Chapitre 9

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PDV Léo


Je presse le pas jusqu'à arriver dans ma cellule, me déchausse du bout des pieds et me réfugie dans mon lit, sous la couverture. Je n'arrive pas à croire ce que je viens de vivre... Non, je ne peux pas... Les larmes m'enflamment les joues.

Rafael m'a littéralement offert à son ami. Lui qui était si protecteur, si attentionné, il va le laisser faire de moi son objet. Comment a-t-il pu devenir un tel enfoiré ? J'enfouis ma tête dans mon oreiller et le serre fort entre mes bras. Moi qui pensais être devenu insensible, je me rends compte qu'il est celui qui me va briser en mille morceaux. Il a déjà commencé.

A Glenwood, n'était-il donc qu'une belle figure ? Je refuse de croire que ses sentiments n'étaient pas réels. Il m'a aimé, j'en suis certain. Mais à Northbury, il est devenu quelqu'un d'autre. M'en veut-il à ce point pour être à l'origine du rallongement de sa peine ? Je n'arrive plus à avoir les idées claires, je perds mon esprit d'analyse et ma lucidité dès que je suis au milieu des détenus. Je voudrais me fondre dans les murs et disparaître. Je pousse un soupir tremblotant.

Je dois m'excuser auprès de Rafael pour l'avoir mis dans cette situation alors qu'il allait sortir. Sa haine envers moi diminuera peut-être après ça... Mes larmes imprègnent l'oreiller.

— Eh, voisin, n'utilise pas les toilettes de la cellule, elles sont cassées.

Je sors la tête de sous la couverture.

— H-Hendrix ? Qu'est-ce que tu fais là ?

— Nichols a été envoyé à l'hôpital. Apparemment, quelqu'un qui ne l'aimait pas l'aurait empoisonné. C'est bête, hein ?

J'ouvre de grands yeux tandis qu'il s'installe sur le lit d'à côté. Qui en aurait voulu à Nichols, dès son arrivée ? Il ne connaissait personne, ici.

— Au fait, comment ça va ? Ça te rend pas malade de savoir que Diaz te baisera, demain ?

Ces mots me liquéfient, ma gorge s'assèche. Il me fixe avec un air enfantin, assis sur son lit. Je secoue la tête, car c'est tout ce que je suis capable de faire. Un frisson d'angoisse me traverse. Le pire n'est pas l'acte en lui-même, mais d'avoir été livré par Rafael à son ami. Est-ce par vengeance ? J'ai beau refuser cette idée et connaître sa possessivité, je ne vois pas d'autres explication. De toute manière, je n'arrive plus à réfléchir correctement.

— Je n'ai pas envie d'en parler, excuse-moi.

Evitons tout de même de froisser le meurtrier qui partage ma cellule. Je ne sais pas grand-chose de lui et il est plutôt inquiétant. Je retire ma chemise et mon pantalon tout en restant assis et sans jamais le regarder, les plie pour les déposer au bout de mon lit et m'enroule dans la couverture, dos à lui. Je ne l'entends pas bouger. Va-t-il rester assis à me regarder ? Je déglutis. Nichols le râleur me manque...

— C'était quoi ton jeu préféré, à l'école ? me demande-t-il.

— Je ne sais plus. Je ne jouais pas avec les autres, je travaillais durant les récréations.

— Ta famille était stricte, pas vrai ?

— On peut dire ça, en effet.

Je me retourne sur le dos et glisse un bras derrière ma tête. Je suis fatigué... Compte-t-il me questionner longtemps ?

— Moi, j'aurais bien voulu être ton ami.

Je placarde un sourire sur mon visage, sans pour autant quitter le plafond des yeux. Un tueur à l'attitude enfantine... Dire que j'ai défendu une victime contre ce genre de fou dangereux. Ma place, face à ce genre de détraqué, est dans un tribunal, pas dans une cellule en tant que son codétenu. Dieu que je hais la justice !

— A quel âge tu as su que tu aimais les garçons ?

Je me redresse brusquement.

— Qu'est-ce que tu dis ? Il ne faut pas parler de ces choses-là, ici !

Des hommes passent dans l'encadrement de la porte et freinent l'allure pour me dévisager d'un sale œil.

— Je connais ton secret. Mais t'inquiète pas, je dirai rien. On est amis, pas vrai ?

Il presse un doigt contre sa bouche, étirée dans un sourire. Je lui renvoie un rictus grimaçant et me rallonge. J'ai l'impression de marcher sur un chemin de braises. Diaz apparaît soudain dans l'encadrement de la cellule. Je me crispe dans le lit, l'angoisse au ventre, mais, contre toute attente, il semble plus contrarié que moi et repart aussi vite qu'il est arrivé. Que voulait-il ? Je me retourne face au mur et serre la couverture contre moi comme un doudou.

Quelques minutes s'écoulent, puis les gardiens hurlent les derniers ordres et la porte de la cellule se referme avant d'être verrouillée. Bientôt, la lumière est remplacée par la lueur des néons. Malgré l'angoisse, le chagrin et la menace d'horribles cauchemars, la fatigue finit par m'avoir et je sombre dans un profond sommeil.


Une caresse, un chatouillis parcourt mon ventre. Une sensation de fraîcheur me tire doucement de mon sommeil. Je bats des paupières et découvre une ombre au-dessus de moi. Mes yeux s'ouvrent en grand, la peur me prend aux tripes.

Hendrix. Sur mon lit. Ses pupilles brillantes figées sur moi.

— Pardon, je n'ai pas été assez doux, je t'ai réveillé.

Ces mots me terrifient. Je me redresse sur les coudes et constate qu'il est assis sur mon lit, encore habillé. Malgré tout, il a descendu ma couverture. Je passe mentalement en revue chaque partie de mon corps pour vérifier que je vais bien et me décontracte en comprenant qu'il ne m'a rien fait d'étrange.

— Qu'est-ce que tu fais, Hendrix, il est tard...

— C'est le début d'un jeu.

Il brandit un feutre noir. Je fronce les sourcils.

— Où est-ce que tu as eu ça ? Si tu te fais choper avec, tu vas être puni, fais-je avec un air réprobateur.

— Hendrix ! hurle un gardien, derrière la vitre de la porte.

L'homme frappe contre celle-ci pour lui ordonner de regagner son lit.

— Encore un secret... ! murmure-t-il avant de retourner se coucher. Bonne nuit, voisin.

Il se réallonge dans le plus grand des calmes et me laisse hébété dans mon lit. En baissant les yeux, je découvre une petite phrase sur mon bas-ventre, illisible de mon point de vue. De l'espagnol ? Un petit frisson me parcourt. Je rabats la couverture jusqu'à mon cou et ferme les yeux... avant de les rouvrir dans la foulée. Finalement, je ne suis pas certain de vouloir me rendormir.


De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant