Chapitre 3

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PDV Léo

L'averse a poussé tout le monde à se regrouper à l'intérieur. Sans Elie, je me sens très seul. Je n'ai jamais eu autant l'impression de ne pas être à ma place.

Errant dans le couloir à la recherche d'un endroit où passer le temps, je pénètre dans la salle de repos pour m'assoir devant la TV. Les détenus sont regroupés autour de tables et de deux canapés en piteux états. Malgré un brouhaha constant, la plupart jouent aux cartes ou grignotent face à une vieille série policière. Un « enculé de flics ! » me fait sursauter.

- Qu'est-ce que tu fous là, branleur !

Un homme m'aboie dessus. Tous les regards se figent sur moi. Ma bouche s'ouvre, mais je n'ai pas le temps de prononcer un mot.

- Tire-toi !

Sur le point de recevoir une canette de coca en pleine figure, je recule et disparais dans le couloir. Je note, cet endroit m'est interdit pour le moment. Je souffle un coup. La bibliothèque sera plus accueillante pour moi.

Je m'aventure dans l'antre des lecteurs, soulagé d'y retrouver un peu plus de calme ; l'odeur des livres m'envoûte déjà. Une tiédeur agréable plane dans l'atmosphère, semblable à celle des salles d'études universitaires.

La bibliothèque n'est pas riche en ouvrages et nombre d'entre eux sont abimés, mais je trouverai bien de quoi occuper ma journée, calé au fond d'un fauteuil. Mes doigts glissent sur les bords poussiéreux des étagères alors que mon regard lèche les dos des livres. « Les bases de la législation carcérale » me passe sous le nez. Un fin sourire étire mes lèvres.

- Eh, toi.

Je relève la tête et tombe sur un quarantenaire aux cheveux gras. Inutile d'examiner son expression et ses pupilles de plus près pour deviner que c'est un drogué en manque.

- C'est toi qui... enfin, t'as compris.

- Pas vraiment, non.

- Putain, fais pas chier et donne-la-moi !

Un CHUT me hérisse le poil. Il se rapproche avec une démarche fébrile.

- Mec, j'ai payé, je...

- Je ne suis pas le gars tu cherches, désolé.

Ses yeux injectés de sang s'agrandissent, puis, la rage au bord des lèvres, il appuie son index sur mon torse.

- Tu m'as laissé parler alors que c'était pas toi ? Tu m'as laissé parler ? s'emporte-t-il. Putain, tu sais que j'dois pas parler, hein ?

Je le dévisage, stupéfait.

- Écoute...

- Non, toi, tu m'écoutes ! Va dire à Joe que je suis là, t'as compris ?! Si je te revois sans lui, je te...

Le hurlement de la bibliothécaire le contraint au silence. Je n'attends pas de recevoir de nouvelles menaces. J'attrape un livre au hasard et m'échappe au pas de course. Je lirai dans ma cellule, loin de tous ces fous. Existe-t-il un endroit où je ne m'attirerai pas d'ennui ?

- Détenu !

Je m'arrête à l'entrée et me tourne vers la bibliothécaire à la voix nasillarde, postée près d'une console qui répertorie les sorties et les retours des livres.

- Oui ?

- On n'emporte pas les bouquins.

- Mais j'ai vu des détenus qui...

- J'ai dit, on n'emporte pas les bouquins !

Je la dévisage, outré et agacé. Espèce de... Je pose le livre sur le meuble d'un geste brusque qui me vaut un regard noir et quitte les lieux, bredouille.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant