III - TÉNÉBREUX

4.7K 175 125
                                    

Chapitre 8

Lundi 15 mai 2017

- Molière complexifie le schéma de la pièce et mêle tragique, tragi-comique, farce, merveilleux et burlesque. Le tragique est principalement incarné par les personnages d'Elvire et de Dom Louis, mais également par Dom Juan dans sa confrontation prométhéenne à l'au-delà. Tragique en effet est la situation d'Elvire, qui aime encore un Dom Juan qui l'a séduite, enlevée et épousée, et n'en est plus aimée. Elle sait, malgré le désir qu'elle a de continuer à espérer, qu'elle n'a rien à attendre de lui. L'émotion et la passion affleurent dans son discours qui prend un tour déjà racinien.

Le monologue de notre professeur est à deux doigts de faire chavirer la classe tout entière. Monsieur Dumas, surnommé « La calvitie », ne semble pourtant pas y prêter attention. Vêtu d'une chemise à carreaux marron et d'un pantalon en velours assorti, il continue ses explications, imperturbable.
Habituellement, j'aurais été captivée par ses paroles. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour Molière, cela peut paraitre absurde pour une jeune fille de dix-sept ans mais ses œuvres sont très intéressantes. Malheureusement pour mon professeur, mes pensées m'éloignent du droit chemin. Je suis bien trop occupée à repenser à mon week-end pour me concentrer sur le cours.

Lorsque j'ai passé la porte de l'appartement samedi soir, ma mère était encore éveillée. Nous avons discuté quelques minutes avant qu'elle ne parte se coucher, rassurée de me savoir rentrée. Je me suis servi un verre d'eau et me suis empressée d'envoyer un message à Mathieu sur Instagram. « Je suis bien rentrée, tu peux dormir sur tes deux oreilles 😉 » J'ai à peine eu le temps de rejoindre la salle de bains qu'il m'avait déjà répondu : « Me voilà rassuré 😉 » S'amusait-il à répondre en conduisant ? Je me revois lever les yeux au ciel, un sourire au coin des lèvres.

La sonnerie annonçant la fin des cours retentit, me coupant clairement de mes pensées. Je range mes affaires dans mon sac et me lève afin de sortir de la salle de classe, déterminée à quitter l'établissement. Alors que je m'apprête à longer le couloir, une voix familière m'interpelle. Malgré le brouhaha, je me retourne quand Alix me fait face. Je hausse les sourcils, étonnée. Alix ? Me parler ? Au lycée ? Je la regarde s'avancer davantage. Elle porte une tenue plutôt simple, une combinaison kaki à manches longues, une paire de baskets blanches et son sac à main habituel. Ses cheveux longs sont détachés, son maquillage parfait, je l'observe attentivement lorsqu'elle prend la parole :

-​ Alors comme ça tu traines avec Mathieu ?

Sa voix est sèche et son regard méprisant. Je la regarde sans un mot, gênée de sa question.

-​ Je peux savoir d'où tu le connais ?
-​ Je te demande pardon ?
-​ Arrête de me prendre pour une conne, Sybille, j'ai mes sources !
-​ Tes sources ? répété-je sans trop comprendre.
-​ Je sais que vous vous êtes vus samedi.
-​ C'est pas du tout ce que tu crois ! me justifié-je.
-​ Un conseil, arrête de te faire des films ! Sinon, ça risque de mal se terminer.
-​ Attends, tu me menaces là ?
-​ Je t'informe, c'est tout, rétorque-t-elle simplement en haussant les épaules. J'espère que j'ai été claire.

Elle me tourne le dos, prête à partir quand elle se stoppe soudainement pour reprendre la parole :

-​ Oh... J'allais oublier, dit-elle d'un grand sourire. Il était avec moi dimanche et pour info on n'a pas joué aux cartes.

Un sourire de satisfaction s'empare de son visage avant qu'elle ne rejoigne ses amis un peu plus loin. Je l'observe s'éloigner, écœurée par son attitude. Je m'empresse de sortir du bâtiment au plus vite. Est-ce qu'elle dit vrai ? Est-ce que Mathieu était réellement avec elle dimanche ? Je sens les larmes me monter. Pourquoi tu pleures, Sybille, hein ? Pour un garçon que tu connais à peine ? Sérieusement ?

Une fois à l'extérieur, je sors une cigarette et enfile mes écouteurs comme si de rien n'était. J'ai beau prendre sur moi, un tas de questions se bousculent dans ma tête. Pourquoi les révélations d'Alix me touchent autant ? Est-ce que Mathieu me plait à ce point ? C'est du délire ! Je l'ai vu trois fois...

Le trajet du lycée à chez moi me parait durer une éternité. Je m'en veux d'avoir pu penser qu'il pouvait s'intéresser à moi. Qu'est-ce qui m'est passé par la tête ?

Lorsque j'arrive devant mon bâtiment, un groupe de garçons se trouve à quelques mètres. Parmi eux, je reconnais Rayan. Ce dernier se tient assis sur sa moto. Nos regards se croisent et je lui souris timidement en guise de bonjour. Alors que je suis persuadée qu'il va m'ignorer, il démarre son deux-roues pour me rejoindre.

-​ Hey... Ça va ?
-​ Et toi ? demandé-je poliment en retour.
-​ Oui, merci.
-​ Je tenais à m'excuser pour samedi. Mes potes se sont incrustés et... avec du recul, c'était pas une bonne idée.
-​ Disons que ton amie Sarah n'est pas très chaleureuse.
-​ Ouais, elle est carrément craignos, avoue-t-il, tout sourire.

Je souris à sa réplique quand il poursuit :

-​ Tu as quelque chose de prévu samedi ?
-​ Euh... No... Non, pourquoi ? bafouillé-je.
-​ On pourrait aller au cinéma ? Enfin... Si t'es d'accord bien sûr.
-​ Avec plaisir.
-​ Super, on se voit samedi alors ?
-​ Oui, à samedi.

Il me sourit une dernière fois avant de faire demi-tour pour rejoindre ses amis.

Est-ce que Rayan Messaoud vient réellement de m'inviter à sortir ? J'ai du mal à le croire.

ALL NIGHT - PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant