Chapitre 51
Mercredi 26 septembre 2020
Mon Vespa stationné dans la cour, je retire mon casque en prenant soin de glisser ma main dans mes cheveux afin de les remettre en place. En marchant, mon regard se pose, un peu par hasard, sur le muret en pierres qui longe la parcelle. Jefferson, le chat du voisin, y est confortablement installé. Je souris, attendrie face à cette petite boule de poils, et me dirige vers l'arche vitrée qui sert de porte d'entrée. Mon poing recroquevillé, mes phalanges viennent tapoter la paroi. À l'aise, je prends l'initiative d'ouvrir la porte de manière à m'avancer dans le hall. Un fond musical se fait entendre. Je reconnais immédiatement la voix de Kurt Cobain sur Come As Your Are, ce qui me pousse à acquiescer d'un mouvement de tête, satisfaite. Arrivée dans le séjour, je remarque Olivier, il est assis sur le canapé, en train de feuilleter l'un de ses magazines sur les voitures anciennes, auxquels il est abonné.
- As I want you to be. As a trend, as a friend, as an old memoria, [Comme je veux que tu sois. Comme une tendance, comme un ami, comme un vieux souvenir] chanté-je en posant mon sac dans un coin du canapé.
- Comment s'en lasser ? répond-il, un léger sourire au coin des lèvres.Mon beau-père se lève pour venir me saluer. Il ne semble pas surpris de me voir ici, sans doute car l'alarme du portail l'a averti de ma présence à l'aide d'une notification sur son smartphone. Mon attention est immédiatement happée par la pochette mythique du vinyle « Nevermind » présente sur la table basse.
- Cet album est un classique, affirmé-je.
- Ce n'est pas moi qui vais te dire le contraire, s'amuse-t-il.
- Maman n'est pas là ?
- Non, elle est partie boire le café chez une amie, quant à ton frère, il est à l'anniversaire d'une certaine Juliette.
- Juliette ? répété-je en plissant les yeux de façon exagérée, intriguée.
- D'après lui, ce n'est qu'une « amie ».
- Laissons-lui le bénéfice du doute, dis-je simplement en haussant les épaules. Du coup, ils t'ont laissé tout seul à la maison ?
- Oui mais comme tu peux le voir, je suis loin d'être malheureux. Et toi alors ? Qu'est-ce qui t'amène ici ? Ça fait plaisir de te voir !
- J'étais chez Léa pour lui donner des cours de soutien alors je me suis dit que j'allais passer vous dire bonjour.
- Ça, c'est gentil ! avoue-t-il, touché.En effet, j'ai passé une bonne partie de mon après-midi chez Léa pour lui donner des cours particuliers. D'après elle, la langue de Shakespeare n'est pas son fort, pourtant ses bases sont bonnes. Je vais donc faire mon possible pour la remettre au niveau souhaité. Cela va nous permettre de passer du temps toutes les deux et je trouve ça plutôt chouette.
Olivier me propose rapidement un soda avant qu'on ne parte s'installer dans le salon de jardin, sur la terrasse. J'adore venir ici, cet endroit est si paisible...
- L'apprentissage de Léa n'est pas trop compliqué ? reprend mon beau-père, intéressé.
- Non, j'ai de la chance, c'est une élève assidue.
- Ça, c'est bien ! D'ailleurs, en parlant d'élève, j'ai eu un appel hier matin.
- Ah oui ? À quel sujet ? le questionné-je en ramenant mon verre de thé glacé à mes lèvres.
- C'était Tamara.
- Oh... Elle va bien ?Mon ventre se noue instantanément. Olivier me fixe et je vois dans son regard qu'il est au courant. Je baisse les yeux mal, à l'aise à l'idée d'aborder cette conversation que j'essaie d'éviter à tout prix depuis des jours.
- Elle m'a dit que tu n'avais toujours pas répondu à ses mails, c'est vrai ?
Je hoche la tête positivement en serrant la mâchoire, anxieuse. L'un des mails me revient aussitôt à l'esprit, à croire que je le connais par cœur :
« Bonjour, Sybille, j'espère que tu vas bien ! Je reviens vers toi, car les autorités australiennes rouvrent les frontières pour les personnes qui ont un visa de travail comme le tien. Si tout va bien, tu pourrais reprendre ton post début novembre. Essaie de me donner une réponse rapidement pour que je puisse entamer les démarches. Je t'embrasse ! Tamara. »
- Disons que je n'avais pas la tête à me pencher sur ça cette semaine. Elle t'a dit quelque chose en particulier ? J'espère qu'elle ne l'a pas mal pris ? m'inquiété-je.
- Non, bien sûr que non ! Je lui ai dit que tu étais pas mal occupée en ce moment. Elle a tout à fait compris.
- Tant mieux...
- C'est pour ton retour en Australie, c'est ça ? Elle veut prolonger ton contrat ?
- Oui, m'efforcé-je de sourire.
- Tu sais que tu n'es pas obligé d'accepter, n'est-ce pas ? La vie australienne te manque ?
- Oh, tu sais, c'était agréable de croiser des pythons de cinq mètres au milieu de la chaussée, lancé-je, pleine d'ironie.
- Je me doute que ça devait être exaltant, rit-il.
- Tu en as parlé à maman ? rétorqué-je en reprenant mon sérieux.
- Non, je me suis dit que tu préférerais lui en parler toi-même.
- Merci. Tu la connais, elle peut être légèrement stressante dans ce genre de situation.
- Donc j'en conclus que tu as pris une décision ?
- Oui... Il me reste plus qu'à l'annoncer mais je me laisse encore quelques jours. Je veux faire les choses correctement.
- Je n'en doute pas ! Ta décision sera la nôtre, dit-il en me pinçant la joue avant de se lever de sa chaise. Tu restes dîner j'espère ?
- Pourquoi pas ?
- Ça tombe bien, car je voulais t'apprendre une recette familiale ! Si tu es d'accord, bien sûr ?
- Ça serait un honneur. Comment je dois t'appeler ? Chef Jouannet ? C'est ça ?Il se met à sourire et je fais de même. Décidément, Olivier a toujours les bons mots pour me rassurer. N'importe quelle personne sur cette planète aurait tenté de me tirer les vers du nez pour avoir une réponse à ma décision, mais lui, il n'est pas intrusif, bien au contraire. Je suis heureuse d'avoir une figure paternelle aussi respectueuse et bienveillante dans ma vie.
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ALL NIGHT - PLK
FanfictionUne histoire comme les autres ? Détrompez-vous, vous n'êtes pas au bout de vos surprises. ▫️Sybille Vasilis ▫️Mathieu Pruski