Chapitre 2

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PDV Rafael

Malgré les douze degrés, mon débardeur blanc me colle à la peau au bout de quelques parties. Au basket, je devance tout le monde. Je suis le roi de ce carré de bitume.

— Ouais, ouais, un mètre quatre-vingt-cinq, ça aide !

— T'es juste mauvais, Andres.

Ma remarque n'a pas l'air de plaire à mon ami, contrairement au reste du groupe qui est hilare.

— T'aurais fait un sacré pro, mon frère, me lance Luiz Ramos, le chef de notre gang.

Il claque mon épaule brûlante et glisse une main dans ses cheveux frisés de brésilien tout en faisant quelques pas.

— Il va pleuvoir, on rentre ?

J'acquiesce sans prononcer un mot tandis qu'Andres tente un nouveau panier solo. Et le rate, encore. Je n'attends pas pour exprimer mon dédain.

— Lamentable.

— Ta gueule, Martinez !

— Il a raison, faut que tu te bouges, lui fait Luiz, c'est pas comme ça qu'on va gagner c'putain de whisky.

— Parce que tu crois qu'ils vont nous le laisser s'ils perdent ?

— Tranquille, Andres, ajoute Da Silva, le plus calme de notre groupe.

Un autre gars s'immisce dans la conversation autour de qui l'emportera, entre notre gang et celui de Ash. Pour Luiz, ce whisky représente plus qu'une bouteille, il symbolise une victoire sur Ash, son ancien meilleur ami et ennemi juré depuis une décennie. Malgré tout, ce genre de prises de tête m'ennuie. Mais qu'est-ce qui ne m'ennuie pas...

Je m'éloigne et récupère ma serviette sur le banc pour m'éponger le front. Le ballon roule sur le bitume en direction de l'entrée et termine sa course dans un amas de feuilles. Quel est l'abruti qui balaye alors qu'il va pleuvoir d'une minute à l'autre ? L'abruti en question saisit le ballon entre ses mains et observe le groupe d'un œil mi-curieux mi-anxieux. Je le reconnais aussitôt. Le petit nouveau qui m'épiait à midi. Ce garçon est aussi discret qu'un bananier en plein désert.

Ma serviette autour des épaules, je croise les bras et le contemple depuis le banc. Il ressemble à un gosse inquiet face à une dispute entre adultes. Qu'attend-il pour le ramener, ce ballon ? Je prends les devants et me dirige vers lui. Dès l'instant où il me voit, il recule de quelques pas et blêmit. Je me plante face à lui, le surplombant d'une tête, et ouvre une main.

— Tu comptes nous le rendre ou en faire ton ami ?

Il regarde le ballon, puis me fixe de ses grandes billes noisette avant de me le tendre.

— D-désolé, je n'osais pas...

Je lève les yeux au ciel. Mon regard se balade sur lui. Des cheveux blond foncé dont les reflets cendrés s'animent sous le vent, de beaux yeux dans lesquels des nuances vert, doré et brun s'embrassent, le corps élancé d'un jeune universitaire et un visage bien trop délicat pour cet endroit sordide. Je ne lui donne pas plus de vingt-trois ans. Et une semaine avant de connaître les taulards de plus près.

— Toi, tu vas pas durer longtemps.

Je lui arrache le ballon des mains et tourne les talons.

— Pourquoi vous dites tous la même chose ? J'ai l'air si pitoyable que ça ? Je sais me débrouiller seul !

Je m'arrête, surpris de recevoir une réponse. Sur un ton aussi ferme, en plus. Je fais volte-face et il recule, à nouveau effrayé.

— E-excuse-moi...

Je le retiens par l'avant-bras et le remets en place.

— En fait, soit tu l'ouvres trop, soit tu te pisses dessus, c'est ça ?

— Je ne... me pisse pas dessus ! s'insurge-t-il. Vous êtes tous si... laisse tomber.

Il croise les bras et se tourne de moitié avec une moue vexée. Je dois rêver...

— Putain, qu'est-ce qui t'es arrivé, à toi, pour finir à Glenwood ?

— Quelqu'un m'a piégé, je n'ai rien à faire ici.

— Je te rassure, ça se voit en deux secondes.

— Désolé de ne pas faire partie de la racaille.

J'écarquille les yeux, abasourdi.

— Ce... ce n'est pas ce que je voulais dire, se rattrape-t-il. Je ne suis juste pas comme vous qui avez des tempéraments... de personnes qui ont l'habitude de... de...

Son visage s'empourpre, sa bouche se referme et il baisse les yeux, penaud. Est-ce que ce type est vraiment réel ? Si je n'avais pas été aussi choqué par son insolence, j'en aurais ri. Chose rare depuis que je suis ici.

— Je crois que ces six ans vont être compliqués...

— Six ans ? T'es là pour six ans ?

Cette fois, je pouffe de rire.

— Mec...

— Je sais, souffle-t-il, je vais mal finir parce que je ne sais pas la fermer.

— Ça aurait pas été moi, t'aurais déjà mangé le bitume et perdu tes dents.

Il relève le menton, hésitant.

— Et... pourquoi tu ne me l'as pas déjà fait manger, le bitume ?

Bonne question. Peut-être parce qu'il me fait pitié ?

— Prends ça pour un sursis avant le début des galères, parce qu'elles vont pas tarder.

Son expression s'affaisse. Il m'aurait presque fait de la peine, si j'en avais pas rien eu à foutre.

— Un conseil : ne l'ouvre plus. Peut-être que tu survivras.

Je me retourne, fais rebondir quelques fois le ballon et pars rejoindre les autres.

— Second conseil, m'écrié-je, dos à lui, ramasse ces putains de feuilles avant que la pluie ne tombe ou tu vas te faire défoncer par le gardien !

Lorsque j'entends les bruissements vifs de son râteau, je souris en coin. Au moins, il écoute ce que je lui dis. Les membres du gang me fixent avec un air ahuri.

— Qu'est-ce qu'il vous arrive ?

— Martinez, me lance Da Silva, t'as vraiment rigolé ou j'ai halluciné ?

Mon visage se referme. Avant que je ne puisse me défendre, un surveillant aigri nous donne l'ordre de rentrer. Je bouscule Andres et Da Silva et me dirige vers l'entrée.

— J'ai le droit de me foutre de la gueule d'Andres mais pas de celle d'un môme ?

— Ce môme qui t'a maté à midi, non ? remarque Luiz.

— Qui prend les paris ? lance Andres. Dans trois jours, il se fait sauter, dans cinq il se fait fracasser, dans quinze il sort les pieds devant.

— Je lui en laisse deux, déclare Luiz. Je mise trois clopes.

— Deux aussi, ajoute Da Silva.

Je soupire en les entendant conclure leurs paris. Arrivé dans l'encadrement de la porte, je jette une œillade discrète vers « le môme ». Une paume tendue vers le ciel, il contemple les nuages sombres qui s'agglutinent, comme s'il attendait de recevoir une goutte de pluie. Cet idiot. Une sensation étrange naît au creux de mon estomac. Une douceur qui fait écho à de vieux souvenirs. Mes dents se serrent et mes sourcils se froncent. Qu'il ne s'attende pas à un second répit.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant