IV - PAS CE SOIR

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Chapitre 27

Samedi 10 juin 2017

Appuyée contre la rambarde de la terrasse, j'observe le jardin en contrebas. Il fait nuit noire, c'est à peine si j'arrive à visualiser la végétation qui m'entoure. Je tire sur ma cigarette, nerveuse. Mes mains tremblent encore... Je n'arrive pas à croire que Max ait osé faire ça. Son attitude, ses gestes, ce garçon me répugne ! Je tourne légèrement la tête vers la baie vitrée, la fête a repris son cours. Mathieu est toujours dans la cuisine, entouré de Léa, Ormaz, Lesram et Aladin. De quoi sont-ils en train de parler ? Est-il en train de leur raconter ce qu'il s'est passé ? Pour être honnête, sa réaction m'a surprise. Je ne m'attendais pas à ce qu'il réagisse avec autant de virulence, mais ce Max n'est qu'un idiot alors je ne vais pas le défendre, même si je suis contre toute forme de violence.

- Alors comme ça on s'isole ?

La baie vitrée coulisse, laissant apparaitre Ormaz.

- J'avais besoin de prendre l'air.
- Mathieu vient de nous raconter ce qu'il s'est passé.
- Ce Max est un vrai connard !
- Malheureusement, tu ne m'apprends pas grand-chose, grimace-t-il. Max est un ami d'Adrien. Ils se connaissent depuis l'école primaire. Je crois qu'il lui manque une case, ce mec à un sérieux problème.
- Ça, je confirme.

La spontanéité de ma réplique le pousse à sourire.

- Si tu veux tout savoir, le Polak et lui ne s'entendent pas très bien. Max a dû se servir de toi pour le faire réagir.
- Attends, tu insinues qu'il m'a draguée pour piquer Mathieu ?
- Ça t'étonne ?

Je le fixe un instant, perplexe.

- Je crois qu'il m'en veut.
- Qui ça ? Mathieu ? s'étonne-t-il.
- Oui...
- T'as vu comment il te regarde ? Ça n'a échappé à personne ici.
- Comment ça ?
- Tu veux que je te fasse un dessin, peut-être ?

Avec ses mots, Ormaz arrive à me faire sourire à nouveau.

- D'ailleurs, on devrait les rejoindre, je ne veux pas avoir d'ennuis, si tu vois ce que je veux dire.

Il agite ses poings en faisant référence à Mathieu, ce qui me pousse à rire. Je prends soin d'écraser ma cigarette dans l'un des cendriers mis à disposition sur la terrasse avant de le suivre jusqu'à la cuisine.

Lorsqu'on entre dans la pièce, tous les regards se posent sur moi. Enfin... tous, sauf un, celui de Mathieu, bien évidemment. Léa me décroche un sourire quand Adrien prend la parole :

- Ça va, toi ? Je suis désolé, je ne sais pas ce qu'il lui a pris.
- Oui, ça va. Tu n'as pas à t'excuser, le rassuré-je.
- Tu devrais aller désinfecter tes plaies, Mathieu, suggère Léa, inquiète.
- La proprio m'a dit qu'il y avait une trousse de secours dans la salle de bains, à l'étage, l'informe Adrien.
- Très bien, je m'en occupe.

Mathieu me regarde, surpris.

- Tu viens ? lancé-je, sans même le regarder.

Il acquiesce d'un geste de la tête et nous traversons la pièce pour prendre les escaliers. Mathieu me suit sans un mot et c'est à peine si j'ose me retourner.

Arrivés dans la salle de bains, je me baisse légèrement sous le lavabo pour scruter chacun des terroirs. Bingo. La trousse se trouve dans l'un d'eux. Lorsque je me relève, la porte est fermée et Mathieu est assis sur le rebord en pierre de la baignoire. Je le regarde un instant, mon ventre se resserre brusquement. Aucun mot ne sort de ma bouche. Je me contente d'attraper du coton et du désinfectant afin de tapoter délicatement ses plaies. Il grimace de douleur.

- Ça pique ?
- Ouais, un peu.

Je passe mes doigts sous son menton pour lui tenir la tête tandis que je regarde attentivement son visage. Plus de peur que de mal. Quelques coupures dont une un peu plus profonde que les autres mais rien qui nécessite des points.

- C'est ça de jouer les héros.
- Ce connard a eu ce qu'il méritait, crache-t-il.
- Peut-être mais la violence ne résout pas tout.
- Alors j'aurais dû le laisser me provoquer ?
- Je n'ai pas dit ça.
- Ce fils de pute te regarde depuis le début de la soirée. Je savais qu'il allait tenter un truc.
- Espion à tes heures perdues ? lancé-je, d'un ton léger.
- T'es sous ma responsabilité, Sybille !
- Oh... Je vois. Mathieu Pruski, le grand frère protecteur.
- Le grand frère protecteur ? C'est comme ça que tu me vois ?

Je fuis son regard, mal à l'aise.

- Réponds-moi.
- Tu veux que je te réponde quoi, Mathieu ?
- On est quoi nous deux ?

Les battements de mon cœur s'accélèrent soudainement.

- À toi de me le dire.
- J'en sais rien mais une chose est sûre, j'ai pas envie de te partager avec qui que ce soit.
- Oh... Une déclaration ? rétorqué-je, uniquement pour l'embêter.
- Et puis quoi encore ?

Il se met à sourire, gêné, et me tire vers lui de façon à ce que je prenne place sur ses genoux. Il me regarde un instant quand sa main droite vient se poser sur ma joue avant de m'embrasser. À ce moment précis, j'oublie tout. Notre dispute de tout à l'heure, cette histoire avec Max, tout ! Je réponds à son bisou avec dynamisme. Sentir ses lèvres sur les miennes me fait un bien fou.

- Si je commence, je vais plus pouvoir m'arrêter là, avoue-t-il entre deux baisers.
- Un studio, une salle de bains ? C'est quoi la prochaine étape ?
- Tu veux vraiment savoir ?

Il me lâche un clin d'œil. Je lui souris quand je suis prise de panique. Tout ça c'est tellement nouveau pour moi. Et si je n'étais pas à la hauteur ? Voyant mon visage se décomposer petit à petit, Mathieu s'empresse de me rassurer.

- On n'est pas pressé de toute façon. D'ailleurs, je tiens à m'excuser pour tout à l'heure. J'ai été maladroit.
- Et moi, j'ai agi comme une fille stupide.
- C'est vrai...
- Hey !

Je tapote son bras à l'aide de ma main quand ce dernier me décroche un magnifique sourire. Je viens embrasser ses lèvres une nouvelle fois, profitant du moment, lorsqu'Adrien entre dans la pièce. Je sursaute et me relève dans la foulée comme si de rien n'était.

- On ne t'a jamais dit de frapper avant d'entrer ?
- C'est une salle de bains ou une love room là ?

Le sourire d'Adrien en dit long sur le fond de sa pensée.

- J'ai terminé de toute façon, annoncé-je.
- Oh prenez votre temps, je viens juste chercher quelques serviettes pour la piscine. Certains ont eu la bonne idée de plonger dedans.

À peine sa phrase terminée, il referme la porte pour retourner au rez-de-chaussée.

- On redescend ? demandé-je.
- Ouais, ils vont s'imaginer des trucs après.

Mathieu se relève à son tour, il dépose un bisou dans mon cou avant de se rincer le visage ainsi que les cheveux, à l'eau claire.

Jamais je n'aurais pensé que la soirée prenne une telle tournure. Une dispute, une bagarre, une mise au point dans une salle de bain, sans oublier un bisou... Finalement, les choses rentrent plutôt bien dans l'ordre, non ?

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant