XII - TEMPS PERDU

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Chapitre 40

Mardi 25 août 2020

Courir permet de s'aérer l'esprit, de prendre soin de soi pour se déconnecter des problèmes du quotidien. C'est un excellent moyen pour se ressourcer et se sentir mieux mentalement. Lorsque l'on court, notre corps libère des substances chimiques qui peuvent réellement aider à surmonter l'anxiété et toutes sortes de troubles. L'accomplissement d'un effort physique et le dépassement de soi renvoient une meilleure image de soi-même et un sentiment de fierté. De quoi m'encourager à renouveler cette activité plus régulièrement.

Arrivée face à mon bâtiment, je stoppe mon footing, essoufflée. Je me cambre légèrement en posant mes mains sur mes cuisses et inspire profondément avec le nez de façon à pouvoir récupérer. Ça fait longtemps que je n'avais pas pris le temps de me consacrer au sport, et malgré la difficulté, je me sens bien. 

Mon temps de récupération terminé, je tape mon code et entre dans le hall afin d'y vérifier mon courrier. Ma boîte aux lettres est vide. Je considère ça comme une bonne nouvelle. Au diable, les factures ! Alors que je commence à gravir les premières marches des escaliers, une personne entre dans l'immeuble. Je jette discrètement un coup d'œil au-dessus de mon épaule et aperçois Sacha, muni d'un sac de courses. J'accélère le pas, réalisant à quel point cette situation est embarrassante, et continue mon chemin jusqu'au palier suivant lorsque sa voix se fait entendre :

- Sybille, attends...

Je me fige un instant, je ne peux m'empêcher de lui lancer un regard froid. Malgré cette tentative d'intimidation, il poursuit :

- Tu ne réponds plus à mes appels, ni à mes messages, est-ce qu'on peut parler deux minutes ? me questionne-t-il, mielleux. S'il te plaît.

Je m'apprête à sortir un « non » catégorique quand ma conversation avec Mathieu me revient à l'esprit. « Une discussion serait peut-être nécessaire. » Je soupire. Après tout, fuir n'est pas une solution... Je me contrains à descendre les quelques marches qui nous séparent et finis par accepter.

- Très bien, si tu insistes.

La nonchalance dont je fais preuve n'est pas très agréable, pourtant Sacha ne m'en tient pas rigueur. Un léger sourire se dessine même sur son visage, à croire que cet échange lui tient vraiment à cœur. Il déverrouille sa porte à l'aide de son trousseau de clés et m'invite à entrer. Je longe le couloir qui mène au séjour. L'appartement de mon voisin n'est pas aussi spacieux que le mien, mais il reste très fonctionnel. Attentive, mon attention se porte sur une valise de taille moyenne, disposée en vrac au milieu du salon. Des vêtements traînent un peu partout dans la pièce, ce qui le met aussitôt dans l'embarras.

- Excuse-moi pour tout ce bazar, je n'avais pas prévu que tu accepterais de venir discuter. Je rentre tout juste de Saint-Malo, j'ai passé dix jours chez ma mère et...
- Ne t'inquiète pas, ça ne fait rien, le coupé-je. Ton séjour s'est bien passé ?
- Oui, j'ai pu voir ma sœur et ma nièce, Mia. C'était sympa de pouvoir passer du temps avec elles pour les vacances. Et toi alors ? Tout va bien ?

À l'annonce de sa question, j'ai un temps d'arrêt. « Bien » est un grand mot. En tout cas, j'essaie de faire au mieux. Je dois reconnaître que cette histoire avec Mathieu m'a légèrement perturbée mais je m'en remets à mon rythme. De toute façon, ça serait stupide de rester bloquer sur ça indéfiniment, n'est-ce pas ? Sans oublier que Nour me manque atrocement. J'évite de la harceler de textos pour ne pas l'accaparer dans sa lune de miel. C'est peut-être futile mais inconsciemment ça joue sur mon moral. Bien sûr, je ne vais pas faire part de tout ce que j'ai sur le cœur à Sacha. D'une, car je n'en ressens pas le besoin et de deux, car je ne suis à l'aise avec cette idée. Je vais plutôt opter pour une réponse simple et efficace :

- Oui, ça va ! La routine, souris-je, poliment.
- Tu as repris le sport ? dit-il en observant ma tenue.
- Pas vraiment, j'en fais de temps en temps.
- Le running ça donne soif, non ? Tu veux boire quelque chose ? me propose-t-il en ouvrant son frigo.
- Un verre d'eau, ça sera parfait, merci.

Je prends place sur son canapé. Il me rejoint avec un verre d'eau fraîche et s'installe sur une chaise, face à moi, prêt à discuter.

- Tout d'abord, je tiens à m'excuser une nouvelle fois pour ce qui s'est passé chez toi au début du mois. J'ai dit des mots que je ne pensais pas. C'était sur le coup de la colère et j'en suis à sincèrement désolé.
- J'ai vraiment pas compris ton attitude.
- Je sais. Je crois que tout s'est mélangé dans ma tête, j'ai perdu mon sang-froid.
- Pour quelle raison ? demandé-je, confuse.
- Cette histoire avec PLK m'a sonné. Je m'attendais pas à ce que tu sortes avec lui. J'ai été vexé que tu m'en aies pas parlé.
- Je n'aime pas déballer ma vie amoureuse à tout-va. C'est mon cocon et nous n'étions même pas encore ensemble lui et moi alors je...
- Tu n'as pas à te justifier, abrège-t-il. J'ai déconné et je sais que mes propos t'ont blessée.
- Ceux qui insinuent clairement que je suis avec Mathieu pour son argent et sa popularité ? Tu parles de ces propos-là ?
- Ça, c'était uniquement pour te piquer. Tu sais très bien que je n'en pense pas le moindre mot, Sybille. Tu n'es pas ce genre de fille. C'est juste que j'ai toujours eu un faible pour toi et...
- Et quoi ? Ça justifie ton comportement ? rétorqué-je sur la défensive.
- Non, bien sûr que non !
- Pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ?
- J'avais peur de tout gâcher. De toute façon il faut être réaliste, je fais pas le poids face à lui.
- Sacha..., râlé-je.
- Non, je parle pas d'argent ou de popularité mais d'amour. J'ignore ce qui se passe entre vous mais vu votre passif, ça a l'air très fort et je ne fais pas le poids, c'est tout.

Pour être honnête, je suis mitigée. Mitigée entre cette situation qui me met terriblement mal à l'aise et sa remise en question, plutôt touchante. Ne sachant pas quoi répondre à tout ça, je ramène mon verre d'eau à mes lèvres, sans un mot. 

- Je sais ce que tu penses, reprend-il. « Comment rester ami avec lui alors qu'il veut plus ? » Je t'arrête tout de suite, Sybille. J'ai dit que tu me plaisais mais je ne suis pas amoureux de toi. Si tu veux tout savoir, je sors avec Julie. Tu sais, la fille qui travaille avec moi ? Du coup, Mathieu n'a rien à craindre et toi non plus d'ailleurs.
- Laisse-moi deviner, bowling, pizza pour le premier rencard ? lancé-je pour un peu plus de légèreté.
- T'es quoi au juste, un extraterrestre qui lit dans mes pensées ?
- Non, seulement une voisine qui t'a très vite cerné.
- Même si c'en est pas un, je vais prendre ça pour un compliment.
- Tu peux. En tout cas je suis contente pour toi.
- Ouais... On se revoit ce soir elle et moi.
- Cool !

Je m'efforce de sourire lorsqu'un silence gênant s'abat sur nous. J'ai l'impression qu'il cherche à tout prix à se justifier et je commence à trouver ça pesant. Je cherche désespérément une porte de sortie et décide de me lever, prête à partir.

- Un conseil, si tu ramènes Julie ici ce soir, tu devrais commencer à ranger cet appartement.
- Oui, c'est vrai que c'est un peu le bordel là, acquiesce-t-il.
- Les filles n'aiment pas les garçons bordéliques.
- Tu t'en vas déjà ? enchaine-t-il, déçu.
- Oui, j'ai des trucs à faire et toi aussi visiblement.

Je me contente de sourire avant de traverser la pièce. Sacha m'escorte jusqu'à la sortie.

- Bonne soirée !
- Merci, Sybille. Bonne soirée à toi aussi !

Je ne me retourne pas et continue mon chemin jusqu'aux escaliers pour rejoindre l'étage supérieur. Je ne sais pas quoi penser de cette entrevue. J'entends ses excuses et je les comprends, mais la gêne ressentie durant notre discussion me pousse à me poser des questions. Est-ce que tout ça est normal ? Je ne veux pas paraître pessimiste, mais j'ai la nette impression que cette histoire a brisé quelque chose dans notre amitié.

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant