Chapitre 30.2

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Andres se décompose à côté de moi. Il se braque vers Rafael et celui-ci hurle mon nom jusqu'à ce que mon regard se repose sur lui. Le film accéléré de nos souvenirs défile sous mes yeux alors que ses appels résonnent dans le couloir. Une histoire chargée de peines, mais plus puissante qu'aucune autre. Un amour inégalé et inégalable. Mon cœur se réchauffe. Si je dois mourir aujourd'hui, je m'en irai en paix.

La tension dans mon corps s'évanouit pour laisser place à la résilience et au chagrin. Je grave son visage dans ma mémoire jusqu'à la dernière seconde, un « je t'aime » soufflé du bout des lèvres. Malgré ses protestations, Rafael finit par disparaître derrière une porte métallique et la grille se referme dans un grand fracas. Mon sort se scelle sur ce bruit.

Un curieux silence s'abat sur la salle commune, ponctué par les rires légers des nouveaux arrivants. Tout le monde à l'air d'attendre quelque chose sans pour autant savoir quoi. Puis vient le moment fatidique.

Mon ex, Derek, s'avance lentement vers moi, suivi par trois de ses hommes. Je fais un pas en arrière. Andres se positionne entre lui et moi et crache à ses pieds.

— Toi, tire-toi, ou tu vas regretter que ta mère t'ait pas avalé.

La menace à peine proférée, Derek lui assène un puissant coup de pied dans le ventre et un crochet dans la tempe qui le laisse K.O sur le sol. Je me couvre la bouche, Ash se lève dans l'instant.

— Eh, connard ! Tu t'es pris pour qui ? T'es chez nous, ici !

Mes yeux roulent en direction des gardiens. Pourquoi restent-ils immobiles ? L'un des nôtres vient de se faire agresser par un nouveau et aucun d'entre eux n'intervient ? Derek glisse une main dans ses cheveux noir corbeau tout en analysant les lieux et les résidents. Certains de nos détenus se montrent anxieux, d'autres échangent quelques murmures, mais la majorité d'entre eux transpire l'hostilité.

— Une belle bande de fragiles, comme je le pensais.

— Qui tu traites de fragiles, trouduc' ? aboie Davis en bondissant du banc.

D'autres hommes se lèvent à sa suite, piqués au vif.

— Avant de mourir, enculé, dis-nous au moins qui tu es, beugle Davis.

Un rictus sardonique au coin de la bouche, Derek se focalise sur Ash et ignore Davis comme il l'a toujours fait vis-à-vis d'un sous-fifre.

— C'est toi le chef, ici ?

Le regard de L'araignée dévie au fond de la salle, sur El Cubano, assis en compagnie d'une vingtaine de latinos tatoués. Notre roi silencieux, trônant au milieu de sa troupe. Derek se tourne vers lui et hoche la tête.

— Bien, c'est donc lui qui tombera le premier.

Halluciné par tant d'audace, Ash se plante devant lui, le menton haut et les poings serrés.

— Je te conseille de ne dormir que sur une oreille, cette nuit.

— Et moi, je te conseille de ne pas m'énerver.

— Fils de pute ! T'es qui pour avoir une aussi grande gueule ?!

Jamais je n'avais encore vu Ash s'emporter de la sorte. Un détenu à lunettes se lève et pointe Derek du doigt.

— Ça y est, je le reconnais, c'est Derek Riviera ! Le chef de police qui a été inculpé dans un trafic de drogue et qui a été accusé de meurtres pour couvrir ses associés. Cette histoire avait fait le tour des médias.

Les exclamations retentissent dans la salle.

— Et Pasquier...

Non, non ! Ne parle pas de moi... !

— C'est toi qui l'as fait condamner, je m'en souviens maintenant ! Ta tête était partout à la TV et sur les réseaux. Frenchie, c'était toi « l'avocat star » qui a fait le buzz !

Toute la prison se braque vers moi. Fixé de tous les côtés, je ferme les yeux et prends une lente inspiration. Tout ce qu'il fallait pour irriter mon ex...

— Frenchie ? Comme c'est mignon.

Derek s'avance vers moi, les lèvres plissées par un rictus mielleux. Actuellement, il est en train de planifier de quelle manière il va me massacrer, je le connais par cœur. Il est ce genre d'hommes capable de vous dépecer dans son esprit tout en vous souriant. En ce qui me concerne, je penche pour une mort lente et douloureuse. Il choisira de me trancher les doigts un par un avant de me briser les os et de me lacérer le contour du visage – sa marque de fabrique. Derek Rivera aime savourer ses vengeances. D'ailleurs, je n'ai aucun doute sur les raisons de sa présence anormale àGlenwood, ni sur l'identité de celui qui a permis d'effectuer ce transfert.

— On a de nombreux comptes à rendre, toi et moi, Léo.

Il poursuit plus près de mon oreille sur un ton secret.

— Ou devrais-je dire « chéri » ?

Un frisson remonte le long de mon échine. J'ai l'impression de sentir à nouveau la pointe de son couteau longer ma colonne vertébrale. Comment ai-je pu tomber dans les bras de ce malade ? À mon niveau, l'amour n'était pas juste aveugle, il m'avait carrément arraché les deux yeux. Il s'écarte pour s'adresser à toute la prison.

— Les choses vont changer, à partir d'aujourd'hui, bande de fiottes !

— Tu n'en étais pas une, toi, à l'époque où tu couchais avec moi ?

Derek se statufie. Après une stupeur générale, des éclats de rire retentissent partout dans la salle. À peine arrivé, je viens de tuer son autorité dans l'œuf, en plus de l'avoir poignardé dans son égo. Il se tourne vers moi et me transperce d'un regard glaçant. Je déglutis, paralysé par l'effroi. Malgré tout, je ne regrette rien. J'ai fait ce qu'il fallait pour le discréditer aux yeux de tous. Ses doigts se referment autour de ma mâchoire.

— Je vais tellement m'amuser avec toi que même tes chers parents ne pourront pas t'identifier à la morgue.


De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant