XIII - DÉGAINE DE BANDIT

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Chapitre 47

Mathieu

Mardi 8 septembre 2020

Lorsque j'ai vu le nombre d'appels en absence s'afficher sur l'écran de mon téléphone, j'ai tout de suite compris que quelque chose d'inhabituel s'était produit. J'ai recontacté Lesram dans la foulée, ce dernier m'a très vite rassuré sur la situation. Personne ne savait vraiment ce qu'il s'était passé avec Ilyès mais d'après mon ami, Sybille était avec lui. Elle avait réussi à passer outre les règles de restriction grâce à son beau-père, de quoi les soulager davantage.

La tentative de Marcel pour m'apaiser n'avait pas fonctionné, je n'étais pas serein. Une descente de police n'annonce rien de bon, surtout avec cette bande de sauvages en uniforme. Pourquoi avait-il fini aux urgences ? Le contexte peut paraître simple pour les personnes qui ne sont pas concernées mais je connais Ilyès, il n'a rien à se reprocher, bien au contraire ! J'ai donc interrompu la réunion à laquelle j'assistais depuis plus de deux heures. Pour être franc, un tas de questions fusaient dans ma tête mais une partie de moi redoutait les réponses, je ne pouvais pas rester là sans rien faire, je devais rejoindre mes amis chez Léa ! Flav avait évidemment compris mon départ précipité des bureaux ; j'ai beau faire passer le rap avant beaucoup de choses, la famille reste et restera toujours ma priorité.

Arrivé chez Léa, je stationne mon scooter sous l'abri en bois qui se trouve à l'entrée de la maison quand je reçois un message de mon amie, visiblement paniquée : « T'es où ? Dépêche-toi ! » Pourquoi est-elle aussi stressée ? Je retire mon casque, glisse mes clés dans ma sacoche et regagne la maison, intrigué. Alors que je traverse le séjour, des éléments de couleur attirent mon attention. Je marche vers la baie vitrée et remarque une banderole, des ballons et toute la décoration qui a été mise en place sur la grande terrasse.

- Tu t'attendais pas à ça, hein ? me sonde Lesram en me lançant un ballon de baudruche que je rattrape immédiatement.
- L'anniversaire surprise est maintenu ?
- Oui, on a pensé que ça serait une bonne idée pour Ilyès vu la journée qu'il vient de passer, se mêle Léa de la cuisine. Tu arrives pile à temps ! Ta réunion s'est bien passée ? Les préparatifs du clip avec Hamza sont bouclés ?
- Je suis parti avant la fin mais on est censé tourner le 30 septembre.
- Génial ! J'ai hâte de voir ça !
- Vous avez pas fait les choses à moitié, dis-je en observant l'arche de ballons bicolore.
- Tu aimes ? C'est Sybille qui a eu l'idée du noir et du doré !
- Elle a toujours bon goût, Ilyès va adorer !
- Y a plutôt intérêt, râle Ormaz en arrivant derrière moi. Ça fait deux heures qu'on est les esclaves de Mademoiselle Agostini. Une heure de plus et j'avais officiellement mon diplôme pour travailler dans l'événementiel.
- Peut-être qu'avec ça tu te ferais plus de blé que le rap, tu devrais y réfléchir, le taquine Lesram.

On sourit à sa réplique tandis qu'Ormaz se contente de lui tendre son majeur. Je profite de ce moment entre nous pour en savoir un peu plus sur l'organisation de ce dîner d'anniversaire surprise.

- Ils sont censés arriver à quelle heure ?
- Dans quelques minutes, Anis m'a envoyé un message, ils étaient pas très loin.
- Vous savez toujours pas ce qu'il s'est passé ? reprends-je, plus sérieusement.
- Non mais d'après Sybille, il va bien.
- Elle vous a envoyé des messages ? Car elle répond pas aux miens.
- Le dernier date d'il y a plus d'une heure.
- Elle a sûrement plus de batterie, me rassure Ormaz.
- Ouais, sûrement.

C'est à peine si on a le temps d'enchaîner sur un autre sujet qu'une voiture se fait remarquer dans l'allée. Léa court, surexcitée, et nous ordonne gentiment de nous placer sur la terrasse pour un effet réussi. On s'exécute en se positionnant sous l'arche de ballons lorsque des voix se font entendre dans le séjour.

- Ça va, tu galères par trop ? demande Anis, prévenant.
- Un peu, frérot, il faut que je me fasse la main.
- Ça va venir, t'inquiète pas ! On se cale sur la terrasse ?
- Ouais, j'ai besoin de prendre l'air.

C'est attentifs et silencieux qu'on remarque une silhouette avec ses béquilles s'avancer vers nous.
Malgré notre étonnement certain, un « Joyeux anniversaire ! » sort spontanément de nos bouches en parfaite cohésion. Un grand sourire s'empare du visage d'Ilyès tandis qu'Anis et Sybille observent la décoration, bluffés.

- Non mais j'hallucine, c'est ouf ! Vous avez préparé tout ça pour moi ? lance-t-il, surpris.
- Disons que c'était déjà prévu avant que tu ne rentres aux urgences, lui explique Léa.
- Whoua ! Vous avez assuré ! les félicite Sybille.
- C'est aussi grâce à toi, lui rétorque notre amie d'un clin d'œil.
- Vous êtes les meilleurs !
- Peut-être, mais ça nous explique pas ton nouveau style, mon reuf, répond Ormaz en fixant sa jambe.
- Sympa, non ? dit-il en tournant sa blessure au dérisoire.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Je croyais que tu n'avais rien ? m'inquiété-je.

Il prend place sur la banquette extérieure tandis que Léa nous ramène de quoi nous hydrater. Ilyès commence à nous raconter l'histoire dans les moindres détails. Son début d'après-midi avec Isaac, le bruit, l'interpellation dans les escaliers, sa blessure, son trajet aux urgences, tout y passe !
Je suis en train de bouillir et je ne suis pas le seul. Less et Ormaz eux aussi sont dans le même état d'esprit. Je savais que cette histoire n'avait pas de sens ! Ce genre d'altercation est fréquente dans nos quartiers et la violence devient rapidement une habitude pour ces types qui se prétendent tout permis. Malgré ça, Ilyès ne cherche pas à envenimer les choses, au contraire. Il semble vouloir se changer les idées et profiter de son anniversaire avec ses amis comme il se doit.

L'apéro terminé, j'en profite pour m'éclipser dans le jardin. Cette histoire avec Ilyès me remonte et j'ai du mal à profiter pleinement de cette soirée. Conséquence : je fais les cent pas sur la pelouse en tirant sur ma cigarette lorsqu'une voix familière m'interrompt dans mes pensées :

- Je vais finir par croire que tu m'évites.

Je me retourne et aperçois Sybille s'avancer vers moi dans sa jolie robe fleurie, son célèbre petit sourire au coin des lèvres.

- Non, bien sûr que non.
- Tout va bien ?
- Ouais, c'est juste cette histoire qui me tend un peu.
- Je comprends, on a tous eu très peur.
- Ces connards auraient pu faire une dinguerie ! Les bavures sont de plus en plus fréquentes, ça me rend fou ! La plainte servira à rien mais avec un peu de chance, on recroisera ces enculés.
- Hey..., dit-elle doucement en posant sa main sur mon bras. Je sais que cette histoire te touche mais Ilyès va bien et ce soir c'est son anniversaire, alors s'il te plaît, profite du moment présent, d'accord ?
- Ouais... T'as raison.

C'est naturellement que je viens embrasser son front avant de la serrer contre moi. Elle a raison, elle a toujours raison... Cette femme a le don se m'apaiser dans n'importe quelle situation, j'ai de la chance de l'avoir dans ma vie.

- D'ailleurs, je tiens à te remercier pour Ilyès.
- Tu sais, je n'y suis pour rien, tout ça c'est grâce à Olivier.
- Peut-être mais tu as quand même fait beaucoup, je sais que ça te tenait à cœur. Merci d'être toujours là quand on a besoin de toi.

Un sourire sincère s'empare de son visage, elle vient embrasser mes lèvres en guise de réponse.

- Je t'aime.
- Je t'aime aussi.
- Je rêve ou vous vous éclipsez secrètement pour vous faire des bisous ? s'immisce Léa du balcon.
- Un peu d'intimité, c'est trop te demander ? dis-je en levant la tête dans sa direction.
- Avec moi, ça va être difficile, tu le sais ! avoue -t-elle, d'un ton léger.

Elle me lance un bisou avec sa main quand je remarque le regard de Sybille se baisser vers le sol, pensive.

- Tout va bien ?
- Euh... Oui, bafouille-t-elle. On devrait retourner là-haut, tu viens ?

Je n'ai pas le temps d'acquiescer qu'elle empoigne ma main, direction la terrasse pour profiter pleinement de cette belle soirée d'anniversaire.

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant