Chapitre 26.3

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Je me retrouve dans l'angle d'un escalier, les yeux rivés au sol. Mon esprit se reconnecte peu à peu à l'environnement. Le choc a laissé place à la prostration. Les voix de Rafael et Ash résonnent dans les escaliers et des jambes s'agitent autour de moi. Tous deux m'examinent de la tête aux pieds avec attention. Pourquoi sont-ils tous là ? Je ne mérite aucun égard. Andres arrive avec de l'alcool et des compresses.

— Pasquier, c'est pas ta faute... me répète Ash.

Ma mâchoire se contracte. Je m'adresse à Rafael sans pour autant le regarder.

— Tu avais raison. Je suis un ami affreux.

Je me relève en m'appuyant sur leurs épaules et redescends les marches malgré les multiples douleurs qui me cisaillent le corps. Rafael me rattrape.

— Où tu vas ? Tu tiens à peine debout !

— Je dois passer un appel. Seul.

Je sais qu'ils doivent se rendre à l'atelier mécano et je compte bien profiter de cette heure pour joindre mes parents. Peu importe les tensions qu'il y a entre eux et moi, j'ai besoin d'entendre leurs voix. Si je n'entends pas celle de ma mère, là, maintenant, je crois que j'en deviendrai fou.


Agrippé au boitier métallique du téléphone mural, je patiente le temps que l'on me réponde. La dernière fois que mon père a bien voulu accepter mon appel, il a à peine prononcé trois mots et ma mère a fondu en larmes depuis son lit d'hôpital. J'avais ensuite pleuré durant de longues minutes dans un coin. Tout ce que je souhaite est pouvoir leur livrer ce que j'ai sur le cœur, même si cela implique d'être accablé de reproches.

Après une vingtaine de secondes, mon père décroche enfin. Ce simple « allô ? » engendre une foule d'émotions. Je ferme les yeux, la gorge serrée.

— Papa... ça fait vraiment du bien de t'entendre...

Silence radio. Mes doigts se crispent autour du combiné.

— Papa, il s'est passé quelque chose de grave, ici... parle-moi, s'il te plaît...

— Ta mère est morte.

Mon sang se fige. Pardon ? De longues secondes s'écoulent avant que je ne réalise ses mots.

— ... Quoi ?

— Elle est morte, Léo. Ta mère est morte.

Mon corps se déchire de l'intérieur. J'ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. C'est impossible. Je suis forcément dans un cauchemar... Oui, dans le plus ignoble cauchemar... Un instant, je vois double. Mon cœur bat-il toujours dans ma poitrine ? L'air me brûle la gorge à chaque inspiration.

— C-comment...

— Elle a refait un infarctus. Elle s'était beaucoup affaiblie, depuis ton dernier appel.

Un frisson remonte le long de mon échine et une nausée me retourne l'estomac. Mes genoux se mettent à trembler.

— Je... je dois la voir... je dois...

— Les obsèques ont eu lieu il y a trois jours. Elle est morte mercredi dernier.

Je m'effondre le long du mur. Le téléphone manque de me glisser des mains.

— P-pourquoi... pourquoi tu ne m'as pas...

— Si elle est partie si tôt, c'est à cause du choc que tu lui as infligé en finissant en prison. Elle avait déjà fait trois infarctus, tu savais mieux que personne combien son cœur était fragile. Et pourtant, tu as quand même appelé, directement à l'hôpital ! C'est toi qui...

Le flux de reproches de mon père s'éloigne de mon esprit. Je n'entends plus rien. Ma vision devient trouble derrière les larmes, mon regard se perd dans le vide. L'instant d'après, le combiné m'échappe. Un trou se creuse en moi. Béant. Noir comme la nuit.

Je suis vide, je me noie. Mon âme est en train de s'effacer. Le monde vient de s'écrouler, le temps de se figer.

Mon cœur s'arrête. Mon ombre disparait.



De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant