ALL NIGHT - PLK

VIII - ALL NIGHT

Chapitre 33

Samedi 17 juin 2017

- Sybille, tu peux venir deux minutes ?

La voix de ma mère raisonne dans tout l'appartement, ce qui m'oblige à lever les yeux au ciel. Je prends soin d'appliquer mon rouge à lèvres, teinte rose boisé et jette un dernier coup d'œil sur ma tenue. Une robe mi-longue, couleur pêche. Mes boucles d'oreilles mises et mes cheveux brossés, je sors de ma chambre pour rejoindre le séjour.

Ce soir, maman nous présente Olivier. Ce n'était pas prévu mais pour une fois que leur emploi du temps s'accorde, ils n'ont pas cherché plus loin. Cela me fait plaisir de rencontrer l'homme qui rend maman heureuse mais un samedi soir, sérieusement ? Mathieu m'avait lui aussi invitée à sortir... Les négociations ont été rudes mais j'ai réussi mon coup. Voyant que je n'étais pas décidée à lâcher l'affaire, ma mère a cédé, à quelques conditions... : « Très bien, Sybille, tu restes pour l'apéritif et après, tu pourras sortir mais à une condition. Je veux voir ce garçon de mes propres yeux. » J'avais évidemment accepté. Cela faisait-il de moi une jeune fille nerveuse ? Absolument pas. J'étais confiante à l'idée de présenter Mathieu à ma mère et d'après ses messages, il l'était aussi puisqu'il avait lui aussi accepté la proposition.

- Tu m'as appelée ?
- Tu peux descendre la poubelle ? reprend ma mère, les yeux rivés dans le placard.
- Là, tout de suite ?
- Oui, Olivier ne va pas tarder à arriver et ton frère est encore sous la douche.
- Très bien..., râlé-je.
- Merci, t'es un ange.
- Ouais...

J'empoigne la poubelle, et sors sur le palier pour y prendre les escaliers. Arrivée en bas, je marche quelques mètres jusqu'au vide-ordure. Je soulève le couvercle furtivement et y jette le sac. Je grimace, écœurée par l'odeur des conteneurs avant de retourner sur mes pas. Alors que je m'apprête à monter les quelques marches qui mènent à mon entrée, la porte s'ouvre soudainement. Rayan me fait face, son casque de moto à la main. Il porte un jean, un t-shirt et des baskets noires. Je reste muette face à lui, je le regarde un instant, prise de court, et continue mon chemin lorsqu'il prend la parole :

- Sybille, attends...

Je me stoppe net. Dois-je vraiment me retourner ? Je roule des yeux et finis par lui faire face, perplexe.

- Quoi ? lancé-je, agacée.
- On peut discuter ?
- Pourquoi, tu veux encore t'excuser ?
- Sybille..., dit-il en baissant son regard vers le sol. C'est juste que...
- Que quoi ? le coupé-je, sèchement.
- Pourquoi tu t'intéresses à ce type ? C'est parce qu'il est connu c'est ça ?

Sa question me blesse mais elle ne m'étonne pas. Si Rayan me connaissait un minium, il saurait que je suis loin d'être une fille intéressée. Je me contente de lever les yeux au ciel une nouvelle fois et lui tourne le dos, prête à rejoindre le hall mais ce dernier vient me barrer la route, en se mettant devant moi.

- J'essaie de comprendre, Sybille !
- Comprendre quoi ? Qu'est-ce que tu essaies de comprendre, Rayan ?!
- Je sais pas ! On sort ensemble à plusieurs reprises, le feeling passe bien, tout ça pour que tu me laisses en plan ? Je comprends plus rien !

Je ne peux m'empêcher de sourire nerveusement à sa réplique. C'est l'hôpital qui se fout de la charité là ?

- Qu'est-ce qui te fait sourire ?
- Toi, qui d'autre ?
- Pourtant, j'ai rien dit d'amusant.
- Tu sais, Rayan, quand on est allé à ce concert ou bien au cinéma, il ne se passait strictement rien avec Mathieu. En revanche moi, je veux sortir avec toi depuis que j'ai treize ans ! Quand tu as commencé à t'intéresser à moi, j'étais heureuse ! Vraiment !
- Et donc ? Il est où le problème ? me coupe-t-il brusquement.
- Le problème c'est que tu t'en fous de moi ! Je suis qu'une distraction après ta rupture avec Lola !
- Arrête de dire n'importe quoi !
- Ah oui ? Alors pourquoi tu te réveilles que maintenant ? Tu m'expliques ?
- C'est juste qu'on se connait depuis tellement d'années. J'avais pas réalisé à quel point t'étais différente des autres.
- Bah voyons...
- Tu sors avec lui pour m'oublier ? C'est ça que je dois comprendre ?

Mon sourire s'élargit, seigneur, c'est vraiment un abruti.

- Certainement pas ! Tu sais, si j'arrive à oublier l'affection que j'ai eue pour toi, c'est qu'il me fait me sentir spéciale. J'ai plus treize ans là ! J'ai envie de vivre un truc vrai, un truc qui me rend heureuse et c'est ce qu'il m'arrive avec Mathieu. Alors si tu veux bien m'excuser, ma mère m'attend.

Mon regard est noir, le ton de ma voix, sec. Je lui tourne le dos définitivement et m'empresse de traverser le hall pour prendre les escaliers. Au fond, je suis touchée qu'il s'intéresse à moi mais il arrive trop tard.