieu

Samedi 3 octobre 2020

Attentif, j'observe la route en débitant machinalement les paroles qui résonnent dans l'habitacle. Il s'agit du morceau de Salif, Caillera à la muerte, un classique, qui même après toutes ces années, reste l'un de mes sons favoris. Ormaz, qui se trouve sur le siège passager, se mêle au deuxième couplet, enthousiaste. On roule en direction de Trivaux-la-Garenne pour se rendre chez Sybille. En effet, il y a quelques jours, j'ai eu la maladresse d'oublier l'une de mes paires de lunettes de soleil favorites chez elle, et elle commence sérieusement à me manquer.

- Au fait, t'as vu cette histoire de Covid ? D'après les rumeurs, on va avoir le droit à un deuxième confinement, annonce mon ami, les yeux rivés sur son téléphone.

Je baisse la musique à l'aide d'un bouton sur mon volant et réponds à son annonce dans la foulée :

- Ouais, Flav a peur pour la tournée.
- Il a des infos ? me questionne-t-il, intéressé.
- Non, aucune, le gouvernement ne se prononce pas officiellement, ça rend fou ! m'agacé-je. Le problème c'est que le Enna tour commence à Nantes dans un mois et dix jours et on est toujours incertains.
- Putain, ça craint...
- Ouais... Encore que les dates soient repoussées, c'est pas si grave, ça décale juste la tournée de quelques mois. En revanche, ce qui m'énerve, c'est pour les fans. La plupart d'entre eux prennent des hôtels, des trains, ils s'organisent pour venir et si on doit annuler à la dernière minute, c'est pas sérieux.
- C'est sûr, mais bon, pour l'instant ce sont que des rumeurs alors on va essayer de rester positifs, OK, mon reuf ?

J'acquiesce en esquissant malgré moi un sourire. Il est vrai que cette histoire de tournée liée au Covid commence à me perturber. Cette deuxième vague n'annonce rien de bon, mais j'essaie de ne pas être négatif, la sécurité avant tout !

Stationné devant le bâtiment, je tends le bras dans la boîte à gant afin de récupérer le double des clés et sors de la voiture en laissant mon ami à l'intérieur.

- J'en ai pour cinq minutes !
- Ouais, tranquille ! dit-il en roulant son joint, sans même me regarder.

Cette après-midi, Sybille n'est pas chez elle mais chez Léa pour ses fameux cours de soutien, j'en profite donc pour passer récupérer mes affaires en vitesse. À peine entré, déjà sorti ! La paire de lunettes entre les mains, je referme la porte à double tour et me dirige vers les escaliers pour retourner à ma voiture. Alors que je m'apprête à descendre au palier inférieur, Sacha arrive face à moi. Indifférent, je me contente de le saluer d'un mouvement de tête, tout en continuant mon chemin, quand ce dernier m'interpelle en prononçant mon prénom. Je me stoppe, surpris, et me retourne en le fixant dans l'attente d'une explication en plein milieu des marches.

- Alors c'est vrai ? Sybille repart en Australie ?

Mes sourcils se froncent instantanément à l'entente de ces mots. Sybille ? Repartir en Australie ? Mais qu'est-ce qu'il me baragouine, celui-là ?

- T'as dit quoi ? grimacé-je, contrarié.
- Je... Excuse-moi, bafouille-t-il. Je voulais pas t'embêter, t'es sûrement pressé mais ça me tenait à cœur de savoir, car on se parle plus beaucoup elle et moi ces derniers temps et...
- Qui t'a raconté ça ? le coupé-je en remontant dangereusement vers lui.
- En début de semaine on s'est croisés et je l'ai entendue parler au téléphone.
- T'es quoi ? Un voisin psychopathe qui écoute les conversations de ma copine ?
- Non ! Pas du tout ! Ça va pas ? s'offusque-t-il.
- Ça y ressemble beaucoup pourtant ! craché-je, agité.
- Je voulais juste savoir quand elle partait, c'est tout !
- Si ça t'intéresse tellement, t'as qu'à lui demander directement !

Je tourne les talons, agacé de cette conversation qui vient littéralement de tout remettre en question. Sybille ? Repartir en Australie ? Mais pourquoi ferait-elle ça ? C'est insensé ! Une sensation de panique m'envahit mais j'essaye de prendre sur moi, malgré tout. Je sors mon téléphone de la poche de mon short et tape un message spontanément : « Rappelle-moi, je crois qu'il faut qu'on parle ! » Je contracte la mâchoire, hésitant, et l'efface dans la foulée en lâchant une injure. Agir à chaud n'est pas une bonne idée, Mathieu. J'entre dans la voiture brusquement :

- C'est bon, t'as retrouvé tes lunettes adorées ? sourit Ormaz.

Je balance ces dernières sur le siège arrière et démarre au quart de tour, laissant mon ami dans l'incompréhension la plus totale. Mais bordel, c'est quoi encore ces conneries ?!

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant