XI - TOUT RECOMMENCER

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Chapitre 39

Vendredi 21 août 2020

Ma vision est trouble, mes joues sont trempées, ma respiration est saccadée, quant à ma poitrine, elle me lance si fort que ça en devient désagréable. C'est avec le cœur lourd que je rejoins ma chambre, déboussolée. Je prends place sur mon lit, réalisant avec regret ce qu'il vient de se passer et me laisse tomber sur mon coussin, désemparée. C'est comme si je n'avais plus aucun contrôle. De mes yeux ruissellent de chaudes larmes, évacuant toute la tristesse qui est en moi. Je me sens vulnérable, trahie, pourtant je sais que tout ça n'est pas nécessaire. Cette réaction est disproportionnée, j'en suis consciente. Cela montre sans doute à quel point je suis blessée, même si au final, ses révélations ne sont pas un scoop. Je ne suis pas stupide, je savais très bien que Mathieu n'avait pas enfilé une bague de chasteté à mon départ, mais l'entendre m'avouer tout ça de lui-même m'atteint bien plus que je ne l'aurais imaginé. Penser ne serait-ce qu'un instant qu'une autre femme ait pu partager un moment aussi intime avec lui m'anéantit. Était-il le même avec elles ? Éprouvait-il autant de satisfaction ? Est-ce qu'il... Non, stop ! Je dois arrêter de me poser toutes ces questions ! Je bascule légèrement, mon attention rivée sur ma table de nuit, et reprends peu à peu une respiration décente. Au fond, ce qui me rend malade, c'est que j'avais beau à être à l'autre bout du monde, il n'y avait que lui. Il était omniprésent dans mes pensées, et ça, à chaque instant. Alors que lui...

- Je peux entrer ?

Une voix timide se fait entendre, me coupant brusquement de mes pensées. Je déglutis, mal à l'aise. J'en avais presque oublié sa présence dans l'appartement. Je me redresse afin de m'assoir et prends soin de blottir l'un de mes oreillers contre ma poitrine. Mon regard est fuyant mais cela n'empêche pas Mathieu de s'avancer dans la pièce pour venir me retrouver sur le lit.

- Je suis désolé, je ne voulais pas te mettre dans cet état, avoue-t-il, confus. Je savais qu'en abordant le sujet, il y avait de fortes chances pour que ça dégénère.
- Tu n'as pas à t'excuser...

Ma réponse semble l'étonner. À vrai dire, j'ai beau être bouleversée, je dois admettre que l'attitude de Mathieu me surprend. Aborder une conversation comme celle-ci demande du courage et de la volonté. Je ne sais pas si j'aurais osé le faire, sans doute par peur d'être confrontée à la réalité. Je sais très bien que sa démarche n'a pour but que de solidifier notre relation et non de la détruire, mais cela reste tout de même très difficile à entendre.

- Tu sais, quand on a décidé de se séparer, j'étais au plus bas. Ma famille et mes amis pourront te le confirmer, si c'est pas déjà fait. En prenant cette décision, le lien qu'on avait réussi à entretenir malgré la distance s'est rompu définitivement et j'ai eu du mal à l'accepter. Les premiers mois ont été difficiles, heureusement que j'avais le rap, mais ça ne fait pas tout. J'ai mis du temps pour ressortir en soirée et me laisser aller. Coucher avec ces filles n'a fait que confirmer la réalité. Elles n'étaient pas toi, mais j'ai persisté, car je voulais t'oublier, passer à autre chose. Tu me l'avais dit mot pour mot : « Notre histoire ne mène à rien », alors j'ai essayé de reprendre ma vie d'avant mais c'était fade. J'avais beau coucher avec, elles ne représentaient rien de plus que du sexe, on se voyait uniquement pour ça. Je ne cherche pas à m'apitoyer sur mon sort, mais juste à te faire comprendre qu'aucune autre personne ne pourra te remplacer, car je suis fou amoureux de toi, Sybille.

Je baisse la tête, mes yeux se remplissent de nouveau de larmes. Mathieu vient relever mon menton à l'aide de son index pour me faire face. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Drôle de déclaration d'amour, n'est-ce pas ? Cette histoire a beau me blesser, je ne peux pas lui en vouloir. À cette époque, nous n'étions pas ensemble. Ça serait injuste de l'accabler alors que je n'ai rien de concret à lui reprocher.

- Je sais ce que tu ressens, car je ressens la même chose. Tu crois que ça me fait quoi de savoir que tu as été intime avec d'autres mecs ?
- À propos de ça... Je..., bafouillé-je, mal à l'aise.
- Je ne suis pas certain de vouloir savoir avec combien de gars tu l'as fait, je crois que c'est au-dessus de mes forces.

Je sens la contrariété de Mathieu a des kilomètres. Sa gorge est nouée, ses poings serrés.
Je vois très bien que cette situation le ronge de l'intérieur.

- J'ai menti.
- Menti ? répète-t-il, sans trop comprendre.
- Je n'ai pas couché avec d'autres garçons.
- Attends, j'ai du mal à suivre, se fige-t-il, perplexe.
- Pourtant ça paraît plutôt évident, lancé-je d'un ton léger. J'ai dit ça sur le coup de la colère, j'étais blessée.
- Alors tu n'as pas ? Enfin... Tu vois ?
- Non. J'ai flirté avec un garçon, Casey. On est plus ou moins sortis ensemble mais... Je n'ai pas réussi à aller plus loin.
- Un blocage ?
- Ouais, un blocage du nom de Mathieu Pruski.
- Je... Je sais pas quoi dire, avoue-t-il, surpris.
- Arrête, inutile de prendre des pincettes, je sais que tu as envie de hurler de joie.
- T'as même pas idée.

Un grand sourire s'empare de son visage, de quoi me faire sourire à mon tour. Je viens taper son bras avec ma main quand il vient enlacer cette dernière.

- Je me sens con, dit-il en reprenant son sérieux.
- Et moi donc... Si j'avais su, j'aurais passé le cap avec Casey, m'amusé-je.
- C'est censé être drôle ?
- Un petit peu, oui ! grimacé-je, amusée.
- Désolé de te décevoir mais c'était de très mauvais goût, râle-t-il, le sourire aux lèvres. Tu sais, j'ai pas enclenché cette discussion pour créer des tensions, au contraire, je voulais tout mettre à plat. Aucun secret.
- J'apprécie ton initiative, même si j'ai dû perdre trente pour cent de l'eau que j'avais dans mon corps avec toutes ces larmes.
- Désolé...
- Pourquoi ? Pour avoir essayé de reprendre une vie normale après notre rupture ? Ça me fait mal mais je ne peux pas t'en vouloir, ça serait enfantin.
- Comment tu fais pour être si rationnel ?
- Je crois que j'ai suffisamment confiance en toi pour réaliser que tout ça ne mérite pas un scandale monumental, ni plus, ni moins.
- Alors tout est OK ?
- Tout est OK mais je ne veux plus jamais rien savoir sur ces filles, d'accord ?
- De quelles filles tu parles ? sourit-il.
- Bien joué, Pruski.

Mathieu me tire davantage afin que je vienne me blottir contre lui.

- Je t'aime, tu sais ?
- Je t'aime aussi.

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant